Un robot sous-marin vient d'atteindre le fond de la fosse des Mariannes, à plus de dix mille mètres de profondeur, sur les traces de Jacques Piccard qui avait atteint le point le plus bas du globe en 1960. Mais depuis 2003, plus aucun engin n'était capable de descendre au-delà de six mille cinq cents mètres.
Il en est presque des grands fonds comme de la Lune. Après les conquêtes des années 1960, les hommes ont déserté l'endroit. Le 23 janvier 1960, le Suisse Jacques Piccard et l'Américain Don Walsh atteignent Challenger Deep, le point le plus profond de la planète, au plus bas de la fosse des Mariannes, dans l'océan Pacifique, par 11° 21' de latitude nord et 142° 12' de longitude est. Ils descendent à bord d'un bathyscaphe, le Trieste, conçu par Auguste Piccard, père de Jacques, et atteignent une profondeur estimée par la suite à 10.916 mètres.
La fosse des Mariannes a ensuite vécu une longue période de tranquillité et n'a revu un engin fabriqué de main d'homme que 35 ans plus tard. En 1995 puis en 1998, Kokai, un ROV (Remote Operated Vehicle) japonais, a exploré Challenger Deep.
Parmi les sédiments récupérés par l'engin téléguidé depuis la surface, Hiroshi Kitazato et ses collègues ont repéré la présence de foraminifères vivant paisiblement à près de 11.000 mètres. La carrière de Kokai s'est arrêtée en 2003 lorsqu'un câble s'est rompu tandis qu'il explorait la fosse de Nankai.
Un monde à découvrir
Depuis la perte de cet engin, les océanographes ne disposaient plus de sous-marins, habités ou téléguidés, capables de descendre à plus de 6.500 mètres. En France, l'Ifremer utilise le Nautile (avec équipage) et le Victor 6000, un Rov.
La situation vient de changer grâce à la Woods Hole Oceanographic Institution. Depuis le navire Kilo Moana, un Rov, le Nereus, a à son tour parcouru la fosse des Mariannes. La plus profonde des plongées, sur Deep Challenger, a amené l'engin de trois tonnes, relié au navire par un câble en fibre de verre, à 10.902 mètres.

Durant ses dix heures de plongée, l'appareil a pu collecter des sédiments à différentes profondeurs, ramenant des animaux et des roches et l'expédition revient vers Hawaï où elle est attendue le 5 juin.
La mise en œuvre du Nereus inaugure de nouvelles campagnes d'exploration qui seront nécessairement fructueuses car les fonds marins au-delà de 6.000 mètres sont très peu connus, bien moins que la surface de la Lune, de Mars, de Mercure ou de Titan.