Un record avait déjà été atteint au mois d’avril dernier et, en ce mois de mai, bis repetita. La température des océans du monde a encore grimpé.


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    Le dernier rapport du Service européen Copernicus pour le changement climatique (C3S) vient de tomber. Même si l'Europe semble avoir été épargnée cette fois, le mois de mai qui vient de s'achever pointe à la deuxième place des mois de mai les plus chauds jamais enregistrés dans le monde. À seulement 0,1 °C du record. Mais c'est surtout la température des océans qui affiche un niveau jamais atteint jusqu'ici à cette période de l'année. Plus 0,25 °C par rapport aux moyennes de la période 1991-2020 !

    En avril dernier déjà, les températures à la surface de l'océan avaient atteint un record. Et rappelons que, sur ces 40 dernières années, la tendance est à une hausse de 0,6 °C. Une tendance qui devrait encore être amplifiée par l'émergenceémergence d'un signal El Niño du côté du Pacifique. Car le phénomène fait généralement grimper un peu plus encore les températures, aussi bien en mer que sur terreterre.

    Des records inquiétants

    Le record, soulignent les chercheurs, est valable non seulement pour les latitudeslatitudes comprises entre 60° nord et 60° sud, mais aussi pour toutes les mers libres de glace du globe. Ils ajoutent qu'au-dessus de la mer, les températures ont également été supérieures à la moyenne. Un autre record pour un mois de mai. Même s'il est resté assez proche de celui précédemment établi en... mai 2020. La région de l'AntarctiqueAntarctique a particulièrement été touchée.

    Les conséquences attendues pourraient être lourdes. Des vagues de chaleurchaleur marines qui fragilisent la biodiversitébiodiversité et les écosystèmes. Ou encore une fontefonte accélérée des calottes glaciairescalottes glaciaires. Pour la troisième fois déjà en ce début d'année 2023, d'ailleurs, l'étendue de la banquise antarctique a atteint une valeur mensuelle record pour la période à 17 % en dessous de la moyenne.


    « Les océans sont en feu » : la température record en avril inquiète les chercheurs

    Les océans n'ont jamais été aussi chauds qu'en ce début avril 2023, et cette chaleur record s'inscrit dans une tendance durable qui inquiète les chercheurs. Cette anomalieanomalie de la température des océans est généralisée et aura des conséquences sur le climat terrestre des prochains mois.  

    Article de Karine DurandKarine Durand paru le 16/04/2023

    La température moyenne des océans n'a jamais été aussi élevée et cela surprend même les chercheurs qui avaient prévu le réchauffement climatique. © willyam, adobe stock
    La température moyenne des océans n'a jamais été aussi élevée et cela surprend même les chercheurs qui avaient prévu le réchauffement climatique. © willyam, adobe stock

    Depuis le 12 mars, la température moyenne de surface des océans du globe a atteint la barre symbolique des 21 °C, et a même réussi à s'élever jusqu'à 21,1 °C temporairement entre le 1er et le 6 avril. Du jamais-vu depuis les premiers relevés fiables qui datent de 1981.

    « À l'échelle du globe, on peut dire que l'océan est en feufeu quasiment partout », constate Alban Lazar,  chercheur au laboratoire Locean (IPSL) et maître de conférencesmaître de conférences à la Sorbonne Université. « Mais ce n'est pas une nouveauté, c'est une tendance qui se confirme d'année en année et ce réchauffement des mers et océans avait bien été prédit par tous les modèles de prévision climatique », précise le chercheur. Rappelons que, lors de l'été 2022, « la mer Méditerranée affichait déjà une anomalie de +6 °C ».

    En rouge, les zones où la température de l'océan est supérieure à la moyenne. En jaune, les zones où cette anomalie de chaleur est la plus forte, et en bleu, les zones où la température est inférieure à la moyenne. © Nullschool
    En rouge, les zones où la température de l'océan est supérieure à la moyenne. En jaune, les zones où cette anomalie de chaleur est la plus forte, et en bleu, les zones où la température est inférieure à la moyenne. © Nullschool

    Un record de chaleur dans l'Atlantique Nord alors qu'il devrait être à son niveau le plus froid

    Mais même si la hausse des températures des océans étaient bien prévue, un tel niveau de chaleur à la surface des océans reste complètement inédit, comme l'explique Juliette Mignot, océanographe, spécialiste des variations climatiques et également membre du laboratoire Locean : « La chaleur est généralisée dans les océans si on compare à la moyenne des 30 dernières années, le record d'avril n'est pas dû à une région particulière, même si on voit déjà un très fort réchauffement dans le Pacifique tropical est. La température de l'océan Atlantique Nord est aussi à un niveau record, alors qu'elle devrait être à son niveau le plus froid à cette période de l'année, après l'hiverhiver ».

    Mais comment expliquer que toutes les courbes des dernières années atteignent leur pic, sans cesse dépassé, en mars-avril ? « C'est la fin de l'été dans l'hémisphère Sud et c'est la zone qui a la plus grande surface océanique. Ces océans ont eu tout l'été pour se réchauffer et cela explique que les océans soient chaque année relativement chauds en avril », précise Juliette Mignot.  

    En noir, tout en haut, la courbe de la température moyenne globale des océans 2023 ; en orange, celle de 2022. En pointillé, au milieu, la moyenne 1982-2011. © <em>Climate reanalyzer</em>
    En noir, tout en haut, la courbe de la température moyenne globale des océans 2023 ; en orange, celle de 2022. En pointillé, au milieu, la moyenne 1982-2011. © Climate reanalyzer

    Une chaleur anormale avant même l'arrivée du phénomène réchauffant El Niño

    Double inquiétude cette année, le réchauffement climatiqueréchauffement climatique qui continue de s'intensifier, mais en plus, le retour quasiment certain du phénomène climatique El Niño qui a un effet réchauffant sur le climat mondial : « La température moyenne est déjà au plus haut alors que l'on sort de l'hiver, donc si nous avons déjà un excédent de +0,2 °C, alors même que le phénomène El Niño n'est pas encore vraiment installé, on peut s'attendre à une très forte anomalie l'hiver prochain, peut-être +0,5 °C, ce qui serait énorme ».

    Le phénomène El Niño se caractérise par une anomalie chaude d'une partie du Pacifique (ici, en rouge) qui a ensuite un effet réchauffant sur le climat mondial. © Nasa
    Le phénomène El Niño se caractérise par une anomalie chaude d'une partie du Pacifique (ici, en rouge) qui a ensuite un effet réchauffant sur le climat mondial. © Nasa

    En avril 2022, à la même époque, les courbes montrent qu'une très forte anomalie chaude était déjà présente. Ce qui change cette année, et qui est probablement en partie responsable de ce nouveau record, « ce sont certainement les prémices d'El Niño qui se mettent en place » selon Juliette Mignot. Mais qu'il s'agisse d'une année El Niño ou bien d'une année La NiñaLa Niña (son homologue froid, avec un pouvoir refroidissant sur le climat), ces 20 dernières années, « aucune courbe ne se situe dans une anomalie froide ».  

    Cette chaleur historique des océans, liée au réchauffement climatique, aura des conséquences majeures, dans l'eau en perturbant évidemment tous les écosystèmes marins, mais aussi sur Terre comme le précise la chercheuse : « On perd le rôle tampon de l'océan dans le climat global : il fait office de tampon sur nos saisonssaisons, donc sans ce rôle qui atténue la chaleur ou le froid, on se dirige vers des saisons plus extrêmes. Jusqu'à maintenant, l'océan était plutôt un allié de l'Homme dans la lutte contre le réchauffement climatique. Mais se réchauffant trop, il perd ce rôle. En plus, il absorbe moins le gaz carbonique issu de nos activités ».