Lorsque, en 2005, une équipe de paléontologues de l’Université de Caroline-du-Nord avaient extrait ce qui paraissait être des fragments de vaisseaux sanguins et des hématies d’un os de tyrannosaure, l’espoir d’une nouvelle forme d'étude de l’évolution était apparue. Mais il faudra peut-être déchanter…


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    Le sourire du T. rex. Source : Commons

    Le sourire du T. rex. Source : Commons

    L'os - un fémurfémur de Tyrannosaurus rex âgé de 68 millions d'années - avait été découvert sur un site isolé du Dakota du Sud par un membre du Muséum des Rocheuses (Montana). Celui-ci était étonnamment intact et il s'était avéré que sa partie creuse n'avait pas été envahie par le minerai, ce qui est exceptionnel. Aucune route ne passant à proximité de ce lieu particulièrement difficile d'accès, le fémur avait été enrobé de plâtreplâtre pour le protéger et appel avait été fait à un hélicoptèrehélicoptère.

    Cependant, celui-ci ne s'avérait pas assez puissant pour transporter l'ensemble ainsi alourdi, et les scientifiques avaient décidé de couper l'os en deux parties. Ils en avaient aussi profité pour prélever des échantillons de la partie creuse.

    Enrobage et déplacement du fémur de <em>T. rex</em> par l’équipe de Mary Schweitzer. Crédit : Université de Caroline-du-Nord

    Enrobage et déplacement du fémur de T. rex par l’équipe de Mary Schweitzer. Crédit : Université de Caroline-du-Nord

    Dans le but d'isoler le contenu du résidu osseux, Mary Schweitzer, de l'Université de Caroline-du-Nord mais qui travaillait alors pour le Muséum des Rocheuses, a plongé des échantillons dans un mélange d'enzymesenzymes afin de dissoudre les composés de calciumcalcium. Elle y a découvert une structure de « tissu vasculaire flexible de grande élasticitéélasticité », contenant aussi des sphérules semblables à des hématieshématies.

    Structures tubulaires souples émergeant de la surface de l’os de <em>T. rex</em> après déminéralisation. Crédit : Université de Caroline-du-Nord

    Structures tubulaires souples émergeant de la surface de l’os de T. rex après déminéralisation. Crédit : Université de Caroline-du-Nord

    Répétant l'expérience au départ d'un fémur d'autruche (le plus proche cousin existant du Tyrannosaurus rex), elle avait alors obtenu et identifié le même type de tissu élastique.

    Trop beau pour être vrai ?

    Mais cette brillante découverte vient de s'assombrir... Selon une nouvelle étude, effectuée par le paléontologuepaléontologue Thomas Kaye, de l'Université de Washington (Seattle), ce tissu ne serait que de la boue bactérienne accumulée à l'intérieur de l'os et qui aurait pris la place autrefois occupée par les vaisseaux sanguins et les hématies.

    Observant à nouveau les divers os au microscope électroniquemicroscope électronique, Kaye et son équipe ont aussi noté les minuscules sphères ressemblant à des hématies similaires à celles relevées par Mary Schweitzer. Mais en poussant l'examen plus loin, ils se sont aperçus que ces résidus se retrouvaient dans tout le matériaumatériau osseux, y compris dans les os très abîmés.

    Structures tubulaires isolées observées au microscope, montrant ce qui ressemble à des hématies. Crédit : <em>PLOS One</em> / Université de Caroline-du-Nord

    Structures tubulaires isolées observées au microscope, montrant ce qui ressemble à des hématies. Crédit : PLOS One / Université de Caroline-du-Nord

    D'où la conclusion du chercheur, qui publie ses observations dans la revue Plos One : il ne s'agit pas de restes de tissus, mais de la trace d'un biofilm de bactériesbactéries, c'est-à-dire d'une colonie de bactéries installée à la surface. Et Kaye de comparer cette matièrematière à du tartretartre dentaire ou encore à la matière que l'on trouve au fond d'une citerne où aurait croupi de l'eau boueuse pendant une semaine, ensuite minéralisée. Une datation au carbonecarbone suggère d'ailleurs que les résidus trouvés dans l'os de tyrannosaure ne seraient âgés que d'une soixantaine d'années.

    Schweitzer défend cependant son point de vue en affirmant avoir, elle aussi, envisagé puis rejeté cette hypothèse. Elle souligne que la littérature scientifique est loin de démontrer l'évidence que de tels biofilms puissent apparaître sous la forme de tubes creux comme ceux observés dans l'os fossile. Elle objecte aussi que si c'était le cas, considérant la force de pesanteur, ces couches tubulaires devraient être plus épaisses dans la partie inférieure, ce qui n'est pas le cas ici.

    Bref, les deux hypothèses présentent des arguments intéressants... qu'il appartiendra vraisemblablement au temps, et à d'autres recherches, de départager.