Lorsqu'un fossile est mis à nu, parfois après des millions d'années, il devient vulnérable. Il est donc protégé par une coque jusqu'au laboratoire mais enlever cette coque avec des outils traditionnels peut endommager le fossile. Une nouvelle méthode testée sur des vertèbres de sauropode géant prouve que maîtriser les barbecues chez soi se révèle être un atout de taille au laboratoire !


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    Un bloc blanc est posé sur une paillasse de laboratoire. Il renferme de précieuses vertèbres de titanosaure que des paléontologuespaléontologues ont récemment excavées et recouvertes de couches protectrices pour leur transport jusqu'au laboratoire. Ces couches doivent maintenant être ôtées pour que les chercheurs accèdent au précieux contenu qui y est enfoui. Le procédé qui se déroule pour délicatement nettoyer le fossile est pourtant semé d'embûches. La première consiste à ôter les bandes de toile de jute empreintes de plâtreplâtre et le papier journal qui recouvre le fossile. Une récente étude, publiée dans la revue Palaeontologia Electronica ce mois-ci, révèle néanmoins que cette étape peut endommager le fossile, surtout lorsque les paléontologues doivent improviser l'emballage du fossile avec des matériaux de fortune... Matthew A. Brown et Casey M. Holliday, chercheurs respectivement à l'Université du Texas et de l'Université du Missouri, exposent leur technique pour le moins originale. 

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    Il arrive en effet que le fossile soit empaqueté avec des vêtements, des serviettes ou du papier toilette ! De la bière et des boissons énergisantesboissons énergisantes ont parfois aussi été utilisées pour l'humidification des tissus de protection... S'il a plu pendant la pose du plâtre sur le terrain, les paléontologues ont également pu créer une armaturearmature avec des branches d'arbres ou des manches de vieux outils pour consolider la coque autour du fossile. Une telle diversité de composants ne garantit pourtant pas la solidité de la coque et peut mener à la fragmentation du fossile lorsque celui-ci est dégagé en laboratoire avec des outils traditionnels tels que des percuteurs pneumatiquespneumatiques, des brosses et des mini-burins.

    Vue d'artiste d'un sauropode. © Adobe Stock
    Vue d'artiste d'un sauropode. © Adobe Stock

    Allumer le feu !

    Lorsqu'ils ont essayé de dégager de façon traditionnelle l'un des fossiles de sa gangue de plâtre, les paléontologues l'ont partiellement fragmenté. En dernier recours, ils ont donc eu l'idée incongrue de mettre le feufeu à la coque pour dégager les vertèbres du sauropode ! Comme quoi maîtriser la technique du barbecue dans son jardin peut se révéler utile dans certains cas et être un atout de taille dans le cadre des expériences en laboratoire ! Ils ont d'abord lacéré le plâtre avec un cutter pour exposer la toile de jute et l'ont aspergée d'acétoneacétone, puis ils y ont mis le feu avec un chalumeau et ont répété l'opération pour les couches successives de jute, jusqu'à voir apparaître les vertèbres tant attendues. Dans des conditions de travail standard, la température peut atteindre un maximum de 260 °C en surface de la coque et de 45 °C à l'intérieur de celle-ci et, en contrôlant cette température et le taux de combustioncombustion, le fossile n'est pas endommagé.

    Il est aussi courant que des racines se soient faufilées dans les interstices du fossile au cours des siècles. Les paléontologues, auteurs de l'étude, ont essayé de les retirer manuellement en les entaillant à l'aide de cutters et ciseaux, ce qui a fracturé les vertèbres de titanosaure. Sur un autre échantillon, ils ont donc mis le feu aux racines qui se sont consumées sans endommager les vertèbres.

    Des racines (colorées artificiellement en blanc sur l'image) ont poussé dans les fissures du fossile. © Brown and Holliday, 2021
    Des racines (colorées artificiellement en blanc sur l'image) ont poussé dans les fissures du fossile. © Brown and Holliday, 2021

    Si cette nouvelle méthode de préparation des fossiles que proposent les auteurs reste à utiliser en dernier recours, lorsque l'utilisation des outils traditionnels risque d'endommager un spécimen, cette étude constitue bien une nouvelle preuve que les idées farfelues ne sont pas toujours les plus mauvaises !