La majeure partie des espèces de dinosaures ayant peuplé la Terre reste sans doute encore à découvrir. Inutile pour cela de partir sur d'autres continents, comme l'illustre la découverte de fossiles en France d'une nouvelle espèce de dinosaure carnivore ayant vécu pendant le Crétacé.


au sommaire


    Lorsque l'on parle de fossiles de dinosaures, on a souvent à l'esprit des découvertes aux États-Unis, ou encore en Chine, en Argentine ou au Maroc. Mais on peut bel et bien trouver des spécimens intéressants en France comme le savent les paléontologuespaléontologues. L'une des dernières découvertes concerne des restes d'un dinosaure théropode qui vivait il y a une centaine de millions d'années, au Crétacé supérieur, plus précisément au début de son premier étage stratigraphique.

    Rappelons qu'il s'agissait du Cénomanien, qui doit son nom à la ville française du Mans et plus particulièrement à l'ancien peuple celte des Cénomans dans la Sarthe. C'est dans cette région que les strates ayant certaines caractéristiques géologiques et paléontologiques ont été identifiées au XIXe siècle pour servir de stratotype de référence ailleurs sur TerreTerre et donc permettre de construire une chronologie relative avant les datations par isotopesisotopes et autres méthodes physiquesphysiques.


    Vues paléogéographiques de l'histoire de la Terre avec la dérive des continents et les transgressions marines. © Ron Blakey, professeur de géologie, Northern Arizona University

    Une paléogéographie bien différente de celle d'aujourd'hui

    Le Cénomanien représente le plus haut niveau marin des 600 derniers millions d'années (environ 150 mètres au-dessus du niveau actuel), ce qui veut dire qu'en plus de la dérive des continents, le niveau des mers donnait une paléogéographiepaléogéographie bien différente de l'actuelle, avec une Normandie sous les eaux, plus précisément un avataravatar de ce que l'on appelle « une mer de craiecraie » (chalk sea en anglais).

    Or justement, c'est parce qu'il investiguait à partir de 2021 le pied des falaises de Saint-Jouin-Bruneval de la formation géologique de la Craie du Pays de Caux (Seine-Maritime), datant du Cénomanien, que Nicolas Cottard a fait les premières découvertes des restes fossilisés d'une nouvelle espèceespèce de dinosaure.

    Une vue d'artiste de <em>Caletodraco cottardi</em>. © Ingrid Buffetaut
    Une vue d'artiste de Caletodraco cottardi. © Ingrid Buffetaut

    Une découverte remarquable

    Elle sera étudiée par le paléontologue français Éric Buffetaut et ses collègues qui ont récemment publié un article à ce sujet dans Fossil Studies. Les fossiles retrouvés y servent à définir l'holotypeholotype d'un nouveau taxontaxon qu'ils baptisent en latin Caletodraco (« dragon des Caleti », les Caleti étant une tribu celte ayant vécu dans le Pays de Caux dans l'Antiquité), avec cottardi pour espèce, c'est-à-dire Caletodraco cottardi.

    On trouve associé à ses restes une dent de requin, ce qui suggère que son corps mort avait flotté avant d'être dévoré par des charognards et de tomber au fond de la mer de la craie locale, alors que l'animal avait été bien vivant plus loin, sur les côtes montagneuses de ce que l'on peut appeler l'île Armoricaine de l'époque, le Massif Armoricain actuel étant à ce moment là partiellement sous l'eau.

    Dent de requin (probablement lamniforme) associée aux os de <em>Caletodraco cottardi</em>. © Buffetaut et al
    Dent de requin (probablement lamniforme) associée aux os de Caletodraco cottardi. © Buffetaut et al

    Caletodraco cottardi semble être un abelisauridé d'environ six mètres de longueur présentant plusieurs caractéristiques typiques des Furileusauria et qui était donc un cousin de dinosaures carnivorescarnivores tels que le Carnotaurus (signifiant « taureau carnivore », en référence à ses cornes et sa tête semblables à celle d'un taureau), un genre éteint de dinosaures saurischienssaurischiens, prédateurs de la famille des Abelisauridae qui vivait en Argentine il y a environ 70 millions d'années.

    Pour mémoire, rappelons que c'est en 1985 que deux paléontologues argentins, le célèbre José Bonaparte (1928 - 2020) et Fernando NovasNovas, ont nommé Abelisaurus comahuensis (« lézard d'Abel »)) un grand dinosaure carnivore du nom de Roberto Abel qui l'avait découvert, identifiant du même coup les Abelisauridae.

    Les falaises de craie de Saint-Jouin-Bruneval (Seine-Maritime), où le spécimen holotype de <em>Caletodraco cottardi</em> a été découvert par Nicolas Cottard. © Buffetaut <em>et al.</em>
    Les falaises de craie de Saint-Jouin-Bruneval (Seine-Maritime), où le spécimen holotype de Caletodraco cottardi a été découvert par Nicolas Cottard. © Buffetaut et al.

    Éric BuffetautÉric Buffetaut a expliqué à Futura : « Caletodraco cottardi est nettement différent d'autres Abelisauridae signalés en Europe, tel que Arcovenator, du Crétacé supérieur de Provence, qui ressemble à des Abelisauridae trouvés en Inde et à Madagascar, alors que Caletodraco est proche d'espèces sud-américaines. Cela suggère que l'histoire biogéographique des Abelisauridae européens a été plus complexe que ce que l'on supposait jusqu'ici.

    J'ai un peu évoqué ces questions dans un article qui vient de paraître dans la revue
    Espèces.

    Le fossile fait désormais partie des collections du Muséum d'histoire naturelle du Havre. Ce dernier est en cours de réaménagement, il ré-ouvrira au public fin 2025. »

    Dent d'abélisauridé associée au spécimen holotype de <em>Caletodraco cottardi</em>. © Buffetaut <em>et al.</em>
    Dent d'abélisauridé associée au spécimen holotype de Caletodraco cottardi. © Buffetaut et al.
    Carte indiquant la position de Saint-Jouin-Bruneval sur le littoral du Pays de Caux (Normandie). La ligne bleue représente la Seine. © Buffetaut <em>et al.</em>
    Carte indiquant la position de Saint-Jouin-Bruneval sur le littoral du Pays de Caux (Normandie). La ligne bleue représente la Seine. © Buffetaut et al.
    Carte paléogéographique simplifiée d'une partie de la Normandie au Cénomanien ancien, superposée aux repères actuels : littoral (en pointillés) et vallée de la Seine (en bleu). Le Massif armoricain était une étendue terrestre au Cénomanien. Répartition des terres et de la mer après Juignet et Kennedy. © Buffetaut <em>et al.</em>
    Carte paléogéographique simplifiée d'une partie de la Normandie au Cénomanien ancien, superposée aux repères actuels : littoral (en pointillés) et vallée de la Seine (en bleu). Le Massif armoricain était une étendue terrestre au Cénomanien. Répartition des terres et de la mer après Juignet et Kennedy. © Buffetaut et al.