Jusqu’à présent, l’activité volcanique des Trapps de Sibérie était reconnue comme la cause du terrible réchauffement climatique qui a entrainé l’extinction de masse de la fin du Permien. Une nouvelle étude montre que la catastrophe climatique était pourtant déjà bien engagée depuis plusieurs centaines de millions d’années. En cause : une série de supers éruptions en Australie.


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    Il y a environ 252 millions d'années, la Terre connaissait l'une des plus graves extinctions de masse de son histoire. L'on sait aujourd'hui que cette crise a été accompagnée, sinon causée, par un changement climatique majeur. Les nombreuses études qui se sont penchées sur le paléoclimat de la fin du Permien montrent en effet que cette période géologique est marquée par un important et rapide réchauffement, qui est certainement le plus catastrophique de tous les temps.

    La cause de ce réchauffement a été imputée à un événement volcanique majeur, connu sous le nom de Trapps de Sibérie. En effet, les séries géologiques montrent que cette période coïncide avec une intense phase éruptiveéruptive dans la région de l'actuelle Sibérie, caractérisée par l'émissionémission d'énormes volumesvolumes de laves mais également de gaz à effet de serre. Le rejet massif de CO2 dans l’atmosphère par les Trapps de Sibérie aurait été l'une des causes principales de ce réchauffement climatiqueréchauffement climatique extrême et de l'extinction de masse qui en a résulté.

    Paysage actuel de plateau basaltique témoignant de l'activité volcanique des Trapps de Sibérie il y a 250 millions d'années. © Timur V. Voronkov, <em>Wikimedia Commons</em>, CC by-sa 3.0
    Paysage actuel de plateau basaltique témoignant de l'activité volcanique des Trapps de Sibérie il y a 250 millions d'années. © Timur V. Voronkov, Wikimedia Commons, CC by-sa 3.0

    Les Trapps de Sibérie à l’origine de la crise climatique du Permien ? Pas si sûr…

    Pourtant, de nouvelles données montrent que la situation n'est pas si claire. En effet, il semblerait que le climatclimat était déjà dans une phase de réchauffement rapide avant le début de de l'activité volcanique en Sibérie. Certaines données suggèrent que la température de la surface des océans avait déjà augmenté de plus de 6 à 8 °C quelques centaines de milliers d'années avant l'éruption des Trapps de Sibérie. Loin d'être la cause unique de la crise climatique du Permien, les Trapps de Sibérie ne pourraient être, en réalité, que la goutte d'eau en trop ayant fait déborder le vase.

    Le continent australien porte en effet les marques d’anciens volcans, qui auraient pu être à l’origine d’une série d’éruptions catastrophiques

    Il reste donc à savoir quelle a été la cause de ce réchauffement climatique initial. Une équipe de chercheurs montre qu'il pourrait s'agir également d'une activité volcanique, particulièrement intense et survenue cette fois-ci en Australie. Au niveau de la côte sud-est, le continent australien porteporte en effet les marques d'anciens volcansvolcans, qui auraient pu être à l'origine d'une série d'éruptions catastrophiques, capables de dégrader sévèrement le climat terrestre. Aujourd'hui, les témoins de ces supers-éruptions sont visibles dans les séries sédimentaires australiennes.

    Il faut rappeler qu'il y a 250 millions d'années, l'Australie n'était pas, de loin, dans sa position actuelle. Jumelée à l'AntarctiqueAntarctique, elle faisait partie intégrante du supercontinent Gondwana, situé au niveau du pôle Sud. Ce n'est que bien plus tard, à partir de 84 millions d'années, que l’Australie s’est détachée de l’Antarctique et a entamé sa grande migration vers le nord, avec l'ouverture de l'océan Sud-Est Indien.

    Supercontinent Gondwana. © Benoit Rochon, <em>Wikimedia Commons</em>, CC by-sa 3.0 
    Supercontinent Gondwana. © Benoit Rochon, Wikimedia Commons, CC by-sa 3.0 

    Des éruptions cataclysmiques en Australie pendant 4 millions d’années

    L'étude, publiée dans Nature Geoscience, apporte les preuves que de très puissantes éruptions se sont produites dans cette partie du globe il y a 256 à 252 millions d'années. Ces éruptions auraient été très différentes des célèbres Trapps de Sibérie, caractérisées principalement par d'énormes épanchements de lave basaltiquebasaltique. À l'inverse, les supers éruptions australiennes auraient été marquées par de catastrophiques explosions, projetant dans l'atmosphèreatmosphère des quantités énormes de cendres et de gaz. Ces dépôts de cendres sont aujourd'hui visibles dans de nombreuses séries sédimentaires, un peu partout dans l'est du pays. Pour les chercheurs, il pourrait s'agir des plus violentes éruptions que la Terre ait connues.

    4 millions d'années d'éruptions explosives en Australie auraient précédé l'activité des Trapps de Sibérie. © Jagoush, Adobe Stock
    4 millions d'années d'éruptions explosives en Australie auraient précédé l'activité des Trapps de Sibérie. © Jagoush, Adobe Stock

    Ils estiment ainsi que ces volcans auraient produit plus de 150.000 km3 de matériel volcanique durant 4 millions d'années, les rendant comparables au super volcansuper volcan du Yellowstone aux États-Unis et au Taupo en Nouvelle Zélande. À titre de comparaison, le VésuveVésuve, lors de son éruption en l'an 79 qui pétrifia la ville de Pompéi, ne produisit que 3 à 4 km3 de cendres et autres débris. Il est probable que ces éruptions explosiveséruptions explosives aient été accompagnées de rejet massif de gaz à effet de serre, initiant le bouleversement climatique à l'origine de la crise biologique marquant la fin du Permien.

    Les preuves d'une catastrophe environnementale causée par ces supers éruptions sont d'ailleurs bien visibles dans les roches sédimentairesroches sédimentaires. Les dépôts de charboncharbon de l'est australien montrent en effet que cette région était précédemment recouverte de forêts, totalement réduites en cendres au moment des éruptions volcaniqueséruptions volcaniques. La catastrophe climatique et biologique était donc déjà bien avancée lorsque les Trapps de Sibérie sont entrés en activité, ne faisant qu'empirer une situation déjà critique. 


    La plus grande extinction massive de tous les temps aurait commencé sur les continents

    La crise biologique du Permien-TriasTrias a représenté une perte d'environ 96 % des espècesespèces marines et 70 % des vertébrésvertébrés terrestres il y a environ 252 millions d'années. Les premières datations laissaient penser que les extinctions étaient synchronessynchrones sur le supercontinentsupercontinent de l'époque avec celle des océans. Ce ne serait pas le cas.

    Article de Laurent SaccoLaurent Sacco publié le 7 avril 2020

    En fouillant dans les archives sédimentaires de la Terre, les géologuesgéologues et les paléontologuespaléontologues ont constaté, il y a longtemps déjà, une brusque coupure dans les faunesfaunes et les flores fossilisées datant d'il y a environ 252 millions d'années. Á cette époque, la période géologique dite du Permien se termine alors qu'il existe encore un seul continent, la PangéePangée, et un unique océan, la PanthalassaPanthalassa. En étudiant cette coupure, les chercheurs sont arrivés à la conclusion qu'à ce moment là, la biosphèrebiosphère du géochimiste Vladimir Vernadsky aurait subi sa plus violente crise biologique, le fameux Great Dying, à l'interface du Permien et du Trias comme le disent les paléontologues.  En effet, dans les océans, elle est spectaculaire avec environ 96 % des espèces qui disparaissent à ce moment-là, notamment les fameux trilobites très prisés des amateurs de fossilesfossiles. Sur les continents, ce sont environ 70 % des vertébrés.

    On explique la grande extinction du Permien Trias par de gigantesques épanchements magmatiques ayant débuté quelques centaines de milliers d'années avant sa fin. Ces épanchements se trouvent en Sibérie, mais aussi dans la province d'Emeishan, en Chine. Les trapps de Sibérie, analogues à ceux du Deccan en Inde, auraient émis de grandes quantités de gaz carbonique qui auraient donc produit un réchauffement climatique.


    À la fin du Permien, les gigantesques épanchements volcaniques des Trapps de Sibérie ont eu lieu en prélude à la plus importante crise biologique que la Terre ait connu comme l'explique cette vidéo. Pour obtenir une traduction en français assez fidèle, cliquez sur le rectangle blanc en bas à droite. Les sous-titres en anglais devraient alors apparaître. Cliquez ensuite sur l'écrou à droite du rectangle, puis sur « Sous-titres » et enfin sur « Traduire automatiquement ». Choisissez « Français ». © Massachusetts Institute of Technology (MIT)

    Des archives du Permien en Afrique du Sud

    Les géologues et les paléontologues continuent d'explorer la mémoire de la Terre pour tenter de mieux comprendre ce qu'il s'est exactement passé à cette époque. L'un des endroits les plus intéressants sur notre Planète pour le faire se trouve dans le bassin du Karoo en Afrique du Sud. Futura avait expliqué dans l'un de ses précédents articles ci-dessous (le tout premier) que le géologue Robert Gastaldo et ses collègues en avaient tiré la conclusion que la crise Permien Trias était peut-être multiple en tentant de préciser la chronologie des fossiles l'accompagnant. Aujourd'hui, Gastaldo a joint ses forces à celles de la paléobotaniste Cindy Looy, de la célèbre université de Berkeley en Californie, pour une publication avec leurs collègues dans Nature Communications. Les chercheurs annoncent que, contrairement à ce que l'on croyait, la crise biologique sur le continent n'était pas concomitante de celle dans les océans.

    Les chercheurs ont daté les dépôts de cendres de cette colline, appelée koppie, dans le bassin du Karoo, en Afrique du Sud. La partie inférieure de koppie Loskop expose des strates d'avant l'extinction du Permien final (Formation de Balfour), tandis que la partie supérieure contient des couches déposées après l'extinction (Formation de Katberg). © John Geissmande
    Les chercheurs ont daté les dépôts de cendres de cette colline, appelée koppie, dans le bassin du Karoo, en Afrique du Sud. La partie inférieure de koppie Loskop expose des strates d'avant l'extinction du Permien final (Formation de Balfour), tandis que la partie supérieure contient des couches déposées après l'extinction (Formation de Katberg). © John Geissmande

    Dans un communiqué de l'Université de Californie, Cindy Looy explique ainsi que  : « La plupart des gens pensaient que l'effondrementeffondrement terrestre a commencé en même temps que l'effondrement marin, et qu'il s'est produit en même temps dans l'hémisphère Sudhémisphère Sud et dans l'hémisphère Nordhémisphère Nord. Le fait que les grands changements n'étaient pas synchrones dans les hémisphères Nord et Sud a une implication forte sur les hypothèses quant à la cause de l'extinction. Une extinction dans l'océan ne doit pas, en soi, avoir la même cause ou le même mécanisme qu'une extinction qui s'est produite sur Terre ».

    Pour aboutir à cette conclusion, les géologues ont daté avec plus de précision un dépôt de cendres volcaniques dans le basin de Karoo. La méthode géochimique utilisée repose sur des isotopesisotopes du plombplomb et de l'uraniumuranium dont les quantités ont été déterminées dans des cristaux de zirconzircon présents dans ces cendres. On sait que ces cristaux gardent une excellente mémoire de leur date de formation au cours des âges géologiques.

    Une extinction qui a commencé 300.000 ans plus tôt ?

    Il en est sorti que cette couche de cendres s'était déposée il y a 252,24 millions d'années dans la partie sud de la Pangée correspondant à ce qui deviendra plus tard le supercontinent de GondwanaGondwana, lequel finira par se morceler en donnant l'Antarctique, l'Afrique, l'Amérique du Sud et l'Australie. C'est 300.000 ans avant les datations associées au début des extinctions dans la Panthalassa à partir d'archives sédimentaires retrouvées en Chine.

    Feuilles fossilisées de Glossopteris, plantes de l'hémisphère Sud la plus commune et dominante avant la perturbation de l'écosystème à la fin du Permien. © M. Gray, Joggins site du patrimoine mondial de l'Unesco, Nouvelle-Écossede
    Feuilles fossilisées de Glossopteris, plantes de l'hémisphère Sud la plus commune et dominante avant la perturbation de l'écosystème à la fin du Permien. © M. Gray, Joggins site du patrimoine mondial de l'Unesco, Nouvelle-Écossede

    Or, juste au-dessus de cette couche de cendres, Looy a montré que, sur une épaisseur de plusieurs mètres de sédimentssédiments, on ne trouvait plus de traces du pollenpollen fossilisé des Glossopteris, des plantes ressemblant à des buissons ou à des arbresarbres et qui existaient en abondance pendant le Permien, au point que l'on s'en sert comme un marqueur stratigraphique. On constate aussi la disparition des « reptilesreptiles non mammaliens » appelés Daptocephalus, un genre d'herbivoresherbivores dominant à la fin du Permien qui laisserait le champ libre aux Lystrosaurus, de célèbres « reptiles mammaliensreptiles mammaliens ».  

    Des terrains en Australie avec deux couches similaires, ce qui n'est guère étonnant puisque l'Afrique du Sud et l'Australie faisaient partie du Gondwana, donnent pour le début de l'extinction un âge plus vieux également, mais cette fois-ci de l'ordre de 400.000 ans. Clairement, la vie sur le continent Pangée avait déjà été fortement affectée des centaines de milliers d'années avant celle des océans de la Panthalassa.

    Cette découverte est une surprise et c'est pourquoi les chercheurs ont conclu dans l'article qu'ils ont publié « qu'une plus grande attention devrait être accordée à une transition plus progressive, complexe et nuancée des écosystèmesécosystèmes terrestres pendant le Changhsingien (la dernière partie du Permien) et, peut-être, le début du Trias » .

    Robert Gastaldo du <em>Colby College</em> détient un crâne de <em>Lystrosaurus maccagi</em>, un tétrapode synapside du Permien tardif commun dans le bassin de Karoo, en Afrique du Sud. Le spécimen fait partie de la collection du <em>Albany Museum</em>, Grahamstown, Afrique du Sud. © R.A. Gastaldo
    Robert Gastaldo du Colby College détient un crâne de Lystrosaurus maccagi, un tétrapode synapside du Permien tardif commun dans le bassin de Karoo, en Afrique du Sud. Le spécimen fait partie de la collection du Albany Museum, Grahamstown, Afrique du Sud. © R.A. Gastaldo

    Extinction massive du Permien-Trias : la vie étouffait dans les océans

    Article de Laurent Sacco publié le 07/12/2018

    La plus grande crise biologique, celle du Permien-Trias, aurait été provoquée par un réchauffement climatique induit par un important volcanismevolcanisme en Sibérie il y a environ 250 millions d'années. Ce réchauffement climatique aurait fait baisser le taux d'oxygène des océans, entraînant plus de 95 % des espèces marines vers la mort.

    La biosphère de la Terre a subie sa plus violente crise il y a environ 250 millions d'années, à l'interface du Permien et du Trias. C'est le fameux Great Dying comme le disent les paléontologues et les géologues. L'extinction a été la plus spectaculaire dans les océans avec environ 96 % des espèces qui disparaissent à ce moment là, principalement des coraux, des brachiopodesbrachiopodes, et des échinodermeséchinodermes. Contrairement à la fameuse crise K-Tcrise K-T qui a vu la disparition des dinosauresdinosaures, ne laissant passer que les oiseaux, elle ne semble pas accompagnée de la chute d'un corps céleste ; cependant, de gigantesques épanchements magmatiques peuvent également lui être associés, ces derniers ayant débuté quelques centaines de milliers d'années avant la fin de la grande crise biologique. Ces épanchements se trouvent en Sibérie, mais aussi dans la province d'Emeishan en Chine, et ils font toujours l'objet d'études.

    Les trapps de Sibérie, analogues à ceux du Deccan en Inde, auraient émis de grandes quantités de gaz carbonique qui aurait donc produit un réchauffement climatique. Une partie de ce gaz carboniquegaz carbonique s'est bien évidemment dissoute dans les océans, avec, pour conséquence, de les acidifier. Un sérieux problème pour les formes de vies qui y vivaient mais pas au point de provoquer l'hécatombe constatée. Une équipe de spécialistes en géosciences des universités de Washington et de Stanford, aux États-Unis, vient de publier dans Science un article dans lequel ils avancent que la diminution de la quantité d'oxygène, présente dans les océans du Permien, serait responsable de la catastrophe. En provocant une élévation de température des eaux, cela aurait fait disparaitre notamment les trilobites, ces arthropodesarthropodes marins qu'affectionnent les collectionneurs de fossiles amateurs.


    À la fin du Permien, les gigantesques épanchements volcaniques des Trapps de Sibérie ont eu lieu en prélude à la plus importante crise biologique que la Terre ait connu. © School of Earth & Space (MIT)

    Des océans du Permien devenus hypoxiques

    Pour aboutir à cette conclusion, les chercheurs ont commencé par transposer à l'état de la Terre du Permien, c'est-à-dire alors que le supercontinent de la Pangée était encore là, un modèle climatiquemodèle climatique global comme ceux que l'on fait tourner aujourd'hui sur des ordinateursordinateurs. Puis, ils ont changé la composition de l'atmosphère vers la fin du Permien, qui ne devait pas être initialement très éloignée de celle de la Terre actuelle, en ajoutant l'injection présumée de gaz carbonique résultant des trapps de Sibérie. Ce changement a été conduit de manière à reproduire l'augmentation de température moyenne de 10 °C au niveau de l'océan tropical de l'époque, température dont la mémoire se situe bien dans les archives géologiques de la planète bleueplanète bleue, et décryptable à l'aide de la géochimie.

    Le modèle climatique prédit alors que les océans ont perdu environ 80 % de leur oxygène. En fait, la moitié de la surface des fonds marins serait devenue anoxiqueanoxique dans les grandes profondeurs, c'est-à-dire dépourvues d'oxygène. Toutefois, ce ne sont pas ces zones anoxiques qui ont décimé les organismes marins car la majorité d'entre eux ne s'y trouvait pas, mais bien plutôt les zones hypoxiques, c'est à dire appauvries en oxygène.

    Pour  comprendre ce qui s'est passé en détail, les chercheurs ont considéré les données disponibles concernant les organismes marins apparentés à ceux du Permien et cela, du point de vue de leur résistancerésistance à la hausse des températures et à la diminution de la quantité d'oxygène dissous. Ils sont ainsi arrivés à la conclusion que ceux vivant au niveau des tropiquestropiques, déjà habitués à une moindre quantité d'O2, pouvaient survivre en partie en montant vers les latitudeslatitudes plus hautes, là où les océans, initialement plus riches en oxygène dissous du fait de températures plus basses, pouvaient en contenir encore suffisamment pour eux. Les organismes vivants sous ces climats plus froids n'auraient pas eu cette chance.

    Pour tester cette hypothèse, ils ont alors compulsé les données paléontologiques concernant les espèces marines du Permien au Trias et leurs localisations géographiques. Les espèces les plus éloignées de l'équateuréquateur ont effectivement été celles qui ont le plus souffert. Toute forme de vie a donc littéralement étouffé dans les océans chauds de la fin du Permien.

    Cette découverte est inquiétante. Si nous continuons sur la trajectoire des émissions actuelles du CO2, les océans vont se rapprocher à l'horizon 2100 des océans du Permien, ce qui signifie que l'on peut s'attendre aussi à des extinctions massives si l'on ne fait rien.

    Des mésosaures au Permien, des reptiles marins avec une ammonite. © Catmando, Fotolia
    Des mésosaures au Permien, des reptiles marins avec une ammonite. © Catmando, Fotolia

     

     


    Extinction massive du Permien-Trias : elle a peut-être été multiple !

    Il y a 250 millions d'années la biosphère a connu ce qui semble être sa plus importante crise, celle de la frontière Permien-Trias. Mais s'agissait-il d'une seule catastrophe ? Un groupe de géologues vient de remettre en cause sa chronologie. L'unique couche servant de repère, celle du bassin du Karoo en Afrique du Sud, serait en fait multiple...

    La mythique extinction des dinosaures, marquée par la fameuse couche K-T riche en irridium n'est rien si on la compare à la crise biologique qui a frappé le monde vivant il y a environ 250 millions d'années et marquant la limite séparant le Permien du Trias. Selon les estimations des paléontologues, tirées des archives géologiques, c'est en effet près de 90% des espèces marines qui ont alors disparu et de très nombreuses espèces terrestres, dont pas loin de 70% des vertébrés.

    A cette époque, les ancêtres des dinosaures et ceux des mammifèresmammifères, les reptiles mammaliens comme ceux dont on peut trouver les fossiles dans la Vallée de la Lune, se côtoient. Il n'existe alors qu'un seul continent, la Pangée, et un unique océan, la Panthalassa. Dans celle-ci, on peut encore trouver des trilobites et des crinoïdes mais les graptolites ont déjà disparu depuis 50 millions d'années.

    Des trilobites du Maroc. Crédit : Geoffrey Notkin
    Des trilobites du Maroc. Crédit : Geoffrey Notkin

    Les trilobites ne survivront pas à la grande extinction du Permien-Trias et parmi les reptiles mammaliens, rares seront ceux du Permien que l'on retrouvera au Trias. Parmi eux se trouvent les Lystrosaurus dont les fossiles sont très abondants dans le bassin du Karoo en Afrique du Sud. Ce bassin contient d'ailleurs une couche bien particulière, la « zone morte », qui marque nettement le passage du Permien au Trias, sépare une zone riche en fossiles d'un autre qui en est dépourvue.

    Des traces bien trop étalées dans le temps

    C'est du moins ce qu'on croyait jusqu'à la publication récente dans Geology par le géologue Robert Gastaldo et ses collègues d'un article qui jette un pavé dans la mare. En effet, cette couche sert en quelque sorte de couche repère un peu partout sur la planète pour décrypter les événements qu'a alors connu la Pangée et on peut l'étudier particulièrement bien au Karoo. Or, selon les chercheurs, les différents affleurementsaffleurements qu'ils ont minutieusement étudiés en Afrique du Sud depuis 2003 montrent que la zone morte serait en fait multiple et correspondrait donc à des événements différents dans le temps. Il n'y a pas d'isochronisme du point de vue de la stratigraphie, comme le dirait un géologue.

    La géologue Sophie Newbury devant la couche dénomée "la zone morte". © Robert Gastaldo, Colby College
    La géologue Sophie Newbury devant la couche dénomée "la zone morte". © Robert Gastaldo, Colby College

    Cette conclusion apporte de l'eau au moulin de ceux qui pensent que plusieurs extinctions sont survenues en quelques millions d'années tout au plus. En fait, il n'y a pas encore de véritable consensus et plusieurs théories s'affrontent pour expliquer cette crise biologique majeure.

    Une des explications est celle d'un événement volcanique important. Il s'agit des gigantesques épanchements volcaniques des trapps de Sibérie. D'une épaisseur de 3.700 mètres, les couches de laves s'y sont déposées en moins d'un million d'années et sur une superficie estimée à trois millions de kilomètres carrés. Curieusement d'ailleurs, d'autres épanchements avaient eu lieu huit millions d'années plus tôt en Chine, dans la région d'Emeishan. On peut donc soutenir qu'il y a eu au moins deux extinctions importantes liées à ces trapps.

    Cliquer pour agrandir. Le 30 décembre 1969 à Hawaï, l'éruption du Mauna ulu sur le Kilauea a été à l'origine d'une fantastique cascade de lave. Les trapps de Sibérie, lors de leur mise en place, devaient générer des cascades et des flots de lave à des échelles bien plus grandes. © D.A. Swanson
    Cliquer pour agrandir. Le 30 décembre 1969 à Hawaï, l'éruption du Mauna ulu sur le Kilauea a été à l'origine d'une fantastique cascade de lave. Les trapps de Sibérie, lors de leur mise en place, devaient générer des cascades et des flots de lave à des échelles bien plus grandes. © D.A. Swanson

    D'autres indices plaident en faveur de la chute d'un petit corps céleste. Des fullerènesfullerènes piégeant des isotopes d'héliumhélium et d'argonargon, avec une signature cosmogénique, ont été découverts dans les couches datant de la crise Permien-Trias, mais la situation n'est pas claire.

    Une autre hypothèse est que le réchauffement causé par l'injection de CO2 dans l'atmosphère par les trapps de Sibérie, en augmentant de plusieurs degrés la température de la planète, a provoqué la libération massive du méthane contenu dans les clathrates. Le méthane est un gaz a effet de serre puissant et au final, la température moyenne de la planète se serait élevée de 8 à 10°C !

    Il est probable que, comme pour la crise KT, plusieurs facteurs se soient en fait conjugués. Peut-être des études complémentaires au niveau des différentes couches du Karoo marquant des extinctions permettront-elles de démêler l'écheveau complexe des multiples causes de la plus grande extinction connue ayant frappé la biosphère. Elles confirmeront sans doute le scénario final proposé par cette vidéo.