Des signaux montrent que La Niña pourrait se prolonger en 2023, pour la troisième année consécutive : cela pourrait être l'un des plus longs La Niña observés, une catastrophe pour certains pays.


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    Le phénomène climatique La NiñaLa Niña influence directement la météo d'une partie du monde. Il s'agit d'un refroidissement des eaux d'une partie de l'océan Pacifique qui a un impact sur les températures et les précipitations des États-Unis, de l'Amérique du Sud, d'Australie, ou encore d'une partie de l'Asie.

    Le phénomène persiste depuis 2021, avec une intensité particulièrement forte et ses conséquences ont été dramatiques pour plusieurs régions du monde en 2022 : accentuation de la sécheresse déjà historique sur l'ouest américain et sur la Corne de l'Afrique, vague de chaleur en plein hiver sur le sud-est des États-Unis, saison des ouragans très active dans l'Atlantique, précipitations diluviennes et inondations catastrophiques sur l'est de l'Australie, canicule durable sur l'Inde et le Pakistan au printemps dernier...

    Couplé au réchauffement climatique, les effets de La Niña sont démultipliés. En Europe, en revanche, l'effet de La Niña n'a jamais été démontré à ce jour et il est, jusqu'à preuve du contraire, inexistant. Les phénomènes El NiñoEl Niño et La Niña sont des facteurs déterminants du système climatique de la Terre, même si ce ne sont pas les seuls. Les prévisions climatiques de l'Organisation météorologique mondiale (OMM) visent à aider les gouvernements, les Nations unies, les décideurs et les acteurs de secteurs sensibles au climat à se préparer (agriculture et infrastructures), ainsi qu'à protéger les vies des citoyens.

    En bleu, l'anomalie froide de température de l'océan Pacifique, preuve d'un phénomène La Niña encore puissant en mai dernier. © WMO
    En bleu, l'anomalie froide de température de l'océan Pacifique, preuve d'un phénomène La Niña encore puissant en mai dernier. © WMO

    Un « triple La Niña » de plus en plus probable

    La Niña apparaît par phase d'une à deux années, en alternance avec son homologue chaud El Niño (qui a d'autres conséquences). Alors que La Niña a plusieurs fois subi des baisses d'intensité depuis septembre 2020, avant de remonter en flèche (notamment au printemps dernier), les météorologuesmétéorologues et climatologuesclimatologues s'attendaient à la voir s'effacer progressivement, soit au cours de l'été, soit au cours de l'automne.

    Cependant, dans un communiqué datant du 10 juin, l'Organisation mondiale de la MétéorologieMétéorologie (OMM) annonce qu'il y a désormais 70 % de chances que La Niña se prolonge après le mois d'août. Plus encore, les prévisions à longue échéance indiquent même que l'épisode pourrait persister jusqu'en 2023, voire même se renforcer au cours de l'hiverhiver. Si cela se vérifie, il s'agirait du troisième « triple La Niña » (trois hivers consécutifs de l'hémisphère Nordhémisphère Nord sous le régime La Niña) depuis 1950, selon l'OMM. Ces prévisions pour 2023 demanderont à être confirmées à la fin de l'été prochain, mais le spectrespectre d'un « triple La Niña » apparaît de plus en plus probable.

    Après La Niña, un « super El Niño » ?

    Rappelons que La Niña a tendance à provoquer un léger refroidissement du climatclimat mondial : on peut donc penser que la hausse des températures, bien que déjà inquiétante, a pu être limitée par le phénomène. Certains climatologues pensent qu'après un épisode puissant et durable de La Niña, nous risquons d'assister à un « super El Niño » courant 2023/2024, un réchauffement des eaux du Pacifique qui, de son côté, aurait la capacité de nettement aggraver le réchauffement climatique en cours. Si cela se confirmait, car ce n'est qu'une hypothèse, la hausse mondiale des températures pourrait être décuplée avec des effets particulièrement graves pour plusieurs régions du monde.


    Climat : La Niña se transforme en invité indésirable

    Article de Karine DurandKarine Durand, écrit le 1er juin 2022

    La persistance du phénomène climatique La Niña depuis deux ans est un sujet d'inquiétude aux États-Unis, en Australie et sur une partie de l'Asie. Responsable de sécheressessécheresses sans fin et de précipitations diluviennes, La Niña semble ne plus vouloir s'arrêter.

    Le phénomène La Niña persiste depuis 2 ans et influence les conditions météo d'une partie du monde : la méga-sécheresse de l'ouest américain, les pluies historiques sur l'Australie, le nombre record d’ouragans dans l'Atlantique en 2020, ou encore la canicule historique en Inde. La Niña est un phénomène naturel qui se produit par phase d'un ou deux ans, et qui se caractérise par un refroidissement d'une partie des eaux du Pacifique.

    La Niña semble ne plus vouloir partir 

    Alors que les scientifiques de l'atmosphèreatmosphère envisageaient il y a quelques mois le retour de son homologue chaud El Niño courant 2022, rien n'est moins sûr à l'heure actuelle. La Niña va persister tout au long de l'été et la NOAANOAA estime ensuite à une chance sur deux la probabilité que La Niña subsiste au cours de l'automne, voire après. Si La Niña persistait pour la troisième année consécutive, l'événement deviendrait alors remarquable au niveau climatique : cela s'est déjà produit dans le passé, mais reste très rare. La Niña s'est produite 28 % du temps entre 1950 et 1999, les autres 72 % du temps étaient occupés par El Niño.

    Tous les modèles de prévision climatique estimaient qu’El Niño allait devenir de plus en plus fréquent en raison du changement climatique

    Cependant, le phénomène La Niña semble devenir de plus en plus fréquent : depuis 2000, il s'est produit quasiment la moitié du temps. Un constat étonnant car tous les modèles de prévision climatique estimaient qu'El Niño, un réchauffement des eaux du Pacifique, allait devenir de plus en plus fréquent en raison du changement climatique.

    Selon la NOAA, la période des 20 à 25 dernières années n'est cependant pas assez longue pour en tirer des conclusions sur une tendance : la récurrence de La Niña pourrait être due au hasard, ou bien être liée au réchauffement climatique d'une manière que les scientifiques ne comprennent pas encore. La récurrence du phénomène pourrait aussi être liée à l'oscillation décennale du Pacifique (PDO) : il s'agit d'une variation de la température de surface de la mer dans le Pacifique qui se produit par cycles de plusieurs dizaines d'années (20 à 30 ans). Cette variation influence les grands systèmes météorologiques.

    Le refroidissement du Pacifique était encore marqué en mai dernier, (en bleu) signe de de La Niña. © NOAA
    Le refroidissement du Pacifique était encore marqué en mai dernier, (en bleu) signe de de La Niña. © NOAA

    Des conséquences désastreuses pour certains pays

    La Niña est plus coûteuse qu'El Niño pour les USA et l'Australie : les sécheresses et feux de forêt dans l'ouest américain coûtent par exemple deux fois plus avec La Niña que lors d'une année El Niño. En général, lorsque le phénomène persiste deux années de suite, la deuxième année est plus faible car le système s'affaiblit. Mais La Niña s'est soudainement renforcée à l'automne 2021 après une baisse de forme lors du printemps. Elle a ensuite connu une intensité record (liée aux températures relevées dans l'océan) entre l'hiver et le début du printemps : au moment où les réservoirs d'eau américains auraient dû être rechargés par les pluies, la sécheresse s'est accentuée. Les épisodes de sécheresse récurrents de l'ouest des USA correspondent d'ailleurs aux 22 dernières années marquées par le retour incessant de La Niña.

    En rouge et rouge foncé, tout l'ouest américain en état de sécheresse extrême en mai dernier. © <em>U.S. Drought Monitor</em>
    En rouge et rouge foncé, tout l'ouest américain en état de sécheresse extrême en mai dernier. © U.S. Drought Monitor

    Un puissant La Niña probablement aidé par le changement climatique

    Selon Park Williams, hydrologue pour l'Université de Californie, La Niña est le premier phénomène qui influence le climat américain : « La persistance de La Niña est sûrement le facteur principal de la sécheresse historique aux USA [mais] si La Niña pourrait facilement être responsable de la pire sécheresse depuis 300 ans, pour ce qui est de la pire sécheresse depuis 1.200 ans que nous connaissons actuellement, La Niña a clairement été aidée par le changement climatique ». Comme souvent dans le climat, c'est la concomitance de plusieurs facteurs qui permet d'expliquer un phénomène. Mais, à l'heure actuelle, le phénomène La Niña semble parti pour résister encore au moins les six prochains mois.