En déterminant les températures qui régnaient il y a environ 100 millions d’années dans ce qui est aujourd’hui le nord-est de la Chine, des paléontologues ont rapporté ce résultat qui peut surprendre : le climat était bien moins chaud qu’on ne le pensait. C’est sans doute pourquoi, disent-ils, on retrouve là de si nombreux dinosaures à plumes…

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    Un Vélociraptor (à gauche, attaquant un Protoceratops), avec son plumage, dans une représentation sans doute plus conforme à la réalité que celle de Jurassic Park. © Todd Marshall

    Un Vélociraptor (à gauche, attaquant un Protoceratops), avec son plumage, dans une représentation sans doute plus conforme à la réalité que celle de Jurassic Park. © Todd Marshall

    • Les dinosaures en image dans notre galerie photo  

    Au temps des dinosaures, il faisait chaud. La teneur de l'atmosphère en dioxyde de carbone était élevée et ces gros reptiles au sang froid s'ébattaient dans un climat tropical. Voilà ce qu'on a longtemps pensé... « Mais les dinosaures ont vécu 170 millions d'années... » fait remarquer Romain AmiotRomain Amiot, paléontologuepaléontologue du CNRS, à l'Université Claude BernardClaude Bernard Lyon 1. Moralité : les dinosaures ont donc peut-être traversé bien des climats différents. Lui et ses collègues de l'Institut de physiquephysique du globe de Paris et de l'Institute of Vertebrate Paleontology and Paleoanthropology de Pékin viennent de publier les résultats d'une minutieuse étude de restes fossilesfossiles de VertébrésVertébrés en tout genre récoltés dans le nord-est de la Chine. Et elle donne une image bien différente de celle d'un long paradis tropical.

    Bien connue, la faunefaune de Jehol (du nom de la région) a donné depuis plusieurs années un nombre étonnamment élevé de restes de dinosaures incluant des empreintes de plumes (comme le célébrissime Vélociraptor), de protoplumes ou de structures filamenteuses de formes évocatrices. Alors que ces animaux ne pouvaient pas voler, à quoi servaient ces ornements ? Et pourquoi en trouve-t-on dans la faune de Jehol et quasiment pas ailleurs ? Parce que les conditions de fossilisationfossilisation sont à cet endroit particulièrement favorables ou bien parce que les climats de l'époque étaient particuliers ?

    Mandibule du dinosaure psittacosaure <em>Hongshanosaurus</em>, dont les dents ont été échantillonnées, provenant de la faune de Jehol du Crétacé inférieur de la province du Liaoning (Chine). © Romain Amiot

    Mandibule du dinosaure psittacosaure Hongshanosaurus, dont les dents ont été échantillonnées, provenant de la faune de Jehol du Crétacé inférieur de la province du Liaoning (Chine). © Romain Amiot

    Un climat tempéré et des hivers rigoureux

    Pour répondre à ces questions, l'équipe s'est attelée à déterminer les températures qui régnaient dans cette région au CrétacéCrétacé inférieur, entre -125 et -110 millions d'années. Ils ont pour cela mesuré le rapport isotopique de l'oxygène 18 (lourd) sur l'oxygène 16 (normal) dans les os de différents Vertébrés recueillis sur place pour l'occasion ou échantillonnés dans des collections. « Quand l'eau de pluie se forme par condensationcondensation des nuagesnuages, la température détermine précisément son rapport isotopique, nous explique Romain Amiot. Comme l'eau de pluie constitue la principale source d'oxygène pour les animaux sauvages et que l'information climatique ainsi enregistrée par l'eau est transmise aux restes minéralisés qui font fossiliser, il est possible de retrouver cet enregistrement en mesurant le rapport isotopique de l'oxygène du fossile. »

    Conclusion : le rapport 18O/16O des os fossilisés permet de retrouver la température ambiante à l'époque où l'animal vivait. Si l'on n'oublie pas de tenir compte des possibles variations saisonnières de température, on obtient une bonne estimation des températures moyennes annuellesannuelles (« nous avons multiplié l'échantillonnageéchantillonnage pour lisser ces fluctuations »).

    L'étude, qui vient d'être publiée dans les Pnas, a comparé les résultats de cette région du Jehol avec d'autres gisementsgisements, de Chine, du Japon et de Thaïlande. En tout, le travail porteporte sur des régions qui, à l'époque, s'étalaient en latitudelatitude de 8° à 42° nord. Les résultats obtenus montrent une température basse, de 10° C (+/- 4°), c'est-à-dire semblable voire plus froide que celles d'aujourd'hui à latitude égale. « Le climat devait être celui d'une région tempérée d'aujourd'hui, avec des hivershivers froids » concluent les auteurs.

    La vie devait donc être plus difficile en hiver pour les animaux à sang froid. Parmi les restes de Vertébrés étudiés figurent des tortuestortues et des serpents, notoirement ectothermes et poïkilothermespoïkilothermes (à « sang froid »). Selon les auteurs, ils devaient hiberner à la mauvaise saisonsaison, laissant le champ libre aux animaux homéothermeshoméothermes protégés par des poils ou des plumes, comme les MammifèresMammifères, les dinosaures mais aussi les oiseaux, qui faisaient déjà partie du décor. « Il faut repenser la manière dont on se représente les écosystèmesécosystèmes de ces époques... » conclut Romain Amiot.