Un groupe de chercheurs allemands a découvert comment la Terre de l’Hadéen pourrait avoir synthétisé des molécules importantes pour l’apparition de la chlorophylle. Des dépôts de sel chauffés en bord de mer par des flots de lave permettraient aux acides aminés de se prêter à des réactions inattendues...

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    On est encore très loin de comprendre comment la vie a pu démarrer sur Terre et il n'est probablement pas exagéré d'affirmer que l'on a très peu progressé depuis les expériences de Millerexpériences de Miller. Certes, du point de vue de la cosmochimie, on a beaucoup appris et on a désormais toutes les raisons de penser que la vie peut facilement apparaître dans l'universunivers. Des nuages moléculaires riches en moléculesmolécules organiques sont en effet omniprésents dans le cosmos observable et l'analyse des météoritesmétéorites et des comètescomètes montre qu'une riche chimiechimie prébiotiqueprébiotique a opéré dans l'espace et la nébuleusenébuleuse protosolaire.

    Pendant l'Hadéen, c'est-à-dire en gros pendant les premières centaines de millions d'années de la Terre, un intense flux de météorites et de comètes a très probablement amené sur Terre des acides aminésacides aminés et des sucressucres, des briques pour de futures cellules vivantes et molécules d'ADNADN. Depuis quelques années, on suspecte de plus en plus que l’Hadéen ne devait pas être aussi infernal qu’on le pensait et que des océans, bien qu'avec une tectonique des plaques et un volcanismevolcanisme extraordinairement actifs, existaient avant -4 milliards d'années.

    Depuis quelque temps, Stefan Fox et ses collègues cherchent à comprendre ce qui pouvait se passer sur les plages des océans, dans un environnement fréquemment perturbé par des flots de laveslaves chaudes et fluides, rappelant les phénomènes que l'on peut aujourd'hui observer à Hawaï. Des dépôts de sel minérauxminéraux en bord de plage devaient alors se trouver proches des coulées et une chimie particulièrement active devait s'y produire. Mais laquelle ?

    Les dépôts de sels obtenus par les chercheurs allemands. Crédit : <em>Bioinorganic and Prebiotic Chemistry Department, Univ. Hohenheim</em>

    Les dépôts de sels obtenus par les chercheurs allemands. Crédit : Bioinorganic and Prebiotic Chemistry Department, Univ. Hohenheim

    Une recette que Mars a pu essayer un jour

    Les chercheurs ont reproduit ces dépôts de sel, ou tout du moins ceux dont on pense qu'ils existaient à cette époque où l'océan lui-même devait être riche en molécules organiques, notamment des acides aminés.

    Pour cela, ils ont mélangé de la DL-alaninealanine, des chlorures de sodiumsodium, de calciumcalcium, et de potassiumpotassium avec de l'eau puis ils ont évaporé le mélange pour obtenir une croûtecroûte blanchâtre. Ensuite, le tout a mijoté à des températures de l'ordre de 350°C dans une atmosphèreatmosphère d'azoteazote et de gaz carboniquegaz carbonique. C'est typiquement les conditions auxquelles on doit s'attendre à proximité de flots de laves en environnement marin dans une atmosphère où l'oxygène n'existait pas encore.

    De façon surprenante, le composé obtenu, qui aurait dû se sublimer à ces températures, est stable. L'alanine et le calcium forment une liaison relativement forte et les chercheurs ont constaté qu'elle permettait la formation de pyrroles et d'hèmeshèmes. Les pyrroles sont particulièrement intéressants car ils sont à la base des réactions conduisant à la formation de la chlorophyllechlorophylle. Quant aux hèmes, ils se retrouvent, comme leur nom le laisse deviner, dans l'hémoglobinehémoglobine.

    Toujours selon les chercheurs, sans ces dépôts salins particuliers, les pyrroles n'auraient pu se former. Cette expérience ouvre une nouvelle voie de recherche pour comprendre la géochimie de la Terre primitive et comment la chimie prébiotique a pu un jour déboucher sur la vie.

    On peut penser que sur Mars, où le volcanisme a lui aussi été actif à l'époque où existaient des océans, ce processus de synthèse pouvait opérer comme sur Terre au moment de l'Hadéen. Les chercheurs allemands ont peut-être découvert un fragment de plus de la recette pour l'apparition de la vie dans le cosmos...