On croyait l’océan surexploité et ses ressources en voie d’épuisement. Il aurait pourtant la capacité de fournir six fois plus de nourriture qu’aujourd’hui avec une meilleure gestion des stocks de poisson et grâce à l’innovation dans le secteur de l’aquaculture, la production d’algues et de coquillages.


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    « L'océan possède un énorme potentiel inexploité pour nourrir le monde dans les décennies à venir, et cette ressource peut être exploitée avec une empreinte environnementale bien inférieure à celle des autres sources alimentaires », affirme Christopher Costello, l'auteur principal d'un nouveau rapport de l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAOFAO) intitulé Le futur de l’alimentation marine. La pêche assure actuellement un cinquième des protéinesprotéines animales consommées dans le monde, mais bien plus dans certains pays comme le Sri Lanka, où la moitié des protéines proviennent de la mer. En plus des protéines, le poisson, les algues et autres crustacés sont une source importante d'acidesacides omega-3, de vitaminesvitamines et minérauxminéraux essentiels contre la malnutrition.

    Une pêche plus durable et plus productive

    Malheureusement, les captures de pêche ont atteint un plateau et stagnent à environ 80 millions de tonnes par an depuis 30 ans. En raison de la surexploitation des stocks, la productivité de la pêche ne cesse de décliner : une récente étude a montré que les bateaux ramènent 80 % de poisson en moins qu'en 1950. Mais, selon les experts de la FAO, ce déclin n'est pas inexorable : il serait possible de capturer 20 % de poisson de plus qu'aujourd'hui en arrêtant la surpêche et en exploitant des ressources alternatives, comme le krillkrill ou les espècesespèces mésopélagiques.

    La pêche procure aujourd’hui la grande majorité de la nourriture issue de la mer. Mais il existe un énorme potentiel pour l’élevage d’algues et de mollusques. © <em>High Level Panel a Sustainable Ocean Economy</em>
    La pêche procure aujourd’hui la grande majorité de la nourriture issue de la mer. Mais il existe un énorme potentiel pour l’élevage d’algues et de mollusques. © High Level Panel a Sustainable Ocean Economy

    La moule, l'avenir de l’humanité ?

    Mais le principal gain potentiel de nourriture se situe ailleurs : l’aquaculture et plus spécialement la mariculture (élevage d'animaux et de végétaux marins dans l'océan ou les zones côtières). En plein boom ces dernières années, l'aquacultureaquaculture fournit désormais la moitié de la production halieutique mondiale. Hélas, la majeure partie de cette production est elle-même nourrie avec d’autres protéines animales, accroissant encore la pressionpression sur les ressources. Mais là encore, la FAO est optimiste.

    « La production d'algues marines ou de moules, qui ne dépendent pas d'intrantsintrants alimentaires supplémentaires, pourrait contribuer significativement à l'approvisionnement alimentaire mondial tout en améliorant la qualité de l'eau, en créant un habitat pour le poisson et en contribuant à l'entretien des côtes », notent les auteurs. À titre d'exemple, il serait possible de produire annuellement 768 millions de tonnes de bivalvesbivalves, contre à peine 15,3 millions aujourd'hui. De nouveaux aliments pourraient être mis au point, par exemple les insectes, pour nourrir les espèces carnivorescarnivores comme le saumonsaumon d'élevage, ou encore développer des plantes génétiquement modifiées plus nourrissantes.

    Les protéines issues de la mer émettent 20 fois moins de CO2 que la viande

    Selon la FAO, il faudra produire près de 500 millions de tonnes de viande pour couvrir les besoins de l'humanité en 2050. Or, le potentiel de la mer dépasse largement ce chiffre et pourrait fournir ces protéines à un coût environnemental bien moindre, soulignent les auteurs. Selon une étude de 2018, l'élevage de mollusquesmollusques et de petits poissons pélagiquespélagiques émet 20 fois moins de CO2 par gramme de protéine que la viande de bœuf ou le poisson d'élevage carnivore, et entraîne beaucoup moins de dégradations de l'environnement.

    Quelques limites sont toutefois à prévoir. Les végétaux sont par exemple beaucoup moins nutritifs que la viande : remplacer à peine 1 % de notre alimentation par des algues nécessiterait de multiplier leur production par 73, indique une étude de la Banque mondiale de 2016. De plus, la mariculture n'est pour l'instant pas rentable dans beaucoup de pays, et elle est soumise à de nombreux aléas : dégradation de l'habitat, infection par des parasites ou des bactériesbactéries, qualité et salinitésalinité de l'eau... Le réchauffement climatique risque également d'affecter la production.