Alors que les émissions de CO2 font encore et toujours la Une des journaux, des chercheurs attirent aujourd’hui notre attention sur un autre gaz à effet de serre : le méthane (CH4). Les émissions mondiales de ce très puissant gaz à effet de serre ont augmenté de près de 10 % ces vingt dernières années, nous préviennent-ils. Et le voici présent dans notre atmosphère à des concentrations record.

Parmi les gaz à effet de serre, il y a bien sûr le dioxyde de carbonedioxyde de carbone, le fameux CO2. Mais il y a aussi le moins médiatique méthane ou CH4. Même s'il est moins abondant, il est bien plus puissant que le CO2. Sur une période de 20 ans, le pouvoir réchauffant d'un kilogrammekilogramme de méthane est d'environ 85 fois celui d'un kilogramme de CO2. Sur une période de 100 ans, le pouvoir réchauffant du méthane est toujours d'au moins 28 fois supérieur à celui du CO2.

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Et, coup dur sur le front de la lutte contre le réchauffement climatique, la plus récente mise à jour du Global Methane Budget -- une initiative du Global Carbon Project, un programme de recherche international dont le but est de fournir une image précise du cycle global du carbone -- révèle aujourd'hui que les émissions de méthane ont frôlé les 600 millions de tonnes en 2017 -- la dernière année pour laquelle les données sont disponibles -- dont plus de 360 d'origine anthropique.

C'est 50 millions de tonnes -- dont 40 d'origine anthropique -- et 9 % de plus que la moyenne des années 2000-2006. L'Agence américaine d'observation océanique et atmosphérique (NOAANOAA) rapporte, de son côté, des concentrations atmosphériques de 1.875 parties par milliard (ppb) en 2019 ; soit 2,5 fois les concentrations préindustrielles !

En cause notamment, les émissionsémissions de sources anthropiques. L'agricultureagriculture et les déchetsdéchets ont contribué à 60 % de cette augmentation et les combustiblescombustibles fossiles, aux 40 % restants. Trois grandes régions ont enregistré la plus forte augmentation des émissions de méthane : l'Afrique et le Moyen-Orient, la Chine et l'Asie du Sud, et l'Océanie. L'Europe, en revanche, enregistre une légère baisse de ses émissions. Une différence qui se fait essentiellement sur les émissions du secteur de l'agriculture.

Une carte des émissions et des puits de méthane. En vert, les sources et les puits naturels. En orange, les sources anthropiques. © Jackson et al., Université de Stanford
Une carte des émissions et des puits de méthane. En vert, les sources et les puits naturels. En orange, les sources anthropiques. © Jackson et al., Université de Stanford

Il n’est pas trop tard pour inverser la tendance

Pour en arriver à ces conclusions, les chercheurs se basent sur plusieurs approches. La première est dite ascendante. Elle tient compte des déclarations des pays qui font l'inventaire de leurs émissions de gaz à effet de serregaz à effet de serre d'origine humaine (combustibles fossilesfossiles, agriculture, décharges, etc.). Elle les additionne aux émissions naturelles calculées à l'aide de simulations sur les zones humideszones humides ou les feux de forêt par exemple.

L'autre approche est, quant à elle, descendante. Elle part des concentrations de méthane à l'échelle mondiale et fait appel à des modèles pour remonter à leurs origines. Ni l'une ni l'autre de ces méthodes n'est infaillible. Elles sont complémentaires. Selon les chercheurs, l'approche descendante donne des estimations globalement plus fiables, mais l'approche ascendante permet de travailler sur des secteurs plus spécifiques.

Les émissions de méthane par régions du globe et par sources ainsi qu’une estimation du poids des émissions par latitudes. © Jackson et al., Université de Stanford
Les émissions de méthane par régions du globe et par sources ainsi qu’une estimation du poids des émissions par latitudes. © Jackson et al., Université de Stanford

Dernière observation et non des moindres : les chercheurs n'ont trouvé aucune preuve de l'augmentation redoutée des émissions en provenance de la région arctique. De quoi surprendre les experts qui s'attendent, avec la fontefonte des glaces, à la libération de quantités de méthane piégé dans les sols gelés, ce qu'ils appellent une rétroactionrétroaction positive : une libération de gaz à effet de serre qui renforce le réchauffement au fur et à mesure que les températures augmentent. Un indice qui suggère que le système TerreTerre n'a pas encore atteint ce point de non-retour. Et qu'il est encore temps de prendre des mesures correctrices.