Pour sauver le climat, nous devons réduire nos émissions de gaz à effet de serre. Tout le monde le sait désormais. Pourtant, nos émissions de dioxyde de carbone (CO2), qui avait profité de la crise sanitaire pour baisser en 2020, sont bel et bien reparties à la hausse. À cette allure, notre budget carbone pourrait être épuisé dans moins de 10 ans.

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Il y a quelques jours, l'Agence internationale de l'énergieénergie (AIE) le rapportait déjà. Nos émissions de dioxyde de carbone (CO2) ont atteint un niveau sans précédent en 2021. Les chercheurs engagés dans le programme Carbon Monitor le confirment aujourd'hui. Après une baisse due à la crise sanitairecrise sanitaire en 2020, ils ont enregistré un rebond de 4,8 % des émissionsémissions au niveau mondial. Et à ce rythme-là, notre budget carbone pourrait bien être épuisé dans moins de 10 ans !

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« Les émissions sont reparties à la hausse dans la plupart des secteurs des grands pays », précisent les chercheurs. C'est toutefois le transport aérien qui a connu le rebond le plus important. Sur les liaisons intérieures, l'augmentation des émissions frôle les 26 % ! Et sur les liaisons internationales, elle dépasse les 18 %. Contre une hausse de « seulement » 5 % du côté de la production d'électricité, 2,6 % pour l'industrie et 8,9 % pour le transport routier -- pourtant historiquement l'émetteur le plus important (513 mégatonnes d'équivalent CO2 sur un total de 34,9 gigatonnes d'équivalent CO2).

Le saviez-vous ?

Le programme Carbon Monitor mesure presque en temps réel les émissions dues à la production d’électricité — dans 29 pays —, à l’industrie — dans 73 pays —, au transport routier — dans 406 villes — aux transports aérien et maritime et aux secteurs commercial et résidentiel — dans 206 pays.

Autre angle de lecture des données rendues publiques par le programme Carbon Monitor : les émissions de CO2 par pays. On apprend ainsi que si la Chine a connu un rebond de près de 6 %, la France dépasse malheureusement les 10 % ! Et seul le Japon semble avoir su maintenir ses émissions à un niveau à peu près constant (-0,32 MtCO2). Dans le « reste du monde » -- hors grands émetteurs de gaz à effet de serre --, les émissions ont augmenté d'à peine plus de 1 %.

Sur ce graphique, les variations d’émissions de CO<sub>2</sub> des principaux secteurs de quelques pays. En jaune, la production d’électricité. En orange, l’industrie. En vert clair, le transport terrestre. En violet, le résidentiel. En vert foncé, le transport aérien. Pour exemple, en France, les émissions du transport terrestre ont contribué pour près de 5 % à l’augmentation totale de plus de 10 % des émissions et celles du résidentiel, de près de 3 %. En Allemagne — comme en Inde, en Chine, en Russie et au Brésil —, c’est le secteur de la production d’électricité qui a le plus contribué à la hausse. © Carbon Monitor
Sur ce graphique, les variations d’émissions de CO2 des principaux secteurs de quelques pays. En jaune, la production d’électricité. En orange, l’industrie. En vert clair, le transport terrestre. En violet, le résidentiel. En vert foncé, le transport aérien. Pour exemple, en France, les émissions du transport terrestre ont contribué pour près de 5 % à l’augmentation totale de plus de 10 % des émissions et celles du résidentiel, de près de 3 %. En Allemagne — comme en Inde, en Chine, en Russie et au Brésil —, c’est le secteur de la production d’électricité qui a le plus contribué à la hausse. © Carbon Monitor

Même les objectifs fixés de zéro émission seront insuffisants

Les chercheurs notent que le monde a déjà vécu de telles situations de baisse des émissions puis de rebond. Lors des crises énergétiques de 1974, de 1980-1982 et de 1992 ainsi que lors de la crise financière de 2008. Un peu comme si l'histoire voulait se répéter. Et finalement réduire la confiance que nous pourrions avoir dans les actions d'atténuation du réchauffement climatique.

« Notre budget carbone pourrait être épuisé dans moins de 10 ans », commentent ainsi les chercheurs du programme Carbon Monitor. Rappelons que le « budget carbone » correspond à la quantité maximale d'émissions mondiales de CO2 qui limiteraient le réchauffement à un niveau donné avec une probabilité donnée à partir d'une date spécifiée. Ainsi, à partir de 2020, le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (Giec) estime notre budget carbone à 400 GtCO2 si nous voulons, avec une vraisemblance de 67 %, limiter le réchauffement à 1,5 °C. Il monte à 1.150 GtCO2 pour un réchauffement maintenu sous la barre des 2 °C. Ainsi nos émissions de 2021 ont, à elles seules, consommé près de 9 % de notre budget carbone pour un réchauffement de 1,5 °C.

Ici, les variations des émissions de gaz à effet de serre en France entre 2020 et 2021. En rouge, les périodes de hausse des émissions. © Carbon Monitor
Ici, les variations des émissions de gaz à effet de serre en France entre 2020 et 2021. En rouge, les périodes de hausse des émissions. © Carbon Monitor

Sur la base de ces chiffres, les chercheurs nous alertent. Si nos émissions devaient se poursuivre à ce rythme, sans mise en œuvre de stratégies de réduction immédiates, nous ne serions plus en mesure de limiter le réchauffement à 1,5 °C dès 2031 -- avec une vraisemblance de 67 % -- et à 2 °C dès 2052. Il apparaît même plus probable -- avec une vraisemblance de 83 % -- que le point de non-retour des 1,5 °C soit atteint dès 2028. Et celui des 2,0 °C dès 2045 !

Le plus inquiétant, c'est que les données 2022 du programme Carbon Monitor montrent déjà une nouvelle augmentation des émissions mondiales de gaz à effet de serre. Et les chercheurs signalent que même si chaque pays respectait ses objectifs de zéro émission nette, les principaux pays émetteurs, à eux seuls, dépasseraient les 400 GtCO2 de notre budget carbone avant 2045 !