Quand l'espèce humaine a-t-elle quitté son berceau africain ? Aujourd'hui, les anthropologues se posent la question différemment. Ce serait plutôt : combien de fois en est-elle sortie ? Une récente étude fait le point sur les dernières connaissances du passé d'Homo sapiens.

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    Les Hommes modernes ont commencé à se disperser dans le monde lors de multiples vagues de migrations parties d'Afrique, berceau de l'humanité. C'est ce qu'avance une nouvelle étude remettant en question l'hypothèse communément acceptée d'une unique grande vague migratoire il y a environ 60.000 ans. Ces conclusions, publiées jeudi dans la revue Science, s'appuient sur un grand nombre de nouvelles découvertes réalisées en Asie ces dix dernières années et qui montrent que Homo sapiens a parcouru de vastes distances sur le continent asiatique, s'approchant même de l'Océanie, beaucoup plus tôt qu'on ne le pensait.

    Ainsi, des ossements d'Homo sapiensHomo sapiens datant de 70.000 à 120.000 ans ont été mis au jour dans le sud et le centre de la Chine. Des indications génétiquesgénétiques révèlent aussi des croisements tout aussi anciens entre des humains modernes et d'autres hominidés déjà présents en Asie, comme les Néandertaliens et les Dénisoviens, des cousins disparus.

    Réplique d'un crâne d'<em>Homo sapiens idaltu</em> datant d'environ 160.000 ans et découvert en Éthiopie ; elle est exposée à Nagakute, au Japon (photo prise le 22 avril 2005). © Kazuhiro Nogi, AFP

    Réplique d'un crâne d'Homo sapiens idaltu datant d'environ 160.000 ans et découvert en Éthiopie ; elle est exposée à Nagakute, au Japon (photo prise le 22 avril 2005). © Kazuhiro Nogi, AFP

    Les pérégrinations humaines sont complexes

    Des études récentes ont également confirmé que les populations non africaines actuelles descendent d'un seul groupe en Afrique, remontant à approximativement 60.000 ans. « Les migrations parties d'Afrique antérieures à 60.000 ans étaient probablement de petits groupes d'explorateurs et certains de ces mouvementsmouvements migratoires ont laissé de faibles traces génétiques dans les populations humaines modernes », explique Michael Petraglia, un chercheur de l'Institut Max-PlanckPlanck, en Allemagne, le principal auteur de ces travaux. Il cite des signatures génétiques de croisements entre des humains modernes et d'autres hominidés déjà présents en Asie, comme les Néandertaliens et les Dénisoviens.

    Voir aussi

    Préhistoire : l'Homme à la conquête de l'Asie

    Les scientifiques estiment qu'aujourd'hui les humains, à l'exception des Africains, ont de 1 à 4 % de gènesgènes néandertaliens dans leur ADNADN tandis que les Mélanésiens, originaires du Pacifique, comptent en moyenne 5 % de gènes dénisoviens. Toutes ces indications montrent que les interactions et les croisements entre ces deux espèces, et peut-être d'autres, sont plus complexes qu'initialement estimé.

    « Cette collection d'indices nous donne une image des migrations humaines qui ne peut pas se limiter à une seule vague de population d'ouest en est », résume Christopher Bae, chercheur de l'université d'Hawaï, à Manoa, et coauteur de l'étude. Pour lui, « il faut prendre en compte les variations écologiques et les différentes interactions entre les diverses populations d'hominidés présentes en Asie à la fin du Pléistocène, il y a 100.000 ans ».


    Quand a eu lieu la migration humaine de l’Afrique vers l’Eurasie ?

    Article de Delphine Bossy publié le 25 mars 2013

    La migration de l'Afrique vers l'Europe et l'Asie est l'un des moments les plus importants dans l'évolution humaine. Il reste néanmoins largement méconnu. Où et quand a-t-il commencé ? Si cette question doit encore être approfondie, une nouvelle étude donne la meilleure approximation actuelle.

    Depuis plusieurs décennies, les scientifiques cherchent à savoir quand les Hommes modernes ont commencé leur exode. La migration de l'Afrique vers les autres continents est l'un des événements majeurs dans l'histoire humaine. Pourtant, l'époque et le lieu de départ restaient flous. Aujourd'hui, une équipe internationale dirigée par le Max PlanckMax Planck Institute for Evolutionary Anthropology fournit les meilleures estimations de la date de départ de l'exode humain.

    À partir de l'étude de l'ADN de fossiles et d'Hommes comme Ötzi, le fameux homme des glaces, l'équipe de recherche suggère que cette migration aurait démarré voilà 90.000 ans au plus tôt, et 62.000 ans au plus tard. Ces résultats sont en accord avec nombre de fossiles et d'outils de l’âge de pierre trouvés en Europe, mais ils diffèrent, en revanche, des résultats génétiques antérieurs. Ceux-ci chiffraient un exode qui avait commencé autour de 80.000 à 130.000 ans. La différence réside dans la méthode d'analyse de l'ADN. Dans les études antérieures, l'exode a été daté en déterminant le taux de mutation de l'ensemble du génomegénome.

    Toutefois, d'après le généticiengénéticien Johannes Krause, l'un des auteurs de l'article paru dans la revue Current Biology, cette méthode de calibration n'était pas applicable à des individus de l'âge d'Ötzi. Dans cette étude, ils ont comparé les mutations du génome mitochondrial (ADNmt) plutôt que l'ADN nucléaire. « C'est un marqueur direct et non ambigu de la généalogie maternelle et de la structuration géographique au sein d'une espèce, ainsi que des échanges génétiques entre populations, entre sous-espècessous-espèces », d'après le manuel Génétique et évolution du génome mitochondrial des métazoairesmétazoaires. Comprendre quand les humains modernes ont quitté l'Afrique et rejoint l'Europe et l'Asie est fondamental dans l'étude de l'évolution humaine. Par exemple, l'équipe a pu déterminer qu'en Europe, les êtres humains partagent la même lignée avant et après la dernière ère glaciaire.