En Méditerranée, les sardines ont perdu 4 cm en moyenne en dix ans. Ni la pêche, ni les prédateurs et ni les maladies ne sont pourtant en cause. L’Ifremer vient d’identifier le coupable : le phytoplancton dont se nourrit la sardine.


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    « Avant 2008-2009, on pêchait 15.000 tonnes de sardines en Méditerranée par an. Désormais, on en ramène moins de 1.000 tonnes », soupire Bertrand Wendling, directeur de la coopérative de pêche de Sète (Hérault), dans Le Parisien. Et ce n'est pourtant pas faute de quantité : les bancs de sardines sont toujours aussi nombreux. Alors que se passe-t-il ? La raison de cette baisse de prises, c'est que les sardines sont de plus en plus petites : « Depuis les années 2000, en Méditerranée, leur taille est passée de 15 à 11 cm en moyenne, leur poids de 30 à 10 g, et les sardines de plus de deux ans ont disparu », atteste l'Ifremer, qui tente depuis 10 ans de comprendre ce phénomène.

    Le plancton de moins en moins nourrissant

    Les chercheurs ont envisagé plusieurs hypothèses : la surpêche ? Plus de prédateurs naturels, tels que le thon et les dauphins ? Un virus ? Ils ont finalement abouti à la conclusion que la réduction de la taille de sardines est liée à la modification de leur alimentation. « Le plancton est de moins en moins nourrissant, résume Jean-Marc Fromentin, chercheur à l'Ifremer à Sète. Les images par satellite montrent clairement une baisse de la quantité de microalgues à partir du milieu des années 2000, allant jusqu'à 15 %. C'est-à-dire justement au moment où on commençait à observer la baisse de taille des sardines ».

    Les poissons ayant absorbé du plancton plus gros ont rapidement retrouvé une taille normale

    Non seulement il y a moins de plancton, mais celui-ci est de plus petite taille. Or, la taille des aliments influe directement sur celle du poisson. « Une sardine recevant des aliments de petite taille doit en avoir une double portion pour grandir comme une sardine avec des aliments de grande taille », explique Claire Saraux, chercheuse au CNRS et qui a participé à ces travaux.

    En Méditerranée, la taille des sardines est passée de 15 à 11 cm en moyenne en 10 ans. © Ifremer
    En Méditerranée, la taille des sardines est passée de 15 à 11 cm en moyenne en 10 ans. © Ifremer

    Quand les cellules planctoniques sont plus petites, la sardine les consomme en mode « filtrationfiltration » au travers de ses branchiesbranchies, ce qui implique une nage soutenue pendant une longue période de temps. Avec des aliments de grande taille, la sardine gobe ses proies une par une, ce qui requiert un temps de nage bien moins long et donc une moindre dépense d'énergieénergie. Pour faire la démonstration de ce phénomène, les chercheurs ont nourri des sardines pendant sept mois avec du plancton de différentes tailles, et les poissons ayant absorbé du plancton plus gros ont rapidement retrouvé une taille normale, confirme Claire Saraux.

    Le réchauffement climatique à l’œuvre ?

    Mais alors qu'est-ce qui provoque la diminution de la taille du plancton en Méditerranée ? Plusieurs facteurs seraient ici en cause, dont une baisse des nutrimentsnutriments apportés par le Rhône (due paradoxalement à une meilleure qualité de l'eau), des modifications de la circulation atmosphériquecirculation atmosphérique et océanique, ainsi qu'une augmentation globale de la température de 0,5 °C en 30 ans en moyenne, en lien avec le changement climatiquechangement climatique. « Il y a par exemple plus de ventvent, ce qui mélange la colonne d'eau », commente Claire Saraux.

    Un déclin du phytoplancton serait lié à l’affaiblissement de la circulation océanique méridienne en raison du réchauffement

    La Méditerranée n'est malheureusement pas la seule concernée. En 2019, une étude avait montré un déclin inquiétant du phytoplancton dans l'Atlantique Nord depuis le début de l'ère industrielle. Un déclin qui serait, là encore, lié à l'affaiblissement de la circulation océanique méridienne (Amoc) en raison du réchauffement. En 2017, une autre étude avait montré qu'une température plus élevée corrélée à un manque d’oxygène des océans entraîne une réduction de la taille des poissons comme le saumonsaumon, le thon, les requins ou le cabillaud, qui voient leur métabolismemétabolisme accélérer. « La taille de poissons est réduite de 20 à 30 % à chaque degré supplémentaire », estime William Cheung, directeur du Nereus Program et principal auteur de l'article.

    Des mini sardines impossibles à vendre

    Tout cela n'est pas sans conséquences. « Quand elles sont trop petites, les sardines ne se vendent plus, constate Bertrand Wendling. Les particuliers n'en veulent plus, car elles tombent à travers les grilles du barbecue ». Les sardines trop petites sont aussi refusées par les conservateurs, qui devraient alors en mettre deux fois plus par boîte, ce qui multiplie les coûts de main d'œuvre. La grosse sardine en boîte bien grasse va-t-elle bientôt devenir un produit de luxe ?

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