Les océans et mers du globe terrestre connaissent une hausse des températures inimaginable jusqu'à présent, conséquence du réchauffement climatique mais aussi conjugaison de phénomènes météorologiques qui s'auto-alimentent. Les répercussions sur les écosystèmes du monde entier ne font pas attendre. Hémisphères Nord et Sud, d'est en ouest, sur tous les continents, les vagues de chaleur marine qui impactent la Planète, font peser de lourdes menaces sur la vie où qu'elle se trouve. 


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    Depuis la mi-mars 2023, le mercuremercure à la surface des océans grimpe à des niveaux inégalés en 40 ans de surveillance par satellite, et l'impact néfaste de cette surchauffe se ressent dans le monde entier.

    La mer du Japon est plus chaude de 4 degrés Celsiusdegrés Celsius par rapport à la moyenne. La mousson indienne, produit du fort contrastecontraste thermique entre les terres et les mers, a été bien plus tardive que prévu.

    L'Espagne, la France, l'Angleterre et l'ensemble de la péninsule scandinave ont enregistré des niveaux de précipitations très inférieurs à la normale, probablement en raison d'une vague de chaleur marine exceptionnelle dans l'est de l’Atlantique Nord. Les températures à la surface de la mer y ont été supérieures à la moyenne de 1 à 3 °C depuis la côte africaine jusqu'à l'Islande.

    Et sur le continent européen, la vague de chaleurchaleur est actuellement insoutenable, tandis que l'on bat tous les records.

    Que se passe-t-il donc ?

    El Niño est en partie responsable. Ce phénomène climatique, qui se développe actuellement dans l'océan Pacifique équatorial, se caractérise par des eaux chaudes dans le centre et l'est du Pacifique, ce qui atténue généralement l'alizé, un vent régulier des tropiques. Cet affaiblissement des vents peut affecter à son tour les océans et les terres du monde entier.

    L'augmentation des températures terrestres et océaniques : les anomalies annuelles de température à la surface des terres et des mers, comparées à la moyenne du XX<sup>e</sup> siècle, montrent que les températures des océans réagissent plus lentement, mais qu'elles augmentent également. © NOAA — Created with <a target="_blank" href="https://www.datawrapper.de/_/AOdoU">Datawrapper</a>
    L'augmentation des températures terrestres et océaniques : les anomalies annuelles de température à la surface des terres et des mers, comparées à la moyenne du XXe siècle, montrent que les températures des océans réagissent plus lentement, mais qu'elles augmentent également. © NOAA — Created with Datawrapper

    Mais d'autres forces agissent sur la température des océans.

    À la base de tout, il y a le réchauffement climatiqueréchauffement climatique, et la hausse des températures à la surface des continents comme des océans depuis plusieurs décennies du fait des activités humaines augmentant les concentrations de gaz à effet de serregaz à effet de serre dans l'atmosphèreatmosphère.

    Les températures de surface de la mer sont nettement supérieures à la moyenne depuis le début de la surveillance par satellite. La ligne noire épaisse correspond à 2023. La ligne orange correspond à 2022. La moyenne 1982-2011 correspond à la ligne médiane en pointillés. © ClimateReanalyzer.org, NOAA
    Les températures de surface de la mer sont nettement supérieures à la moyenne depuis le début de la surveillance par satellite. La ligne noire épaisse correspond à 2023. La ligne orange correspond à 2022. La moyenne 1982-2011 correspond à la ligne médiane en pointillés. © ClimateReanalyzer.org, NOAA

    La Planète sort également de trois années consécutives marquées par La NiñaLa Niña, le phénomène météorologique inverse d'El NiñoEl Niño, et donc caractérisé par des eaux plus froides qui remontent dans le Pacifique équatorial. La Niña a un effet refroidissant à l'échelle mondiale qui contribue à maintenir les températures de surface de la mer à un niveau raisonnable, mais qui peut aussi masquer le réchauffement climatique. Lorsque cet effet de refroidissement s'arrête, la chaleur devient alors de plus en plus évidente.

    La banquise arctique était également anormalement basse en mai et au début du mois de juin, un autre facteur aggravant pour le mercure des océans. Car la fontefonte des glaces peut augmenter la température de l’eau, du fait des eaux profondes absorbant le rayonnement solairerayonnement solaire que la glace blanche renvoyait jusque-là dans l'espace.

    Tous ces phénomènes ont des effets cascades visibles dans le monde entier.

    Les effets de la chaleur hors norme de l’Atlantique

    Au début du mois de juin 2023, je me suis rendue pendant deux semaines au centre pour le climatclimat NORCE à Bergen, en Norvège, pour y rencontrer d'autres océanographes. Les courants chauds et les vents anormalement doux de l'est de l'Atlantique Nord rendaient anormalement chaude cette période de l'année, où l'on voit normalement des pluies abondantes deux jours sur trois.

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    L'ensemble du secteur agricole norvégien se prépare désormais à une sécheressesécheresse aussi grave que celle de 2018, où les rendements ont été inférieurs de 40 % par rapport à la normale. Notre train de Bergen à Oslo a eu un retard de deux heures car les freins d'un wagon avaient surchauffé et que les températures de 32 °C à l'approche de la capitale étaient trop élevées pour leur permettre de refroidir.

    De nombreux scientifiques ont émis des hypothèses sur les causes des températures anormalement élevées dans l'est de l'Atlantique Nord, et plusieurs études sont en cours.

    L'affaiblissement des vents a rendu particulièrement faible l'anticyclone des Açores, un système de haute pressionpression semi-permanent au-dessus de l'Atlantique qui influe sur les conditions météorologiques en Europe. De ce fait, il y avait moins de poussière du Sahara au-dessus de l'océan au printemps, aggravant ainsi potentiellement la quantité de rayonnement solaire sur l'eau. Autre facteur possible aggravant la chaleur des océans : la diminution des émissionsémissions d'origine humaine d'aérosols (particules finesparticules fines en suspension dans l'airair) en Europe et aux États-Unis au cours des dernières années. Si cette baisse a permis d'améliorer la qualité de l'air, elle s'accompagne d'une réduction - encore peu documentée - de l'effet de refroidissement de ces aérosols.

    Une mousson tardive en Asie du Sud

    Dans l'océan Indien, El Niño a tendance à provoquer un réchauffement de l'eau en avril et en mai, ce qui peut freiner la mousson indienne dont l'importance est cruciale pour diverses activités.

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    C'est sans doute ce qui s'est passé avec une moussonmousson beaucoup plus faible que la normale de la mi-mai à la mi-juin 2023. Ce phénomène risque de devenir un problème majeur pour une grande partie de l'Asie du Sud, où la plupart des cultures sont encore irriguées par les eaux de pluie et donc fortement dépendantes de la mousson d'été.

    L’Inde a connu des températures étouffantes en mai et juin 2023. © Shutterstock
    L’Inde a connu des températures étouffantes en mai et juin 2023. © Shutterstock

    L'océan Indien a également connu cette année un cyclonecyclone intense et lent dans la mer d'Omanmer d'Oman, ce qui a privé les terres d'humidité et de précipitationsprécipitations pendant des semaines. Des études suggèrent que lorsque les eaux se réchauffent, les tempêtestempêtes ralentissent, gagnent en force et attirent ainsi l'humidité en leur cœur. Une série d'effets qui, à terme, peut priver d'eau les massesmasses terrestres environnantes, et augmenter ainsi le risque de sécheresse, d'incendies de forêt comme de vagues de chaleur marines.

    En Amérique, la saison des ouragans en suspens

    Dans l'Atlantique, l'affaiblissement des alizésalizés dû à El Niño a tendance à freiner l'activité des ouragansouragans, mais les températures chaudes de l'Atlantique peuvent contrebalancer cela en donnant un coup de fouet à ces tempêtes. Il reste donc à voir si, en persistant ou non l'automneautomne, la chaleur océanique pourra l'emporter ou pas sur les effets d'El Niño.

    Les vagues de chaleur marine peuvent également avoir des répercussions considérables sur les écosystèmesécosystèmes marins, en blanchissant les récifs coralliensrécifs coralliens et en provoquant ainsi la mort ou le déplacement des espècesespèces entières qui y vivent. Or les poissonspoissons dépendant des écosystèmes coralliens nourrissent un milliard de personnes dans le monde.

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    C’est confirmé, le réchauffement climatique fait changer la couleur des océans

    Les récifs des îles Galápagos et ceux situés le long des côtes de la Colombie, du Panama et de l'ÉquateurÉquateur, par exemple, sont déjà menacés de blanchiment et de disparition par le phénomène El Niño de cette année. Sous d'autres latitudeslatitudes, en mer du Japon et en Méditerranée on constate également une perte de biodiversitébiodiversité au profit d'espèces invasivesespèces invasives (les médusesméduses géantes en Asie et les poissons-lionspoissons-lions en Méditerranée) qui peuvent prospérer dans des eaux plus chaudes.

    Ces types de risques augmentent

    Le printemps 2023 a été hors norme, avec plusieurs événements météorologiques chaotiques accompagnant la formation d'El Niño et des températures exceptionnellement chaudes dans de nombreuses eaux du monde. Ce type de phénomènes et le réchauffement global des océans comme de l'atmosphère s'autoalimentent.

    Pour diminuer ces risques, il faudrait mondialement réduire le réchauffement de base en limitant les émissions excessives de gaz à effet de serre, comme les combustiblescombustibles fossilesfossiles, et évoluer vers une planète neutre en carbonecarbone. Les populations devront également s'adapter à un climat qui se réchauffe et dans lequel les événements extrêmes sont plus probables, et apprendre à en atténuer l'impact.


    La surchauffe des océans est explosive : la Terre entre-t-elle dans une nouvelle ère climatique ?

    La température moyenne de surface des océans atteint un niveau record depuis la mi-janvier, et un niveau absolument invraisemblable depuis deux mois. Sachant que les océans régulent le climat, peut-on dire que la Terre entre dans une nouvelle ère climatique ?

    Article de Karine DurandKarine Durand, publié le 10 juillet 2023

    Des incendies géants au Canada, une canicule exceptionnelle en Sibérie, le mois de juin le plus chaud jamais enregistré, un record de chaleur pour la Planète plusieurs jours d'affilé en juillet... Parmi toutes ces nombreuses anomaliesanomalies chaudes enregistrées au cours de la première moitié de l'année, le signal le plus fort est sans aucun doute celui des océans.

    La majeure partie de la Planète est recouverte par les océans : cette masse d'eau absorbe 90 % du réchauffement provoqué par les gaz à effet de serre. La température moyenne de surface des océans s'est élevée jusqu'à 21,1 °C début avril, puis est redescendue jusqu'à 20,9 °C début juillet. En comparaison, la moyenne 1982-2011 tourne autour de 20,2 °C.

    Pour une masse océanique qui prend beaucoup de temps à réagir aux variations climatiques, un tel écart est immense. Il existe bien-entendu des variations régionales, avec des zones particulièrement inquiétantes. Le nord-est de l'Atlantique Nord est celle qui inquiète le plus les climatologuesclimatologues : sa vague de chaleur sous-marine est qualifiée d'extrême par Copernicus, et même localement de « au-delà d'extrême » : c'est le cas des eaux qui bordent l'Irlande, par exemple, ainsi que la zone de la mer Baltique.

    Il s'agit ici de records de température depuis le début des relevés, mais comme l'indique une étude publiée dans Nature Communications, il n'est pas sûr que les océans du passé très lointain aient été vraiment plus chauds que ceux d'aujourd'hui, contrairement à ce que les scientifiques pensaient avant.

    Une cause principale aggravée par d'autres facteurs plus classiques

    Pour arriver à un tel seuil, une seule cause ne suffit pas. Mais celle qui pèse le plus lourd dans la balance est sans aucun doute le réchauffement climatique provoqué en grande partie par le dioxyde de carbonedioxyde de carbone et le méthane. Cependant, de ce côté-là, le réchauffement des océans en 2023 arrive même à dépasser les prévisions les plus alarmistes du GiecGiec.

    D'autres facteurs ont joué un rôle, comme la diminution de certains polluants atmosphériques qui ont donné lieu à un ciel plus dégagé, permettant au soleilsoleil de davantage réchauffer l'eau. Les conditions météométéo, très anticycloniques, et donc trop calmes, n'ont pas permis de brasser la mer autour de l'Europe, amplifiant la chaleur.

    Mais cette année 2023 marque aussi le retour du phénomène climatique El Niño, un réchauffement naturel, qui intervient par phase, du Pacifique équatorial. Le problème est que ce phénomène classique est dorénavant renforcé par le réchauffement climatique. Et le réchauffement global des océans est aussi finalement accentué par cette phase El Niño présente en 2023. La probabilité d'un super El Niño est très forte à partir du mois d'août selon le Bureau de la Météorologie en Australie, et pourrait se prolonger jusqu'à la fin de l'année.

    Un bouleversement des océans durable entraînera de multiples changements climatiques

    Tout semble donc s'organiser pour donner lieu à un réchauffement des océans qui aurait été jugé comme inimaginable il y a une dizaine d'années. En plus d'absorber la chaleur, les océans sont des régulateurs du climat, mais ils sont aussi capables de le transformer. Voilà pourquoi un bouleversement dans les océans en provoquera un également dans les conditions météo, et si la tendance se poursuit sur le long terme, ce sont de nouveaux climats régionaux qui vont se mettre en place.

    Nous savons déjà qu'un phénomène aussi localisé qu'El Niño, sur une seule partie d'un océan, a des conséquences météo sur la plupart des continents (sauf en Europe, à priori). Il est donc évident que de multiples vagues de chaleur sous-marines, réparties aux quatre coins du globe, auront des effets sur les précipitations, la sécheresse, les températures, ou encore les oragesorages de beaucoup de pays. L'exemple le plus concret est celui des ouragans, qui se nourrissent de la chaleur de l'Atlantique Nord pour s'intensifier.  


    Les 3 raisons qui expliquent la surchauffe des océans

    Article de Karine Durand, publié le 16 juin 2023

    La chaleur record des océans qui dure depuis le printemps est liée à trois causes principales : si la première cause paraît évidente, le réchauffement climatique, les deux autres risquent de vous étonner.

    Plus qu'un simple pic, la surchauffe des océans n'est pas un phénomène nouveau : la température moyenne de surface des océans bat chaque année un nouveau record, mais cette fois-ci l'écart des températures par rapport à la moyenne a pris un véritable envol depuis le mois de mars, avant d'atteindre un pic incroyablement élevé le 1er avril : 21,1 °C. Comme toujours au cours du mois de mai et juin, la température moyenne redescend progressivement en raison de l'arrivée de l'hiverhiver dans l'hémisphère sudhémisphère sud. Elle atteignait 20,9 °C le 13 juin, une valeur toujours très au-dessus de la normale (20,2 °C) calculée sur la période 1982-2011. Le phénomène naturel El Niño (un réchauffement cyclique du Pacifique) a pu jouer un rôle dans cette hausse globale, celui-ci n'explique pas la majeure partie du pic actuel de chaleur.

    Le réchauffement climatique a franchi un nouveau palier en 2023

    Le réchauffement climatique lié aux émissions de gaz à effet de serre est la principale raison qui permet d'expliquer un pic de chaleur aussi élevé dans les océans. Ces derniers subissent de plein fouet les conséquences du réchauffement planétaire, car ils absorbent un quart des émissions de CO2, et 60 % du rayonnement solaire qui parvient sur Terre. Plus encore, les océans absorbent 90 % des excès de chaleur du système climatique. Selon le Giec, l'influence humaine est le principal facteur de l'augmentation de température des océans que l'on observe depuis les années 1970.

    Une absence de vent et de sable dans l'Atlantique

    Le rayonnement solaire a justement joué un rôle important lors de ce printemps 2023. Des conditions météo spécifiques ont permis à certains océans de se réchauffer plus que d'autres, et en particulier l'océan atlantique. L'orientation et la faible intensité des vents a notamment empêché les particules de sable du Sahara de former des nuages au-dessus de l'Atlantique. Moins de sablesable en suspension dans l'atmosphère entraîne forcément un ciel plus dégagé, et donc un océan plus chaud. Les alizés ont soufflé beaucoup moins forts sur l'Atlantique, comme l'explique le météorologue Guillaume Séchet  : « la houlehoule étant particulièrement faible du fait de l'absence d'alizés, la surface de l'océan s'apparente presque à un lac. Or, des eaux calmes réfléchissent beaucoup plus la lumièrelumière que des eaux houleuses ».

    La diminution de la pollution issue des cargos

    La pollution atmosphérique a nettement diminué depuis les années 1980, et en particulier au-dessus de l'océan atlantique. Les particules de pollution ont pour effet de bloquer une partie des rayons solaires qui arrivent sur Terre : une atmosphère très polluée au-dessus des océans a pour conséquence d'atténuer le réchauffement de ces masses d'eau. Grâce à la loi américaine Clean Air Act de 1970, le milieu des transports, comme l'aviation et les transports maritimes, entre autres, a été contraint de faire de gros efforts. Les cargos qui circulent dans les océans rejetaient auparavant de grandes quantités de dioxyde de souffre, ce qui n'est quasiment plus le cas dorénavant. Les transports maritimes ont ensuite dû s'adapter à de nouvelles restrictions en 2020, limitant encore plus leur pollution. Si les effets positifs sur l'environnement et la santé sont indiscutables, le problème est désormais l'association du réchauffement toujours plus intense avec un ciel plus dégagé : voilà pourquoi la hausse des températures de l'eau a fait un bond en l'espace de quelques dizaines d'années.


    Les océans n'ont jamais été aussi chauds !

    Article de Nathalie MayerNathalie Mayer, publié le 8 juin 2023

    Un record avait déjà été atteint au mois d'avril dernier et, en ce mois de mai, bis repetita. La température des océans du monde a encore grimpé.

    Le dernier rapport du Service européen Copernicus pour le changement climatique (C3S) vient de tomber. Même si l'Europe semble avoir été épargnée cette fois, le mois de mai qui vient de s'achever pointe à la deuxième place des mois de mai les plus chauds jamais enregistrés dans le monde. À seulement 0,1 °C du record. Mais c'est surtout la température des océans qui affiche un niveau jamais atteint jusqu'ici à cette période de l'année. Plus 0,25 °C par rapport aux moyennes de la période 1991-2020 !

    En avril dernier déjà, les températures à la surface de l'océan avaient atteint un record. Et rappelons que, sur ces 40 dernières années, la tendance est à une hausse de 0,6 °C. Une tendance qui devrait encore être amplifiée par l'émergenceémergence d'un signal El Niño du côté du Pacifique. Car le phénomène fait généralement grimper un peu plus encore les températures, aussi bien en mer que sur terre.

    Des records inquiétants

    Le record, soulignent les chercheurs, est valable non seulement pour les latitudes comprises entre 60° nord et 60° sud, mais aussi pour toutes les mers libres de glace du globe. Ils ajoutent qu'au-dessus de la mer, les températures ont également été supérieures à la moyenne. Un autre record pour un mois de mai. Même s'il est resté assez proche de celui précédemment établi en... mai 2020. La région de l'AntarctiqueAntarctique a particulièrement été touchée.

    Les conséquences attendues pourraient être lourdes. Des vagues de chaleur marines qui fragilisent la biodiversité et les écosystèmes. Ou encore une fonte accélérée des calottes glaciairescalottes glaciaires. Pour la troisième fois déjà en ce début d'année 2023, d'ailleurs, l'étendue de la banquise antarctique a atteint une valeur mensuelle record pour la période à 17 % en dessous de la moyenne.


    « Les océans sont en feu » : la température record en avril inquiète les chercheurs

    Les océans n'ont jamais été aussi chauds qu'en ce début avril 2023, et cette chaleur record s'inscrit dans une tendance durable qui inquiète les chercheurs. Cette anomalie de la température des océans est généralisée et aura des conséquences sur le climat terrestre des prochains mois.  

    Article de Karine Durand paru le 16/04/2023

    La température moyenne des océans n'a jamais été aussi élevée et cela surprend même les chercheurs qui avaient prévu le réchauffement climatique. © willyam, adobe stock
    La température moyenne des océans n'a jamais été aussi élevée et cela surprend même les chercheurs qui avaient prévu le réchauffement climatique. © willyam, adobe stock

    Depuis le 12 mars, la température moyenne de surface des océans du globe a atteint la barre symbolique des 21 °C, et a même réussi à s'élever jusqu'à 21,1 °C temporairement entre le 1er et le 6 avril. Du jamais-vu depuis les premiers relevés fiables qui datent de 1981.

    « À l'échelle du globe, on peut dire que l'océan est en feufeu quasiment partout », constate Alban Lazar,  chercheur au laboratoire Locean (IPSL) et maître de conférencesmaître de conférences à la Sorbonne Université. « Mais ce n'est pas une nouveauté, c'est une tendance qui se confirme d'année en année et ce réchauffement des mers et océans avait bien été prédit par tous les modèles de prévision climatique », précise le chercheur. Rappelons que, lors de l'été 2022, « la mer Méditerranée affichait déjà une anomalie de +6 °C ».

    En rouge, les zones où la température de l'océan est supérieure à la moyenne. En jaune, les zones où cette anomalie de chaleur est la plus forte, et en bleu, les zones où la température est inférieure à la moyenne. © Nullschool
    En rouge, les zones où la température de l'océan est supérieure à la moyenne. En jaune, les zones où cette anomalie de chaleur est la plus forte, et en bleu, les zones où la température est inférieure à la moyenne. © Nullschool

    Un record de chaleur dans l'Atlantique Nord alors qu'il devrait être à son niveau le plus froid

    Mais même si la hausse des températures des océans étaient bien prévue, un tel niveau de chaleur à la surface des océans reste complètement inédit, comme l'explique Juliette Mignot, océanographe, spécialiste des variations climatiques et également membre du laboratoire Locean : « La chaleur est généralisée dans les océans si on compare à la moyenne des 30 dernières années, le record d'avril n'est pas dû à une région particulière, même si on voit déjà un très fort réchauffement dans le Pacifique tropical est. La température de l'océan Atlantique Nord est aussi à un niveau record, alors qu'elle devrait être à son niveau le plus froid à cette période de l'année, après l'hiver ».

    Mais comment expliquer que toutes les courbes des dernières années atteignent leur pic, sans cesse dépassé, en mars-avril ? « C'est la fin de l'été dans l'hémisphère Sud et c'est la zone qui a la plus grande surface océanique. Ces océans ont eu tout l'été pour se réchauffer et cela explique que les océans soient chaque année relativement chauds en avril », précise Juliette Mignot.  

    En noir, tout en haut, la courbe de la température moyenne globale des océans 2023 ; en orange, celle de 2022. En pointillé, au milieu, la moyenne 1982-2011. © <em>Climate reanalyzer</em>
    En noir, tout en haut, la courbe de la température moyenne globale des océans 2023 ; en orange, celle de 2022. En pointillé, au milieu, la moyenne 1982-2011. © Climate reanalyzer

    Une chaleur anormale avant même l'arrivée du phénomène réchauffant El Niño

    Double inquiétude cette année, le réchauffement climatique qui continue de s'intensifier, mais en plus, le retour quasiment certain du phénomène climatique El Niño qui a un effet réchauffant sur le climat mondial : « La température moyenne est déjà au plus haut alors que l'on sort de l'hiver, donc si nous avons déjà un excédent de +0,2 °C, alors même que le phénomène El Niño n'est pas encore vraiment installé, on peut s'attendre à une très forte anomalie l'hiver prochain, peut-être +0,5 °C, ce qui serait énorme ».

    Le phénomène El Niño se caractérise par une anomalie chaude d'une partie du Pacifique (ici, en rouge) qui a ensuite un effet réchauffant sur le climat mondial. © Nasa
    Le phénomène El Niño se caractérise par une anomalie chaude d'une partie du Pacifique (ici, en rouge) qui a ensuite un effet réchauffant sur le climat mondial. © Nasa

    En avril 2022, à la même époque, les courbes montrent qu'une très forte anomalie chaude était déjà présente. Ce qui change cette année, et qui est probablement en partie responsable de ce nouveau record, « ce sont certainement les prémices d'El Niño qui se mettent en place » selon Juliette Mignot. Mais qu'il s'agisse d'une année El Niño ou bien d'une année La Niña (son homologue froid, avec un pouvoir refroidissant sur le climat), ces 20 dernières années, « aucune courbe ne se situe dans une anomalie froide ».  

    Cette chaleur historique des océans, liée au réchauffement climatique, aura des conséquences majeures, dans l'eau en perturbant évidemment tous les écosystèmes marins, mais aussi sur Terre comme le précise la chercheuse : « On perd le rôle tampon de l'océan dans le climat global : il fait office de tampon sur nos saisonssaisons, donc sans ce rôle qui atténue la chaleur ou le froid, on se dirige vers des saisons plus extrêmes. Jusqu'à maintenant, l'océan était plutôt un allié de l'Homme dans la lutte contre le réchauffement climatique. Mais se réchauffant trop, il perd ce rôle. En plus, il absorbe moins le gaz carbonique issu de nos activités ».