Le climat change en Méditerranée, et avec lui, la végétation. En étudiant les variations climatiques du passé, des chercheurs européens ont pu prouver qu'il suffit de quelques dizaines d'années avec un déficit de précipitations pour que les forêts méditerranéennes se transforment en steppes désertiques.


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    Avec le réchauffement climatique, les végétaux du sud-est de la France remontent chaque année de quelques kilomètres vers le nord. Mais en ce qui concerne les forêts méditerranéennes, les arbres disparaissent peu à peu pour laisser place à un autre type de végétation : celles des steppes désertiques. Telles sont les conclusions d'une étude de l'Université de Heidelberg en Allemagne, en collaboration avec des scientifiques français, grecs et anglais.

    Quelques décennies de sécheresse suffisent à transformer les forêts

    Les forêts de Méditerranée sont des réservoirs de biodiversité et en protégeant les sols de l'érosion, les arbres contribuent à réguler le climat et à filtrer l'eau de pluie. Mais ces forêts sont également extrêmement sensibles au changement climatique provoqué par les émissionsémissions de CO2. La zone de Tenaghi Philippon en Grèce est considérée comme une véritable archive climatique et les forages réalisés sur place permettent d'obtenir des informations précises sur le climat du passé. Des fossiles vieux de plusieurs centaines de milliers d'années sont parfaitement conservés. Afin de comprendre comment les forêts des régions méditerranéennes vont se transformer dans un futur proche, les chercheurs ont étudié les fluctuations de la végétation au cours des 500 000 dernières années. Comment ? En analysant les pollenspollens fossilisés dans les sédimentssédiments retrouvés en Grèce. Les auteurs de l'étude, publiée dans Nature Communications, n'ont plus aucun doute : une sécheressesécheresse durable s'installe en Méditerranée, qui s'apparente bel et bien à un processus de désertificationdésertification. Un constat qui rejoint ceux des modèles de prévision climatique, et donc les récentes conclusions du Giec.      

    Le climat méditerranéenclimat méditerranéen se caractérise par une influence subtropicale, mais aussi tempérée. L'eau est donc nécessaire à sa végétation pour survivre : les scientifiques considèrent que la forêt méditerranéenne a besoin d'un cumul moyen d'environ 400 mm de pluie par an. En croisant les données de la paléoclimatologie (le climat du passé), notamment l'évolution des précipitationsprécipitations à travers les différentes ères, et les informations sur le pollen fossilisé, les chercheurs ont pu réaliser la vitessevitesse avec laquelle la végétation méditerranéenne était capable de changer. Les résultats ont montré qu'il suffit seulement de quelques dizaines d'années pour que les forêts de la Méditerranée se transforment en steppes. Les steppes, rappelons-le, sont de grandes plaines désertiques ou semi-désertiques dépourvues d'arbres, avec de l'herbe rase, et quelques plantes de petite taille.

    Les forêts de Méditerranée ont besoin de 400 mm de pluie par an. Ici, une forêt en Grèce. © Valentinos Loucaides, Adobe Stock
    Les forêts de Méditerranée ont besoin de 400 mm de pluie par an. Ici, une forêt en Grèce. © Valentinos Loucaides, Adobe Stock

    Un lien évident entre augmentation du CO2 et désertification

    Plus encore, l'étude démontre le lien direct entre augmentation du CO2 et baisse des précipitations en Méditerranée. Dans le passé lointain, des variations naturelles au niveau des taux de dioxyde de carbonedioxyde de carbone émis dans l'atmosphèreatmosphère ont eu un effet immédiat sur les précipitations. Il y a plusieurs centaines de milliers d'années, une diminution naturelle de 40 à 45 % des pluies a provoqué une transformation soudaine des forêts en steppes désertiques. Les scénarios climatiques qui prévoient un réchauffement modéré de 2 °C d'ici la fin du siècle l'associent à une baisse de 30 % des précipitations en Méditerranée. Cependant, les derniers scénarios de réchauffement climatique publiés par le GiecGiec s'orientent de plus en plus vers une hausse des températures bien plus importante : +3 à +6 °C, avec forcément une baisse encore plus marquée des précipitations.

    Les steppes sont de vastes plaines sans arbre avec de l'herbe rase. © LaSu, Adobe Stock
    Les steppes sont de vastes plaines sans arbre avec de l'herbe rase. © LaSu, Adobe Stock

    Les auteurs de l'étude en concluent que si rien n'est fait pour limiter les émissions de CO2 issus des activités humaines, et protéger la végétation, les forêts méditerranéennes ne seront bientôt plus qu'un souvenir. Il reste tout de même difficile de prévoir avec certitude quel type de végétation viendra remplacer la forêt. Certaines plantes arrivent à s'adapter au CO2, d'autres en bénéficient même, alors que certaines autres dépérissent, comme la plupart des arbres.  


    Vers une mutation de la forêt méditerranéenne ?

    Article de Cemagref, publié le 16 août 2006

    Dès que les beaux jours approchent et que les pluies de printemps tardent à arriver, le spectrespectre de la sécheresse resurgit. A Aix-en-Provence, dans le cadre d'un programme scientifique financé par la région PACA, l'équipe de Michel Vennetier étudie les impacts de la caniculecanicule 2003, et des sécheresses printanières qui ont suivi de 2004 à 2006, sur la forêt méditerranéenne. D'année en année, le bilan forestier s'alourdit, menaçant à court terme le devenir de certaines essences forestières dans la région méditerranéenne...

    En 2004, un programme scientifique sur les impacts de la canicule de l'été 2003 sur la forêt méditerranéenne est lancé à la demande du conseil régional de la région PACA. Les travaux de recherche coordonnés par le Cemagref à Aix-en-Provence, sont menés en partenariat avec l'Institut Méditerranéen d'Ecologie et de Paléoécologie. Les conclusions de cette étude sont d'autant plus importantes que les sécheresses printanières qui se sont succédé de 2004 à 2006 n'ont fait qu'aggraver la situation. Vers quels types de forêts méditerranéennes nous orientons-nous ? Ne faut-il pas songer à régénérer rapidement certains peuplements ? Compte tenu des scénarios probables d'évolution du climat, quelles espècesespèces le gestionnaire forestier doit-il favoriser ? Un ensemble de questions auquel le programme, qui arrivera à son terme en 2007, tente de répondre.

    Une analyse fine de l'ensemble de l'arbre

    Les mesures effectuées sur le terrain ont pour but d'étudier les effets de la sécheresse sur la croissance, l'état sanitaire et la mortalité d'un échantillon d'arbres représentatifs de la région. L'observation des cernes de croissance permet de retracer les épisodes de sécheresse au fil du temps. Ainsi chez le pin d'Aleppin d'Alep et le pin sylvestrepin sylvestre, qui au cours des mois les plus chauds de 2003 ont perdu de 30 à 80 % de leurs aiguilles, les cernes de croissance de 2003 ont une zone sombre (boisbois d'été) anormalement étroite. De plus, les deux cernes annuels suivants sont très étroits, signe d'une mauvaise reprise de la végétation au cours des printemps secs de 2004 et 2005. La perte d'aiguilles, accompagnée d'un dessèchement de racines, provoque un défi cit important et durable en termes d'alimentation. D'autres mesures anatomiques sont effectuées, comme la longueur de la pousse annuelleannuelle des branches, le taux de floraison et de fructification ou encore la taille et le nombre des feuilles et des aiguilles. Peu d'espèces sont restées indemnes.

    Dans l'arrière-pays varois, en 2004, les aiguilles des pins sylvestres sont de 30 à 40 % plus petites que les années précédentes. Dans la hêtraie de la Sainte BaumeBaume, les feuilles plus courtes et moins denses en 2006 laissent filtrer de façon anormalement élevée les rayons du soleilsoleil dans le sous-bois. Chênes blancsChênes blancs et chênes vertschênes verts ont beaucoup de rameaux secs dans la cime. Quant aux chênes-liègeschênes-lièges du massif des Maures, qui avaient rejeté après les incendies de 2003, leur taux de mortalité depuis 2005 est anormalement élevé et en progression.

    Une analyse sur l'ensemble de la région

    Les analyses de la végétation sont en cours de réalisation sur des placettes disséminées dans toute la région. Les recherches montrent que les spécimens situés en altitude et sur les versants Nord, peu adaptés à la chaleurchaleur, ont souffert les premiers. L'arrière-pays varois est par exemple l'une des zones les plus touchées par le dépérissement ligneux. Parmi les espèces menacées de disparition dans la zone méditerranéenne figure le pin sylvestre, victime d'une forte mortalité. Il est clair que dans un avenir proche les pinèdes les plus sévèrement touchées changeront de physionomie, le pin sylvestre cédant la place au profit des espèces de la stratestrate arbustive ou d'autres essences d'arbres mieux adaptés à la sécheresse, comme le chêne vert ou le pin d'Alep.

    Au cas où la sécheresse venait à perdurer, les résultats de cet état des lieux permettront d'anticiper le futur dans des régions situées à une altitude et une latitudelatitude plus élevées.