Depuis la mi-janvier, la température moyenne à la surface des océans bat tous les records. Dans le même temps, un phénomène tout à fait naturel se met actuellement en place dans l'océan Pacifique : El Niño, un réchauffement des eaux du Pacifique qui risque d'être plus fort en raison des températures anormales dans les océans.


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    Le fait que la température globale des océans s'élève chaque année un peu plus haut n'a rien de nouveau, mais l'écart entre la normale et les valeurs de 2023 est inédit. La hausse s'est largement accentuée début avril, jusqu'à dépasser les 21 °C. En cette mi-mai, la température a légèrement baissé, jusqu'à 20,9 °C, un niveau qui reste exceptionnel. Cette eau surchauffée à la surface des océans est directement liée au réchauffement climatiqueréchauffement climatique provoqué par les émissionsémissions de gaz à effet de serre.

    Les prémices d'El Niño sont déjà très importants pour un mois de mai

    Cependant, un autre phénomène de réchauffement, naturel et cyclique, se met en place actuellement dans une zone précise du Pacifique : El NiñoEl Niño, dont la dernière phase remonte à 2019, sera de retour entre l'été prochain et l'automne. Celui-ci se manifeste par une température de l'eau du Pacifique équatorial de +0,8 °C par rapport à la normale. Ces derniers jours, la température de cette zone de l'océan atteignait déjà +0,6 °C. Ce chiffre élevé témoigne de la mise en place d'un El Niño potentiellement fort, voire même un « super El Niño ».

    La courbe la plus haute, en noir, montre l'évolution de la température de surface des océans, comparée aux années précédentes. © climatereanalyzer.org
    La courbe la plus haute, en noir, montre l'évolution de la température de surface des océans, comparée aux années précédentes. © climatereanalyzer.org

    En comparaison, la plupart des autres années marquées par le début du phénomène présentaient à la même époque une anomalieanomalie chaude de +0,2 à 0,5 °C. Un fort El Niño se produit lorsque la température est de +1,8 °C comparée à la normale, et un « super El Niño » se caractérise par une température de +2 °C minimum par rapport à la normale. Les modèles météométéo montrent que la configuration de l'atmosphère sera favorable à un réchauffement encore plus fort des eaux du Pacifique au cours du mois de juin.

    Une étude publiée dans Nature Communications en novembre 2022 démontre d'ailleurs que le réchauffement climatique des océans aura un impact significatif sur l'oscillation climatique El Niño/La Niña d'ici 2030, en les rendant plus extrêmes.

    Un fort El Niño est fortement probable, mais ce n'est pas automatique

    El Niño et le réchauffement climatique sont deux phénomènes bien distincts, qui s'additionnent. Une eau déjà anormalement chaude, comme c'est le cas actuellement, amplifie le phénomène naturel El Niño. Dans ce contexte de surchauffe générale des eaux des océans, la hausse des températures du Pacifique peut donc être amplifiée. Le risque d'un « super El Niño » est donc à prendre très au sérieux pour les prochains mois.

    Cependant, ces prévisions sont à nuancer avec l'expérience des dernières années : le comportement des deux phases El Niño et La NiñaLa Niña  a souvent défié les prévisions des plus grands organismes météo. Le dernier El Niño, en 2019, avait été plutôt faible malgré l'effet déjà très fort du réchauffement climatique sur les océans. Cet événement a ensuite été suivi d'un triple La Niña (un refroidissement du Pacifique équatorial) à la duréedurée exceptionnelle. Le réchauffement climatique joue donc un rôle aggravant concernant l'apparition d'El Niño, ainsi que son intensité, cependant d'autres paramètres météo sont à prendre en compte, comme l'orientation des ventsvents, favorables ou non, à la hausse des températures du Pacifique. Mais, dans ce contexte extrêmement chaud des océans, la survenue d'un un fort El Niño n'aurait finalement rien d'étonnant.


    Un « super El Niño » va-t-il bouleverser le climat cette année ?

    Article de Karine DurandKarine Durand, publié le 16 avril 2023

    Le retour du phénomène climatique El Niño se confirme de plus en plus pour cet été. Il y a désormais presque 90 % de chances qu'il se produise à l'automneautomne ! Certains modèles climatiques prévoient même un « super El Niño » d'ici fin 2023, un événement qui aurait pour conséquence de bouleverser le climatclimat mondial.

    Il n'y a désormais quasiment plus aucun doute, le phénomène El Niño sera de retour ces prochains mois. Rappelons que ce phénomène climatique, qui influence la météo d'une partie du monde au cours des mois suivants, se caractérise par une température plus élevée sur une zone précise de l'océan Pacifique. Après un triple La Niña, son homologue froid -- qui a sans doute permis d'atténuer un peu le réchauffement climatique ces dernières années --,  El Niño aura un effet réchauffant.

    Dans son communiqué du 13 avril, la NOAANOAA a émis une  « vigilance El Niño , signifiant que toutes les conditions sont actuellement favorables au développement du phénomène ces prochains mois : l'organisme américain estime à 62 %, les probabilités pour que El Niño se développe entre mai et juin, à 82 % entre août et octobre et près de 90 % à l'automne ! L'océan Pacifique équatorial montre en effet des signes de réchauffement important en ce début avril, qui résultent d'un changement d'orientation des vents.

    En plus de son effet réchauffant sur le climat mondial, El Niño a des conséquences régionales très fortes, certaines négatives, d'autres positives : de fortes précipitationsprécipitations en Amérique Centrale, en Californie et au sud-est des États-Unis, de la sécheressesécheresse en Amérique du Sud, ainsi qu'en Australie avec le retour des méga-feux, une moussonmousson atténuée ou décalée en Inde, moins de cyclones dans l'Atlantique, mais aussi, une multiplication de certains virus comme le choléracholéra ou la denguedengue.

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    Vers un « super El Niño » ces prochains mois ?

    À l'heure actuelle, la NOAA estime qu'il y a 4 chances sur 10 pour qu'un « fort El Niño » se mette en place, et à seulement 1 chance sur 10 pour qu'aucun El Niño ne voie le jour en 2023. Mais ces prévisions seront revues, et précisées, lors du prochain point sur la question le 11 mai.

    De manière moins officielle, plusieurs modèles météo qui effectuent des prévisions à long terme entrevoient déjà le spectrespectre d'un « super El Niño », un phénomène qui ne se produit que tous les 10 à 15 ans. Un El Niño classique se caractérise par une température du Pacifique équatorial de +0,8 °C par rapport à la normale, et un super El Niño par une température de minimum +2 °C par rapport à la normale. Ce seuil est déjà prévu par certains modèles météo au cours du mois d'octobre prochain, mais des prévisions aussi lointaines sont à considérer avec prudence.

    Le dernier événement extrême du même type s'est produit en 2016 et a donné lieu à l'année la plus chaude jamais enregistrée. L'effet d'El Niño s'additionne à celui du réchauffement climatique, voilà pourquoi l'année 2023 et peut-être 2024 en raison du temps de réaction du climat, pourraient se positionner comme les nouvelles années les plus chaudes jamais enregistrées sur Terre.

    Le retour d'un super El Niño, moins de 10 ans après celui de l'année 2016, serait particulièrement exceptionnel.    


    Un nouveau phénomène El Niño est en train de naitre sous nos yeux dans le Pacifique

    Article écrit le 2 mars 2023, par Karine Durand

    Après trois années marquées par le phénomène refroidissant La Niña, le retour de son homologue chaud El Niño se confirme de plus en plus. Un changement d'orientation des vents va se mettre en place dans le Pacifique et celui-ci va avoir un impact sur la température de l'eau, et par la suite, sur le climat mondial.

    Ce phénomène climatique, qui influence la météo d'une partie du monde au cours des mois suivants, se caractérise par une température plus élevée sur une zone précise de l'océan Pacifique. Mais le point de démarrage premier du mécanisme est un changement dans l'orientation des vents. Et les modèles de prévision météo indiquent justement l'arrivée de vents d'ouest puissants au cours des deux prochaines semaines : ce renversement de situation météo semble s'apparenter à la naissance d'un El Niño 2023.

    Plus d'une chance sur deux de retrouver El Niño cet été

    Ce mercredi 1er mars, l'Organisation météorologique mondiale a justement publié un communiqué sur la probabilité du phénomène au cours des prochains mois. La Niña va faiblir en mars, laissant place à une phase neutre entre mars et mai, dont la probabilité est estimée à 90 %. L'arrivée d'El Niño en avril n'est probable qu'à 15 %, puis celle-ci monte à 35 % en mai, et à 55 % entre juin et août.

    La hausse des températures de l'eau entre mai et juillet, caractéristique d'El Niño, est visible sur la bande orange et rouge dans le Pacifique à l'ouest de l'Amérique du Sud. © modèle météo ECMWF 
    La hausse des températures de l'eau entre mai et juillet, caractéristique d'El Niño, est visible sur la bande orange et rouge dans le Pacifique à l'ouest de l'Amérique du Sud. © modèle météo ECMWF 

    Malgré le réchauffement climatique, La Niña a contribué à limiter la hausse des températures ces trois dernières années. Le retour d'El Niño sera synonyme d'une accentuation du réchauffement planétaire. Rappelons que l'année 2016, la plus chaude enregistrée à ce jour, était justement une année El Niño dont les effets avaient été décuplés par le changement climatique.