Une étude parue dans la revue Terra Nova a permis de compléter la chronologie des événements tectoniques associés à la formation des Pyrénées. Elle met notamment en lumière une phase de compression relativement récente dans l’histoire géologique, suggérant que la formation de la chaîne de montagnes se serait terminée plus tard que ce que l’on pensait jusqu’à présent.


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    Lorsqu'une chaîne de montagnes commence sa surrection, les produits de l'érosion des reliefs en formation vont aller s'accumuler dans de grands bassins situés au front de la chaîne. Ce sont ce que l'on appelle les bassins d'avant-pays.

    Les sédiments, marqueurs de l’histoire tectonique d’une région

    Ces bassins se développent en même temps que l'orogèneorogène et les sédiments qui s'y déposent ont alors la capacité d’enregistrer toutes les phases de déformation que génère la collision des plaques tectoniques. On parle alors de dépôts syn-tectonique, en comparaison des dépôts pré-tectoniques (déposés avant la phase de déformation) ou post-tectoniques (déposés après la phase de déformation).

    Failles affectant la stratification régulière de roches sédimentaires, marqueur d’un événement tectonique. © Babak Hejrani, imaggeo.egu.eu
    Failles affectant la stratification régulière de roches sédimentaires, marqueur d’un événement tectonique. © Babak Hejrani, imaggeo.egu.eu

    C'est par ce biais que les chercheurs peuvent reconstruire la chronologie des événements qui ont mené à la formation des chaînes de montagnes, comme les Alpes ou les Pyrénées. Pour différentes raisons, il peut cependant arriver que les séries sédimentaires présentent une lacune de temps : durant une période donnée, les sédiments ne se sont pas déposés et les phases de déformation n'ont ainsi pas pu être enregistrées. Ces lacunes d'information engendrent ainsi une chronologie incomplète ou imprécise des événements tectoniques associés à la région étudiée. La connaissance détaillée de la chronologie des événements menant à la formation des chaînes de montagnes est pourtant fondamentale pour comprendre l'histoire du mouvementmouvement des plaques et l'évolution des contraintes auxquelles elles sont soumises.

    Dans ce contexte, une étude portée par Oriane Parizot, de l'Université de Paris-Saclay, s'est penchée sur l'évolution de la chaîne pyrénéenne.

    Formation des Pyrénées : une chronologie incomplète

    Les Pyrénées résultent de la convergence et de la collision des plaques Ibérie et Eurasie. Il est bien établi que le paroxysme de la déformation ayant donné naissance à la chaîne de montagnes a eu lieu durant l'Éocène, il y a environ 40 millions d'années. La fin de la convergence est quant à elle datée du début de l'Oligocène (33 Ma) ou du début du Miocène (20 Ma) en fonction des endroits. Au final, la collision continentale aurait ainsi provoqué un raccourcissement de la plaque ibérique d'environ 90 kilomètres, donnant naissance à la chaîne des Pyrénées.

    Paysage des Pyrénées. © thierry llansades, Flickr 
    Paysage des Pyrénées. © thierry llansades, Flickr 

    La chronologie de cette déformation est relativement bien contrainte de la fin du Crétacé jusqu'au début du Miocène, avec deux épisodes tectoniques majeurs : la compression pyrénéenne et l'ouverture plus récente du bassin liguro-provençal (partie nord-ouest de l'actuelle Méditerranée, de la fin de l'Oligocène au début du Miocène). Cependant, une lacune dans les dépôts post-Oligocène génère un trou dans la chronologie des événements les plus récents (inférieurs à 20 Ma), une période jusqu'à présent considérée comme calme d'un point de vue tectonique.

    Une phase de compression tardive jusqu’à présent non documentée

    Pour reconstruire la chronologie complète des événements tectoniques qui ont mené à la formation de cette chaîne de montagnes, les auteurs se sont ainsi intéressés à la mécanique de certaines failles et à leur datation. La datation de manière absolue de telles structures tectoniques est possible grâce à la méthode UraniumUranium-|967bb22dfb38f583745c63f9aa6e7ea7| (U-Pb). Cette technique de datation radiométrique, qui se base sur les rapports 207Pb/235U et 206Pb/238U, a été ici appliquée sur des échantillons de calcitecalcite, un minéralminéral déposé le long des plans de faillesfailles sous l'effet de la circulation des fluides lors du processus de fracturation. Le dépôt de calcite est donc concomitantconcomitant de l'événement tectonique et représente un marqueur temporel de la déformation.

    Exemple de stries de calcites sur un plan de faille. © Christian Nicollet
    Exemple de stries de calcites sur un plan de faille. © Christian Nicollet

    Les résultats, publiés dans la revue Terra Nova, mettent ainsi en évidence deux événements tectoniques distincts dans le bassin d'avant-pays situé au nord des Pyrénées. Le premier, déjà connu, est daté de 49 à 28 Ma et comporte le paroxysme orogénique. Le second est bien plus récent et atteste d'un épisode de déformation au cours du Miocène (16 Ma), avec la survenue d'un nouvel épisode compressif. Ce dernier événement n'avait jusque-là été observé que du côté espagnol des Pyrénées, dans le bassin d'avant-pays au sud de la chaîne de montagnes.

    Son observation dans les séries au nord de la chaîne redéfinit l'enchaînement des événements tectoniques qui ont mené à la formation des Pyrénées. Les résultats suggèrent que cet événement tectonique aurait impliqué toute la chaîne pyrénéenne. Il serait une conséquence directe du fort couplage entre les plaques africaine, ibérique et européenne durant cette période et de la géodynamique complexe de la région méditerranéenne.

    Les résultats de cette étude suggèrent que les Pyrénées auraient ainsi continué à se déformer jusqu'à très récemment (16 Ma).