Certaines plantes produisent des molécules actives dont l’humanité peut se servir. Pour la médecine, mais également pour la cosmétique. Aïna Queiroz, directrice de l’innovation scientifique chez Seqens Cosmetics, nous explique leur démarche pour découvrir de nouvelles molécules d’intérêt.


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    Les laboratoires, qu'ils soient pharmaceutiques ou cosmétiques, s'inspirent régulièrement de ce que produisent les plantes. Par voie de synthèse ou par extraction directe. L'entreprise Seqens Cosmetics a fait le choix de l'extraction directe. Ils explorent les « zones bleues » à la recherche de plantes performantes pour améliorer l'aspect visible des peaux âgées. Leurs résultats, obtenus en collaboration avec des chercheurs, sont ensuite publiés à la vue et au su de tous afin d'aider cette thématique de recherche à avancer. Les principes actifsprincipes actifs peuvent alors être utilisés par qui le souhaite.

    Aïna Queiroz, directrice Innovation, pilotant les plateformes de Recherche avancée chez Seqens Cosmetics et autrice du podcast Bioinspi, nous livre les détails de leur démarche.

    Vous recherchez un lien entre longévité humaine et utilisation de plantes. Comment vous y prenez-vous ?

    Lorsque je me suis formée à la réalisation d'enquêtes de terrain en ethnobotanique, je me suis particulièrement intéressée aux zones bleues. Ce sont des endroits du monde, passés au crible par des démographesdémographes, où nous dénombrons une proportion beaucoup plus élevée de centenaires par rapport aux lieux alentour. Par exemple, dans la péninsule de Nicoya (Costa Rica), un centenaire est recensé sur 4.322 personnes, alors que la prévalenceprévalence est d'un pour 7.541 en moyenne au Costa Rica. Soit une différence d'un facteur 1,7.

    Actuellement, je travaille en collaboration avec Michel Poulain, un chercheur démographe belge, qui est en quelque sorte « le père des zones bleues ». Celui qui a découvert ces régions en allant vérifier l'exactitude des données démographiques dans de très nombreux pays. 

    Lors de la mission de 2019 en Sardaigne, Aïna Quieroz a mené des enquêtes ethnobotaniques dans les communes de Seulo et de Villagrande. © Seqens Cosmetics
    Lors de la mission de 2019 en Sardaigne, Aïna Quieroz a mené des enquêtes ethnobotaniques dans les communes de Seulo et de Villagrande. © Seqens Cosmetics

    Je prépare des enquêtes ethnobotaniques afin d'interroger un échantillon de personnes âgées, au sein de ces régions précises. Plus précisément, nous nous intéressons aux personnes qui dépassent l'âge de 100 ans sans problème de santé particulier.

    Je me concentre surtout sur l'axe nutritionnel, ce qu'ils consomment quotidiennement depuis leur jeunesse. Mais je regarde aussi l'axe médical, s'il y a des plantes qu'ils utilisent habituellement en traitement curatifcuratif ou préventif, ainsi que l'axe environnemental, car ils vivent parfois dans des « hotspots » de biodiversité. 

    Ensuite, nous réalisons des études de terrain pour identifier les plantes les plus intéressantes. Cela permet aussi de vérifier que la plante dont les participants nous parlent est bien celle à laquelle nous pensons. Ils n'utilisent évidemment pas la dénomination scientifique, mais souvent des termes propres à leur région, ce qui peut vite porter à confusion !

    Comment vous assurez-vous que l’effet qui vous intéresse, la longévité, soit impacté par telle ou telle plante ? Et que l’impact estimé ne provient pas d’autres facteurs ?

    La longévité exceptionnelle est souvent due à un mélange de différents facteurs. Sur les trois zones auxquelles je me suis plus précisément intéressée, Okinawa (Japon), la Sardaigne (Italie) et Nicoya (Costa Rica), ce sont principalement des facteurs nutritionnels et psychosociaux qui entrent en jeu, comme la reconnaissance sociale et la sécurité émotionnelle des individus. Quand la situation le permettra, je me rendrai également à Ikaria et à Loma Linda, afin de couvrir les cinq zones où la longévité est considérée comme statistiquement supérieure à la moyenne.

    À ce stade des investigations, le facteur génétiquegénétique semble moins peser dans l'équationéquation que ce que nous imaginions initialement. La contribution majeure du facteur nutritionnel, par contre, est régulièrement mise en évidence. Mais je ne pourrais pas affirmer qu'il s'agit des mêmes facteurs impliqués dans toutes les zones bleues, étant donné que je me suis surtout focalisée sur ces trois régions jusqu'ici.

    La filière de production d'Alpinia zerumbet à Okinawa, de l'entreprise Seqens Cosmetics. © Seqens Cosmetics

    Nous sélectionnons généralement les plantes les plus mentionnées sur l'ensemble d'une même enquête de terrain. Cela représente environ une trentaine de plantes par zone. Après, mon bagage universitaire associé aux connaissances d'experts de la flore locale nous permet de valider les espèces. Et d'identifier des moléculesmolécules potentiellement actives pour chacune de ces plantes. 

    Puisque nous ne travaillons qu'à partir de l'extraction de ces molécules et non en les synthétisant en laboratoire, nous vérifions également que les plantes sélectionnées peuvent être utilisées sans impact délétère sur la biodiversité. Nous ne nous servons pas d'espèces menacées et, à chaque fois que cela est possible, nous évaluons l'impact positif qui pourrait découler de nos recherches. Par exemple, en développant localement des filières responsables.

    Par la suite, comme nous ne pratiquons pas de tests sur les animaux, je me base à la fois sur la bibliographie et sur des tests réalisés sur des cellules et coupes de peau. In fine, nous pouvons aussi faire des essais cliniquesessais cliniques du produit contenant les extraits végétaux versus un placeboplacebo. Dans la mesure du possible, nous essayons de nous rapprocher de la manière dont la plante est utilisée par les anciens. Par exemple, s'ils l'utilisent en applicationapplication mélangée à des corps gras, plutôt en inhalationinhalation, ou encore en infusion. Nous mimons leurs processus au maximum.

    Mais nous ne pouvons pas réellement éliminer les facteurs de confusion. Peut-être que la longévité constatée est due à une autre composante majoritaire, qui n'a pas pu être identifiée à ce stade. Par contre, les tests réalisés ensuite à partir de molécules végétales actives versus un placebo permettent de vérifier que ces molécules présentent bien l'efficacité recherchée.

    Après leur mission à Okinawa en 2018, l'entreprise Seqens Cosmetics a développé une filière de production locale d'<em>Alpinia zerumbet</em>. © Seqens Cosmetics
    Après leur mission à Okinawa en 2018, l'entreprise Seqens Cosmetics a développé une filière de production locale d'Alpinia zerumbet. © Seqens Cosmetics

    Avec cette méthode, avez-vous déjà trouvé des plantes prometteuses ?

    Tout à fait. Notre recherche a permis d'identifier des pistes pour certaines plantes, mais le recensement n'est pas encore terminé car, avec les risques associés à la Covid-19Covid-19, j'ai momentanément interrompu les enquêtes auprès de ces populations. Plus fragiles face au virus. Certaines plantes candidates pourraient coller, même si je pense que nous avons plus intérêt à raisonner par familles de plantes, en prenant de la hauteur sur ces données. Sachant qu'il y en a qui commencent déjà à se démarquer, notamment au sein des Magnoliophytes. 

    La plante sur laquelle nous avons le plus de recul, dans le cadre de nos travaux, est Alpinia zerumbet, que nous avons repérée à Okinawa. Et qui est au cœur de l'alimentation sur cet archipel japonais. Nous avons testé différents extraits de cette plante sur des modèles cellulaires et tissulaires de peau humaine. Et nous avons été agréablement surpris par la densité de résultats significatifs obtenus. Bien sûr, scientifiquement, je ne peux pas croire à la plante miracle. Toutefois, nous pouvons identifier des clusters de molécules intéressantes à l'échelle cutanée.

    Appartenant aux Magnoliophytes, <em>Alpinia zerumbet</em> est présente dans diverses régions du monde, dont Okinawa mais aussi la Martinique. © Eric Laudonien, Adobe Stock
    Appartenant aux Magnoliophytes, Alpinia zerumbet est présente dans diverses régions du monde, dont Okinawa mais aussi la Martinique. © Eric Laudonien, Adobe Stock

    Avec le temps, notre peau a tendance à manifester des signes visibles de vieillissement, comme l'apparition de rides. Nous ne cherchons pas à lutter contre ces phénomènes normaux. Par contre, la peau peut parfois prendre aussi un teint plus olivâtre. Or, nous associons instinctivement cette teinte à une personne en moins bonne santé. Notre cerveaucerveau fait le raccourci entre un teint plus rosé, typique des peaux de bébé, à une bonne santé, qui peut être corrélé à une certaine attractivité visuelle. Améliorer visiblement l'aspect de la peau, en favorisant un teint rosé au détriment des tons jaune-vert, est un des objectifs que nous nous sommes fixés.

    Pour tester l'efficacité de différentes plantes, nous pouvons travailler à partir de coupes de peau, en y appliquant nos extraits végétaux, et en les comparant à d'autres coupes qui reçoivent un placebo. Ensuite, nous visualisons par microscopie s'il y a une amélioration significative des paramètres associés aux différentes couches de peaux traitées. Ce que nous remarquons, c'est que certaines molécules végétales stimulent la régénération du fibroblastefibroblaste, cellule principale du dermederme, qui assure son renouvellement et sa productivité. 

    Au final, nous cherchons à parfaire la structure dermo-épidermique et la communication cellulaire au sein des différentes couches de la peau. Les essais cliniques réalisés ensuite à partir d'extraits d'Alpinia zerumbet ont permis de mesurer une amélioration significative du microrelief et de la teinte roséerosée. C'est ce qui donne à la peau un aspect globalement associé à une meilleure santé.