Dans le cadre de la COP26 qui se tient à Glasgow jusqu'au 12 novembre, Futura vous propose une série d'entretiens avec des experts du climat pour décrypter le réchauffement climatique en cours, ses causes et ses conséquences, les risques auxquels nous devrons faire face si nous ne parvenons pas à maîtriser la hausse des températures et à ne pas dépasser les 1,5 °C, les solutions qui existent et celles à mettre en place. L'urgence climatique n'est pas un vain mot ! Aujourd'hui, nous donnons la parole à Gonéri Le Cozannet, chercheur au BRGM (Bureau des recherches géologiques et minières).


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    Gonéri Le Cozannet, chercheur au BRGM (Bureau des recherches géologiques et minièresBureau des recherches géologiques et minières), étudie les risques de submersion marine liés au changement climatique.

    Futura : Selon le Giec, le rythme de la montée des eaux a triplé en 10 ans. Quels scénarios faut-il considérer ?

    Gonéri Le Cozannet : En France, les stratégies sont fondées sur une élévation du niveau de la mer de 60 centimètres en 2100 par rapport aux années 2000. Ce scénario est basé sur une fontefonte lente des glaces des calottes polairescalottes polaires, au Groenland et en Antarctique. Or il y a de grosses incertitudes notamment concernant l'Antarctique de l'Ouest, surtout après 2050. Si la fonte des calottes polaires est rapide, le niveau moyen global de la mer pourrait monter d'un à deux centimètres par an et atteindre 1,7 mètre en 2100. Ces massesmasses d'eau ne se répartissent pas de façon homogène sur le globe notamment à cause des effets gravitationnels : le niveau de la mer baisserait au Groenland alors qu'il monterait plus qu'ailleurs sous les Tropiques. La mer monterait d'environ 1,8 mètre le long des côtes françaises. Même si ce scénario est peu probable, il est indispensable et urgent de limiter nos émissionsémissions de gaz à effet de serre pour limiter le réchauffement climatique, pour que ce scénario n'advienne pas et pour se donner du temps pour s'adapter.

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    Futura : Quelles sont les stratégies actuelles en France ?

    Gonéri Le Cozannet : Dans de nombreuses zones à risque comme le bassin d'Arcachon, le Languedoc-Roussillon ou la Bretagne, des plans de prévention des risques littoraux sont prescrits pour faire face à des submersions marines ou à l'érosion du littoral. Ils prévoient d'éviter l’urbanisation en zones basses, ce qui génère déjà beaucoup de tensions. Le Conservatoire du littoral, qui possède et gère 13 % du littoral métropolitain a, quant à lui, initié une gestion souple du trait de côte particulièrement innovante : au lieu de chercher à protéger les côtes avec des digues, ce qui est coûteux et parfois contreproductif, sur dix sites pilotes, il laisse le milieu naturel être submergé de façon épisodique lors de tempêtestempêtes ou de maréesmarées hautes. Le paysage évolue et les dunes se reconstituent au gré des déplacements de sédimentssédiments. Les digues sont en seconde ligne. Cette stratégie pourrait considérablement atténuer l'effet des tempêtes sur les villes voisines.

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    Carte interactive : visualisez concrètement les zones des côtes métropolitaines qui seront submergées selon l'élévation du niveau de la mer, à une résolution de 500 mètres

    Futura : Est-ce suffisant ?

    Gonéri Le Cozannet : Il sera très difficile de s'adapter si le niveau de la mer monte trop vite. Les protections contre la submersion à Venise ont nécessité 40 ans de travaux. Le plus urgent en France est de s'adapter à la submersion chronique des ports et à une érosion des côtes à marée haute lors de conditions météorologiques normales, surtout dans les territoires ultramarins et en Méditerranée. Ces submersions deviendront de plus en plus fréquentes dès 2030-2050.

    Des submersions de plus en plus fréquentes sont possibles dès 2030-2050. © RnDms, Adobe Stock
    Des submersions de plus en plus fréquentes sont possibles dès 2030-2050. © RnDms, Adobe Stock

    Futura : Et si la mer monte d’1,7 mètre d’ici à 2100 ?

    Gonéri Le Cozannet : C'est la question à laquelle nous tentons de répondre dans le cadre d'un projet européen baptisé Protect, initié en 2020 pour quatre ans. Nous étudions les conséquences sur les villes, les infrastructures, les activités portuaires ou les installations en France, aux Pays-Bas, aux Maldives et au Groenland. Par exemple, faut-il déplacer une décharge, ce qui coûte très cher, pour éviter que son contenu ne se déverse dans l'océan, comme cela a été fait dans la Manche à Lingreville ? Ce qu'on envisage aussi de faire au Havre où la falaise s'érode. Ou faut-il la protéger et en faire une structure de défense côtière, ce qu'envisagent les Britanniques par exemple à Fareham, sur la côte sud, sur la Manche ? Aux Maldives, à quelle hauteur doit-on construire les nouvelles îles pour faire face au développement économique rapide dans ce contexte d'élévation du niveau de la mer ? Dans notre projet, nous étudions des scénarios jusqu'en 2500 car la mer continuera de monter... Si on ne parvient pas à limiter le réchauffement climatiqueréchauffement climatique, le GiecGiec prévoit une élévation du niveau de la mer de deux à sept mètres en 2300, voire davantage. Ne nous laissons pas submerger ! Je le répète : limitons nos émissions de gaz à effet de serre.