Le secteur de l’aviation est responsable de 5 % des émissions anthropiques de gaz à effet de serre. Il a cependant un autre impact moins connu et bien plus grave : la dégradation de la qualité de l’air qui cause davantage de morts que le réchauffement. Une nouvelle étude appelle donc à inverser les politiques actuelles d’amélioration d’efficacité énergétique en se concentrant sur la réduction des émissions de particules fines.


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    L'aviation représente 5 % des émissions anthropiques de gaz à effet de serre. En plus du CO2 émis directement par la combustioncombustion de kérosène, les avions laissent derrière eux des traînées de condensation avec un puissant effet radiatif, aggravant le réchauffement. Tout cela devrait encore empirer avec l'explosion du trafic aérien. L'Association du Transport aérien international (IATAIATA) prévoit ainsi un doublement du trafic de passagers d'ici 2037, ce qui impliquerait une hausse des émissionsémissions de 18 %, même en tenant compte de l'amélioration de l'efficacité énergétique. Cette réalité aujourd'hui bien connue a initié le mouvementmouvement du « flygskam », la honte de prendre l'avion.

    Les oxydes d’azote sont pires que le CO2

    Mais l'avion a un autre effet nocif, encore plus grave, et qui passe pourtant largement sous les radars : la pollution de l'airair aux particules fines, en particulier celles liées aux oxydes d'azoteoxydes d'azote (NOx). Selon une étude du Massachusetts Institute of Technology (MIT) publiée le 8 novembre dans la revue Environmental Research Letters, la croissance du trafic aérien devrait être deux fois plus dommageable pour la qualité de l'air que pour le climat. Les chercheurs ont calculé le coût social par unité de polluant émis durant chaque phase de vol (manœuvres au sol, décollage et atterrissage, vol en croisière...) et par région géographique. Ils ont ensuite rapporté le coup de chaque type d'émission (NOx, CO2, traînées de condensationcondensation, dioxyde de soufresoufre, particules de carbonecarbone, vapeur d'eau...) par tonne de carburant utilisé et par tonne d'émission. Résultat : « Les répercussions sur la qualité de l'air sont de 1,7 à 4,4 fois plus élevées que les répercussions climatiques par unité de carburant consommée », indiquent les chercheurs. Trois composants représentent à eux seuls 97 % des dommages sur la qualité de l'air et le climat : les oxydes d'azote (58 %), le CO2 (25 %) et les traînées de condensation (14 %).

    Contribution des différents polluants au coût social des émissions de l’aviation.<em> LTO</em> = phases d’atterrissage et de décollage. <em>Cruise</em> = vol de croisière. <i>© </i>Carla Grobler et al,<i> Environmental Research Letters, </i>2019
    Contribution des différents polluants au coût social des émissions de l’aviation. LTO = phases d’atterrissage et de décollage. Cruise = vol de croisière. © Carla Grobler et al, Environmental Research Letters, 2019

    58 % des décès prématurés liés aux particules fines

    « Les émissions des avions sont responsables d'environ 16.000 décès prématurés dus à une mauvaise qualité de l'air chaque année », fait valoir Sebastian Eastham, du Laboratoire de l'aviation et de l'environnement du Département de l'aéronautique et de l'astronautiqueastronautique du MIT et principal auteur de l'étude. « Ce chiffre est certes faible par rapport à d'autres secteurs, puisqu'il ne représente qu'environ 0,4 % des décès attribués à la dégradation de la qualité de l'air dans le monde, mais il est souvent négligé dans l'analyse des politiques », explique le chercheur. Selon une précédente étude de 2016, 58 % des décès prématurés dus à l'aviation sont liés à l'exposition aux particules fines -- PM 2,5, le reste étant essentiellement le fait de l'ozoneozone qui induit une plus forte incidenceincidence de cancer de la peaucancer de la peau.

    Réduire les émissions d’oxydes d’azote, quitte à augmenter celles de CO2

    Ainsi, « les mesures destinées à réduire l'impact de l'aviation, comme l'amélioration de l'efficacité énergétique, les normes d'émissions plus strictes ou l'utilisation d'agrocarburants, sont axées sur la réduction des émissions de CO2. Or, la réduction d'un type d'émissions peut se faire au détriment d'un autre ». Autrement dit, la baisse des émissions de CO2 pourrait se payer au prix d'une augmentation de celles de NOx. Les chercheurs préconisent donc de faire l'inverse, à savoir se focaliser sur la baisse des NOx, même si cela doit légèrement faire progresser les émissions de CO2. Cela passe par exemple par des moteurs avec une température de combustion plus basse. D'après l'un des scénarios étudiés par les chercheurs, une politique visant à réduire de 20 % les émissions de NOx permettrait de réduire l'impact social de 700 millions de dollars dès la première année, au prix d'une légère hausse de 2 % du CO2 émis.