Apparu pour la première fois il y a environ 2 millions d’années, le gigantopithèque, ou Gigantopithecus blacki, est considéré comme le plus grand primate à avoir évolué sur Terre, pouvant atteindre jusqu’à trois mètres de haut. Selon une récente étude, l’espèce s’est éteinte il y a environ 250 000 ans, au moment où d’autres espèces de primates étaient en plein développement : le plus grand primate de tous les temps ne serait pas parvenu à s’adapter aux changements climatiques de l’époque…


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    Identifié pour la première fois il y a près d'un siècle à partir de dents et de mandibulesmandibules fossilisées, le gigantopithèque est le plus grand primate à avoir évolué sur notre Planète. Si aucun squelette complet n'a aujourd'hui été découvert, les paléontologuespaléontologues estiment que ce géant pouvait mesurer jusqu'à trois mètres, et peser plusieurs centaines de kilogrammeskilogrammes. Apparu en Asie il y a environ deux millions d'années, l'espèce Gigantopithecus blacki s'est vraisemblablement éteinte il y a environ 250 millions d'années, pour des raisons jusqu'à présent inconnues. Son extinction est d'autant plus étonnante quand on sait que d'autres espèces de primates, comme l'ancêtre de l'orang-outan actuel, sont parvenues à survivre au cours de cette période.

    Une extinction difficile à expliquer

    Si les paléontologues avaient d'abord suggéré que l'espèce s'était éteinte du fait de la raréfaction des ressources alimentaires disponibles dans son habitat (lire l'article ci-dessous), le manque de données précises rendait la compréhension du processus bien trop complexe pour en tirer des conclusions détaillées. Dans une nouvelle étude publiée dans la revue Nature, une équipe de paléontologues dresse la chronologie la plus précise à ce jour de l'évolution de l'espèce depuis son apparition il y a deux millions d'années.

    En datant les restes fossilisés de gigantopithèques découverts dans 22 grottes du sud de la Chine ainsi que les sédiments dans lesquels ils ont été identifiés, l'équipe a dénombré de nombreuses dents fossilisées appartenant à des individus de l'espèce, lesquelles se raréfiaient dans les sédiments les plus récents, datés à environ 300 000 ans. Ces analyses ont permis aux paléontologues d'affirmer que le Gigantopithecus blacki s'est définitivement éteint il y a entre 295 000 et 215 000 ans.

    Fossiles typiques des faunes de la région. Le fossile annoté (a) est une molaire ayant appartenu à un membre de l'espèce Gigantopithecus blacki. © Zhang et al, 2024
    Fossiles typiques des faunes de la région. Le fossile annoté (a) est une molaire ayant appartenu à un membre de l'espèce Gigantopithecus blacki. © Zhang et al, 2024

    En parallèle, l'analyse de pollens fossiles prélevés dans les mêmes sédiments que les restes fossilisés de gigantopithèques a permis aux paléontologues de dresser un tableau de l'évolution de l'habitat du primate géant au cours de son existence. D'après leurs résultats, le gigantopithèque évoluait il y a environ deux millions d'années dans une forêt dense, se nourrissant principalement de fruits.

    Mais il y a environ 700 000 ans, cet écosystème forestier a progressivement laissé place à un habitat plus ouvert, caractérisé par davantage de prairies ; l'analyse des pollens et des fossiles montre qu'au cours de cette période d'importants transformations, le climatclimat est devenu plus saisonnier (et avec lui, la disponibilité en ressources alimentaires), et que la disponibilité en eau était de plus en plus variable à mesure que la région commençait à connaître des saisonssaisons sèches.

    Une difficulté d’adaptation face aux changements climatiques

    Durant cette période, les gigantopithèques sont devenus plus grands, augmentant la quantité de nourriture nécessaire, et signifiant qu'ils étaient confinés au sol forestier, où ils mangeaient probablement de l'écorce lorsque les fruits qu'ils étaient habitués à manger étaient indisponibles en fonction des saisons.

    Selon les paléontologues, le Gigantopithecus blacki n'a pas seulement souffert des changements climatiqueschangements climatiques abruptes dans la région, mais aussi de ses difficultés à s'y adapter : quand les autres primates ont réussi à modifier leur régime alimentaire pour se nourrir de plantes fibreusesfibreuses, désormais plus abondantes dans ce nouvel habitat, le primate géant présentait un régime trop spécialisé pour s'y habituer aussi rapidement. Il était de plus si massif qu'il ne pouvait pas parcourir de grandes distances, le contraignant à chercher des ressources dans son habitat désormais transformé.

    Les causes de l'extinction du primate géant Gigantopithecus blacki. © Kira Westaway, Nature, Macquarie University

    D'après leurs analyses, les paléontologues affirment que le dernier spécimen de l'espèce a disparu au plus tard il y a 215 000 ans. L'équipe espère que leurs travaux permettront de mieux comprendre les raisons qui permettent à certaines espèces animales d'être plus résistantes que d'autres face aux changements de leur habitat. Les chercheurs estiment que leur étude peut d'ailleurs avoir d'importantes implications pour la préservation des espèces actuelles de primates.


    Le gigantopithèque, alias King Kong, est mort de faim

    Article de Jean-Luc GoudetJean-Luc Goudet, publié le 8 janvier 2016

    Le plus grand primate connu, le gigantopithèque, a peuplé les forêts d'Asie durant des millions d'années, du MiocèneMiocène au PléistocènePléistocène, et s'est éteint il y a seulement 100.000 ans, au moment de la dernière glaciationglaciation. C'est ce qu'affirment des chercheurs qui pensent avoir découvert la raison de sa disparition : Gigantopithecus était un herbivoreherbivore de la forêt et aurait mal vécu le refroidissement et l'extension des savanes.

    De quoi se nourrissait le gigantopithèque ? L'information est essentielle pour mieux comprendre la vie et la disparition de cette espèce de primate, la plus grande connue à ce jour. Les scientifiques estiment sa taille maximale entre 1,80 et 3 m, pour un poids de 200 à 500 kg. Ses mensurations sont donc mal connues, du fait de la rareté des fossiles retrouvés, essentiellement des dents. Son régime était végétarienvégétarien pour certains, carnivorescarnivores pour d'autres tandis que subsiste l'hypothèse que l'animal se nourrissait exclusivement de bambous, comme les pandas actuels.

    Son habitat, en revanche, est mieux cerné : il aimait la forêt. Mais sa massemasse imposante semble cependant difficilement compatible avec un mode de vie arboricolearboricole. Les branches auraient cédé trop souvent... Quant à sa classification, elle le range aujourd'hui parmi les pongidés. Le gigantopithèque serait proche des ancêtres de l'ourang-outang.

    Comparaison schématique entre la taille du gigantopithèque et celle d'un humain. L'aspect de l'animal, en revanche, n'est pas connu. On sait seulement que les dents et les quelques os retrouvés le rapprochent des orangs-outangs. © Hervé Bocherens
    Comparaison schématique entre la taille du gigantopithèque et celle d'un humain. L'aspect de l'animal, en revanche, n'est pas connu. On sait seulement que les dents et les quelques os retrouvés le rapprochent des orangs-outangs. © Hervé Bocherens

    King Kong était végétarien

    Sa taille et son aspect (supposés) en ont fait un animal fantasmatique et le voilà dessiné en King Kong ou convoqué pour jouer le rôle du yéti, ce mystérieux anthropoïdeanthropoïde himalayen (même si les observations retenues semblent pointer vers un ours). Pour débroussailler ces informations, une équipe allemande de l'université de Tübingen s'est de nouveau penchée sur les meilleurs restes de gigantopithèque : les dents.

    Les chercheurs ont rassemblé des spécimens venus de différentes collections et ont procédé à une analyse isotopique du carbonecarbone contenu dans l'émailémail. Ces résultats ont été comparés aux analyses de primates actuels. La conclusion, publiée dans la revue Quaternary International, est que cette composition isotopique est différente de celle des omnivoresomnivores et de celle des carnivores ; elle est également éloignée de celle des mangeurs de bambous.

    Une molaire de <em>Gigantopithecus</em>, issue de la collection Gustav Heinrich Ralph von Koenigswald, de l’institut Senckenberg, en Allemagne, qui a servi à l’étude. Les fossiles de ce grand singe sont rares et surtout représentés par des dents. L’analyse des isotopes du carbone inclus dans l’émail, en comparaison des primates actuels, permet de connaître, dans une certaine mesure, le régime alimentaire. © Wolfgang Fuhrmannek
    Une molaire de Gigantopithecus, issue de la collection Gustav Heinrich Ralph von Koenigswald, de l’institut Senckenberg, en Allemagne, qui a servi à l’étude. Les fossiles de ce grand singe sont rares et surtout représentés par des dents. L’analyse des isotopes du carbone inclus dans l’émail, en comparaison des primates actuels, permet de connaître, dans une certaine mesure, le régime alimentaire. © Wolfgang Fuhrmannek

    Un grand singe arboricole en mal de forêts

    « Nos résultats montrent que ces grands primates ne vivaient que dans la forêt et y trouvaient leur nourriture. Gigantopithecus était exclusivement végétarien et pas spécialisé dans le bambou », résume Hervé Bocherens, du Centre Senckenberg d'évolution humaine de paléoenvironnement (HEP), à l'université de Tübingen, dans un communiqué de cet établissement.

    Cet habitat forestier expliquerait le déclin de ce grand singe (qui était représenté, semble-t-il, par plus d'une espèce), selon les auteurs de l'étude. Cette époque du Pléistocène est marquée par un changement climatique majeur, avec une baisse des températures. Dans les régions asiatiques où ils vivaient, ces grands primates arboricoles ont vu reculer les forêts au profit de la savane. « Avec sa grande taille, Gigantopithecus devait dépendre d'une offre abondante de nourriture », souligne Hervé Bocherens dans le communiqué de l'université. La régression des forêts a fini par avoir eu raison de ces grands animaux.

    Image du site Futura Sciences