Depuis 1979, l’Arctique s’est réchauffé trois à quatre fois plus vite que la moyenne planétaire. Mais derrière l’immensité de cette région polaire se cachent de grandes disparités : le Svalbard, un archipel de l’Arctique, s’est réchauffé sept fois plus vite. L’Université de Bristol en Angleterre a décidé de tirer avantage des capacités d’analyse de l’intelligence artificielle pour tenter de comprendre ce qui déclenche exactement les phases de fonte les plus rapides.
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Des millions d'images des glaciers du Svalbard ont été étudiées à l'aide d'un modèle d'intelligence artificielleintelligence artificielle : 149 glaciers exactement, entre 1985 et 2023. Un certain type de glaciers en particulier a intéressé les scientifiques, les glaciers qui se jettent dans la mer, qui représentent la majorité de ceux présents au Svalbard. Ils jouent le rôle de « pompe écologique » en apportant des nutriments essentiels dans les océans. Cet apport de glace et de nutriments peut même modifier les courants océaniques. Selon les chercheurs de Bristol, c'est donc cette perte de massemasse glaciaire, le vêlage, qui doit être comprise en priorité.
Jusqu'à maintenant, les chercheurs analysaient eux-mêmes, une par une, les images satellitaires des glaciers et des morceaux de glace qui s'en détachent quotidiennement. Un travail long et laborieux, et qui manque de précision et d'objectivité selon les chercheurs eux-mêmes : les nombreux scientifiques qui travaillent sur cette analyse voient souvent des choses différentes et omettent des détails sur les images. L’intelligence artificielle analyse, elle, avec plus de précision les différences journalières des glaciers.
C’est la température de l’eau qui conditionne la fonte de la plupart des glaciers
Les résultats de l’étude, publiée dans Nature Communications, sont édifiants : 91 % des glaciers qui se jettent dans l'océan fondent à grande vitessevitesse. Au total, la perte cumulée représente 800 km² depuis 1985, soit une surface plus grande que la ville de New York. Annuellement, la perte de surface englacée est de 24 km² en moyenne. Cette perte a doublé en 2016, l'une des années les plus chaudes enregistrées sur Terre. Cette année-là, le Svalbard a connu des records de pluie et une fontefonte massive de ses glaciers.
L'utilisation de l'IA a aussi permis de constater que 62 % des glaciers du Svalbard connaissent de fortes différences saisonnières entre l'été et l'hiver. Mais la découverte la plus importante est le rôle dans l'océan dans ces phases de retrait et de croissance des glaciers : c'est la température de l’océan qui détermine ce mécanisme, bien plus que la température de l'airair. Dès que l'océan se réchauffe au-delà d'un certain seuil, les glaciers entrent en phase de retrait.
En comprenant ce qui déclenche la fonte des glaciers, ainsi que les causes exactes, les chercheurs espèrent mieux prévoir l'élévation du niveau de la mer. Si tous les glaciers du Svalbard fondent, ils estiment que le niveau de la mer gagnera 1,7 centimètre en moyenne, ce qui menacera de nombreuses populations côtières.