Dans le cadre de la COP26 qui se tient à Glasgow jusqu’au 12 novembre, Futura vous propose une série d’entretiens avec des experts du climat pour décrypter le réchauffement climatique en cours, ses causes et ses conséquences, les risques auxquels nous devrons faire face si nous ne parvenons pas à maîtriser la hausse des températures et à ne pas dépasser les 1,5 °C, les solutions qui existent et celles à mettre en place. L’urgence climatique n’est pas un vain mot ! Aujourd’hui, nous donnons la parole à Catherine Jeandel, chercheuse du CNRS au Laboratoire d’études en géophysique et océanographie spatiales.


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    Catherine Jeandel, chercheuse du CNRS au Laboratoire d'études en géophysique et océanographie spatiales, nous parle des océans et de leur fonctionnement.

    Futura : Quels sont les principaux impacts des activités humaines sur l’océan ?

    Catherine Jeandel : Les océans sont affectés par trois types d'impacts dont deux sont directement liés aux émissionsémissions de CO2 : le réchauffement climatique (dû à l'augmentation de l’effet de serre), les émissions de CO2 (hors effet de serre) qui touchent tout l'océan, enfin les pollutions plus locales même si on les retrouve sur toute la surface des mers, que ce soit par les plastiques, les métauxmétaux ou les hydrocarbureshydrocarbures. J'étudie l'océan et son fonctionnement avec les outils de la géochimie. C'est une discipline qui utilise les propriétés des éléments chimiqueséléments chimiques pour suivre les circulations des massesmasses d'eau, quantifier la soustraction du carbonecarbone par l'activité biologique ou d'autres phénomènes comme l'acidification ou les pollutions marines.

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    Futura : Que sait-on aujourd’hui de l’impact du réchauffement climatique sur les océans ?

    Catherine Jeandel : Plus de 90 % de la chaleurchaleur émise depuis 1850 est stockée dans les océans, dans les 1.000 premiers mètres : ce sont eux qui encaissent l'augmentation de la chaleur de la Terre car les sols n'en sont pas capables. Or, si notre climat est relativement stable depuis la fin de la dernière période glaciaire, c'est grâce à un équilibre qui s'est établi entre océan et atmosphèreatmosphère. L'acteur majeur de ces échanges est une vaste circulation océanique entre la surface et les profondeurs : une immense boucle de courants marins que l'on appelle la circulation thermohalinecirculation thermohaline. Ce phénomène est lié aux différences de densité de l'eau de mer, elles-mêmes dues à des différences de température et de salinitésalinité des masses d'eau. Cette circulation transporte d'énormes flux d'énergieénergie d'un bout à l'autre du globe. C'est facile de comprendre que le réchauffement climatique perturbe cet équilibre. On surveille notamment de très près le Gulf Stream qui aurait un peu perdu en vitessevitesse, bien que ce soit difficile à détecter car ses variations se superposent à la variabilité naturelle des océans. Et on ne sait pas encore où cela nous mène... Une chose est sûre : ces variations et mouvementsmouvements de masses d'eau sont fondamentaux pour notre climat, pour le niveau des mers ou encore pour la migration d'espècesespèces comme les maquereaux qui ont quitté le Golfe du Saint-Laurent pour aller plus au nord.

    La circulation océanique thermohaline brasse les eaux et convoie la chaleur à l'échelle du globe. © Nicolas Primola, Adobe Stock
    La circulation océanique thermohaline brasse les eaux et convoie la chaleur à l'échelle du globe. © Nicolas Primola, Adobe Stock

    Futura : Outre l’effet de serre, les émissions de CO2 sont responsables de l’acidification des océans. Expliquez-nous.

    Catherine Jeandel : Une partie du CO2 atmosphérique se dissout au contact de l’océan. Cela contribue à modérer le réchauffement global de la planète mais cela acidifie aussi l'océan via une réaction chimiqueréaction chimique simple. Quand le CO2 réagit avec l'eau, cela libère des ionsions H+, dont la concentration est directement liée à l'acidité, au pH. Les échanges ayant lieu avec l'atmosphère, le phénomène concerne les eaux de surface, ce qui représente tout de même une profondeur entre 750 mètres et 2.000 mètres selon les endroits du globe. Les eaux de surface se sont acidifiées d'environ 30 % au cours du XXe siècle et on s'attend à ce que le phénomène soit trois fois plus intense d'ici 2100 si on ne fait rien. Cela nous inquiète énormément. Toute la biodiversité marine risque d'être affectée, notamment tout ce qui a un squelette calcaire, à commencer par certaines alguesalgues, les coccolithophoridés, qui sont à la base de la chaîne alimentairechaîne alimentaire, mais aussi les moules, les huîtres ou encore certains coraux. Certaines espèces vont disparaître... Les larveslarves d'huîtres sur la côte nord-ouest des États-Unis ont déjà témoigné de grandes difficultés à amorcer leur calcificationcalcification.

    Futura : Qu’attendez-vous des politiques ?

    Catherine Jeandel : Qu'ils agissent enfin ! Il faut arrêter de chauffer et d'acidifier les océans, dès demain ! L'ennemi public numéro 1 est le CO2 et le meilleur atomeatome de carbone est celui qui reste dans le sol. Il faut s'engager dans la sobriété énergétiquesobriété énergétique et développer les énergies renouvelables.