Pourquoi se fatiguer à réduire nos émissions de gaz à effet de serre ? Pour éviter que les températures grimpent, il n’y a qu’à capter et stocker le dioxyde de carbone (CO2) qu’émettent les combustibles fossiles, n'est-ce pas ? Des chercheurs répondent à ceux qui portent aux nues cette solution. Elle ne suffira pas à sauver notre climat.
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Il y a urgence à réduire nos émissionsémissions de gaz à effet de serre (GESGES). Mais, désormais, si nous voulons rester dans le cadre de l'Accord de Paris sur le climat (signé il y a 9 ans), les scientifiques s'accordent à le dire, nous aurons aussi besoin de mettre en œuvre des technologies qui permettront de capter une part de nos émissions de dioxyde de carbone (CO2)), en sortie d'usine ou même dans l'airair. Une part non négligeable. Une part, pour l'heure, trop importante au regard de nos moyens, affirment aujourd'hui des chercheurs de l'université de technologie de Chalmers (Suède) et de l'université de Bergen (Norvège).
Les chercheurs ont analysé la croissance passée des technologies de captage et de stockage du carbone (CCS) puis l'ont projetée sur le futur. Pour savoir si elles sont susceptibles de se développer suffisamment rapidement pour nous permettre de respecter les termes de l'Accord de Paris. « Notre analyse montre qu'il est peu probable que nous capturions et stockions plus de 600 gigatonnes (Gt) de carbone au cours du XXIe siècle. Cela contrastecontraste avec de nombreuses voies d'atténuation du changement climatiquechangement climatique évoquées par le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climatGroupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (Giec) qui, dans certains cas, nécessitent plus de 1 000 Gt de CO2 captés et stockés d'ici la fin du siècle », expliquent les chercheurs.
Quelle faisabilité pour les projets de captage et de stockage de CO2 ?
Ainsi, les résultats publiés dans la revue Nature Climate Change montrent que des efforts majeurs sont nécessaires pour combler l'écart qui existe entre les projets - souvent de démonstration - en cours et le déploiement massif et à grande échelle dont nous aurions besoin - selon les plans d'atténuation des pays - pour nous maintenir sous le seuil des +1,5 °C de réchauffement climatique anthropique. Les chercheurs rapportent que si tous les projets actuels aboutissent, la capacité mondiale de CCS pourrait être multipliée par 8 d'ici 2030. Un taux de croissance tout à fait intéressant.
Mais les chercheurs sont sceptiques. « Même s'il existe des plans ambitieux en matièrematière de captage et stockage de CO2, de gros doutes subsistent quant à leur faisabilité. Il y a une quinzaine d'années, lors d'une autre vague d'intérêt pour le CCS, les projets prévus ont échoué à un taux de près de 90 %. Si les taux d'échec historiques se poursuivent, la capacité en 2030 sera au plus deux fois plus élevée qu'aujourd'hui, ce qui serait insuffisant pour atteindre nos objectifs climatiques », explique Tsimafei Kazlou, principal auteur des travaux.
Le captage et le stockage de CO2 inutile sans réduction drastique des émissions
Et développer le CCS jusqu'en 2030 ne suffira pas non plus. Il faudra maintenir le rythme au-delà. Jusqu'en 2040, les chercheurs estiment que, pour suivre le rythme des réductions de CO2 nécessaires à limiter la hausse de la température mondiale à +2 °C d'ici 2100, les technologies de captage et de stockage de carbone devraient croître aussi vite que l'énergie éolienne au début des années 2000. À partir des années 2040, le CCS devra égaler la croissance maximale que l'énergie nucléaire a connue dans les années 1970 et 1980.
Ainsi, si les technologies de captage et de stockage de CO2 peuvent se développer aussi vite que les autres technologies à faible émission de carbone, l'objectif des +2 °C de réchauffement resterait à portée de main. « Mais, même à ce rythme, l'objectif de +1,5 °C serait probablement hors d'atteinte », estiment les chercheurs. Ils appellent ainsi à la mise en place de vastes programmes de soutien aux projets de CCS. Et dans le même temps, au développement encore plus rapide d'autres technologies à faible émission de carbone comme l'énergie solaire et éolienne.