Quand on prend le classement actuel des plus gros émetteurs de gaz à effet de serre, on trouve en première place la Chine, loin devant les États-Unis et l’Inde. Mais le réchauffement n’est pas instantané : il résulte de l’accumulation du CO2 au fil du temps. Et vu sous cet angle, les responsabilités sont bien différentes…


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    Les principaux pays émetteurs de gaz à effet de serre sont logiquement les plus peuplés et les plus industrialisés. Arrive ainsi en tête la Chine, avec 9,8 milliards de tonnes de CO2 relâchées en 2019, suivie des États-Unis (4,9 milliards), de l'Inde (2,5 milliards) et de la Russie (1,5 milliard). Avec ses centrales à charbon et ses industries polluantes, la Chine est donc accusée d'être la première responsable du réchauffement climatique. Mais le réchauffement inquiétant que nous connaissons aujourd'hui n'est pas le résultat des émissionsémissions de l'année dernière. Il est dû à l’accumulation des émissions de CO2 générées principalement depuis le début de l'ère industrielle. Depuis 1850, l'humanité a ainsi relâché 2.500 milliards de tonnes de CO2 dans l'atmosphère, qui contribuent aujourd'hui à la hausse des températures.

    Le site spécialisé Carbon Brief a ainsi établi un classement des pays les plus émetteurs de CO2 en prenant en compte l'accumulation de leurs émissions depuis 1850. L'analyse comprend non seulement les émissions dues aux énergies fossiles mais aussi celles liées au changement d'affectation des sols. L'animation ci-dessous nous montre ainsi l'évolution du classement au fil du temps, guidée par le développement économique de chaque pays. Si la Chine remonte rapidement au classement ces dernières années, les États-Unis restent largement en tête avec 509 milliards de tonnes de CO2 cumulées depuis 1850, soit 20 % du total mondial. La Chine arrive loin derrière (11 %), suivie de la Russie (7 %), du Brésil (5 %) et de l'Indonésie (4 %), ces deux derniers pays devant leur mauvaise place à la déforestationdéforestation intensive menée au fil des années. La France arrive 12e, avec 38,5 milliards de tonnes de CO2 issues des énergies fossiles, auxquelles il faut retrancher 3 millards de tonnes grâce à la croissance des forêts.
     

    Le réchauffement climatique n’est pas instantané et résulte de l’accumulation du CO2 au fil du temps. © Carbon Brief

    Les émissions de CO2 cumulées par habitant

    Reste que ce classement ne prend pas en compte la population, les pays les plus peuplés émettant naturellement plus de CO2. Carbon Brief a additionné les émissions de CO2 par habitant année par année (de 1850 à 2021) pour calculer le poids des émissions cumulées selon la population. Arrive alors en tête la Nouvelle-Zélande, avec 5.764 tonnes par habitant, suivie du Canada (4.772 tonnes), de l'Australie (4.013 tonnes) et des États-Unis (3.820 tonnes). Les plus gros émetteurs actuels comme la Chine, l'Inde, le Brésil ou l'Indonésie sont tous absents du top 20.

    Chaque habitant de Nouvelle-Zélande a émis 5.764 tonnes de CO<sub>2</sub> dans l’atmosphère depuis 1850. © C.D, d’après Carbon Brief
    Chaque habitant de Nouvelle-Zélande a émis 5.764 tonnes de CO2 dans l’atmosphère depuis 1850. © C.D, d’après Carbon Brief

    Les émissions importées et exportées

    Un autre biais dans la comptabilisation des responsabilités est la notion d'émissions « indirectes ». Certains pays se sont ainsi massivement débarrassés de leur industrie polluante, pour importer les biens produits dans d'autres pays qui, par conséquent, se trouvent pointés du doigt. Or, les négociations sur le climatclimat ne prennent pas en compte ces émissions « importées », se focalisant sur les émissions territoriales. Établir un classement sur ce critère est très difficile, car il faut calculer le contenu du carbonecarbone des biens importés et analyser les échanges commerciaux qui ne sont disponibles au niveau mondial qu'à partir de 1990. Carbon Brief s'est tout de même essayé à l'exercice et publie un classement des émissions cumulées prenant en compte les exportations et importations. Le tableau n'est guère différent du premier, mais l'on voit quand même que les États-Unis voient leur part cumulative augmenter de 0,3 point de pourcentage, et que la Chine voit la sienne diminuer de 1,1 point de pourcentage.

    Le financement climatique en retard

    Les pays en développement ne manqueront pas de faire valoir ces arguments dans les négociations. Demande partiellement prise en compte avec les 100 milliards de financement annuels promis par les pays riches aux pays du Sud à partir de 2020 pour les aider à lutter contre le changement climatiquechangement climatique. Cependant, d'après le dernier bilan publié par l’OCDE, le compte n'y est pas : le financement climatique a plafonné à 79,6 milliards de dollars en 2019. « Les crédits à l'exportation liés au climat sont restés faibles, à 2,6 milliards de dollars, ne représentant que 3 % du financement climatique total », déplore l'organisation. Chacun a bien du mal à reconnaître ses responsabilités.