L'identité, ainsi que l'écologie des requins éteints, est majoritairement déduite à partir de la forme de leurs dents présentes dans le registre fossile. Si les traces de prédation par ces requins ont déjà été mises en évidence chez des mammifères marins, des reptiles et des céphalopodes, il est exceptionnel qu'elles soient trouvées sur d'autres requins.


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    La prédation entre différentes espèces de requins est connue chez les spécimens actuels : on peut par exemple citer le fait que la grande roussette peut se nourrir de sa cousine, la petite roussette, ou que le requin-bouledogue est l'un des prédateurs du requin à museau pointu et du requin requiem sombre. Le cannibalisme intra-utérin a également été rapporté chez le grand requin blanc et chez le requin taureau. Ces données chez les espèces actuelles sont principalement apportées par l'analyse de contenus stomacaux frais, qui ne sont donc pas disponibles pour les espèces de requins aujourd'hui disparues. Il est par conséquent difficile de savoir, grâce au registre fossile, s'il existait des relations de prédation entre requins puisque la majorité des restes de requins éteints est composée de dents et de denticules dermiques.

    Le cannibalisme intra-utérin a également été rapporté chez le grand requin blanc et chez le requin taureau

    La présence de traces de dents de requins sur le squelette d'autres requins attestant de prédation active est donc extrêmement rare. Une étude parue dans le journal Acta Palaeontologica Polonica rapporte la découverte de quatre éléments vertébraux de carcharhiniformes fossiles au niveau de falaises dans le Maryland ainsi qu'en Caroline du Nord. Ces éléments sont des centra, ils constituent la majeure partie de la vertèbre et sont datés d'il y a 17,5 à 14 millions d'années en arrière, soit au Miocène. Deux dents de carcharhiniforme sont fermement implantées dans l'un de ces centra mais des marques de cicatrisationcicatrisation indiquent que le requin a survécu à l'attaque.

    Deux dents de carcharhiniforme sont implantées dans le <em>centrum</em> d'un autre carcharhiniforme qui présente des marques de cicatrisation après la morsure. © Perez et <em>al</em>., 2021
    Deux dents de carcharhiniforme sont implantées dans le centrum d'un autre carcharhiniforme qui présente des marques de cicatrisation après la morsure. © Perez et al., 2021

    Sur un deuxième centrum, des marques de morsure indiquent que plusieurs requins se sont attaqués à la vertèbre ou que plusieurs parties d'une même mâchoire ont été utilisées lors de l'attaque. Des traces de dents de requin sont également observées sur les deux autres centra analysés.

    Prédation active ou charognage ?

    Les requins fossiles sont majoritairement identifiés grâce à leurs caractéristiques dentaires, par la forme générale de dents ainsi que par la présence et l'espacement des crénulations sur la couronne des dents (la partie tranchante). Dans l'étude, les auteurs suggèrent que les dents plantées dans le centrum et le centrum lui-même appartiennent à des espèces du genre Negaprion (le genre du requin citron) ou Carcharhinus (le genre du requin longimanerequin longimane).

    Un <em>centrum</em> et les dents enfoncées dans celui-ci ont probablement appartenu à un requin du genre <em>Carcharhinus</em>, comme ce requin longimane. © Stephan, Adobe Stock
    Un centrum et les dents enfoncées dans celui-ci ont probablement appartenu à un requin du genre Carcharhinus, comme ce requin longimane. © Stephan, Adobe Stock

    Un deuxième centrum appartient également à un Carcharhinidae mais les traces de dents pourraient avoir été faites par un requin ou par un poissonpoisson osseux. Le troisième centrum appartient sûrement à Galeocerdo aduncus (un cousin du requin tigretigre) et les marques ressemblent à celles faites par un Carcharhinus. Le dernier centrum appartient probablement à Galeocerdo cuvierGaleocerdo cuvier (un requin tigre) et les marques ont pu être faites par Carcharodon hastalis (un requin mako géant). D'après les auteurs, trois des quatre centra analysés étaient présents à la base de la nageoire caudale et la force de la morsure suggère plus un comportement de prédation actif que du charognage.