Parce que les ouragans sont alimentés par l’humidité des océans, ils perdent traditionnellement en puissance assez rapidement après avoir touché terre. Mais avec le réchauffement climatique, la donne pourrait changer, nous préviennent aujourd’hui des chercheurs. À l’avenir, des populations jusqu’alors protégées pourraient être durement touchées.


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    Elle se préparait tranquillement dans le nord-est de l'océan Atlantique. Ce lundi 9 novembre, elle avait pris suffisamment d'ampleur pour que les autorités décident de lui donner un nom. Thêta est ainsi devenu le 29e ouragan nommé de la saison cyclonique 2020 dans l’Atlantique nord. Un record après les 28 enregistrés au cours de la saison 2005.

    Un record en nombre, mais pas en violence. Seulement cinq de ces 29 phénomènes ont acquis le statut d'ouragans majeurs. Avec des vents dépassant 178 km/h. Finalement, seuls Laura et Êta ont touché terre au sommet de leur intensité, en tant que tempête de catégorie 4. Pourtant, des chercheurs de l’Institut des sciences et des technologies d’Okinawa (Japon) affirment aujourd'hui qu'avec le réchauffement climatiqueréchauffement climatique, nous devons nous préparer à des ouragans qui, après avoir touché terre, resteront plus puissants, plus longtemps.

    De nombreuses études avaient déjà montré une intensification des ouragans au-dessus de l'océan en réponse au changement climatique. Toutefois, c'est la première fois que des travaux portent spécifiquement sur les ouragans qui touchent terre. À l'avenir, ce ne sont donc désormais plus seulement les populations côtières qui devront s'organiser pour faire face à ce type d'événements extrêmes, mais également les communautés situées plus à l'intérieur des terres. « Si nous ne parvenons pas à limiter le réchauffement climatique, les ouragans causeront de plus en plus de dommages et coûteront de plus en plus de vies », prévient Pinaki Chakraborty, chercheur à l'Institut des sciences et des technologies d'Okinawa, dans un communiqué.

    Le graphique de gauche montre qu’en moyenne, les ouragans s’affaiblissent aujourd’hui plus lentement que les ouragans d’il y a 50 ans. Avec le résultat observé sur le graphique de droite que les ouragans pénètrent plus loin dans les terres, avec des intensités plus élevées. © Institut des sciences et des technologies d’Okinawa
    Le graphique de gauche montre qu’en moyenne, les ouragans s’affaiblissent aujourd’hui plus lentement que les ouragans d’il y a 50 ans. Avec le résultat observé sur le graphique de droite que les ouragans pénètrent plus loin dans les terres, avec des intensités plus élevées. © Institut des sciences et des technologies d’Okinawa

    Une question de température et d’humidité

    Les chercheurs ont analysé les ouragans de l'Atlantique nord qui ont touché terre entre 1967 et 2018. Pour constater qu'alors que les ouragans s'affaiblissaient de 75 % le premier jour après leur atterrissage il y a 50 ans, ils ne faiblissent désormais plus que de 50 % dans le même temps. Des ouragans donc deux fois plus intenses et qui durent deux fois plus longtemps. Selon une loi qui semble suivre les variations de la température de la surface de la mer.

    L’humidité absorbée à la surface de l’océan intensifie et soutient la puissance destructrice d’un ouragan.

    Des simulations informatiquessimulations informatiques le confirment. Plus que de la vitessevitesse initiale des vents, le phénomène résulterait donc d'océans qui se réchauffent et transportent plus d'humidité. « Les ouragans sont des moteurs thermiquesmoteurs thermiques, tout comme les moteurs des voituresvoitures. Dans les moteurs de voiture, le carburant est brûlé et cette énergie thermiqueénergie thermique est convertie en travail mécanique. Pour les ouragans, l'humidité absorbée à la surface de l'océan est le "carburant" qui intensifie et soutient la puissance destructrice d'un ouragan, l'énergie thermique de l'humidité étant convertie en vents puissants », explique LinLin Li, auteur principal de l'étude, dans le communiqué de l'Institut des sciences et des technologies d'Okinawa.

    Les chercheurs précisent le rôle dans ce phénomène de ce qu'ils nomment « l'humidité stockée » par les ouragans. Cette humidité qu'ils transportent et qui s'épuise lentement après qu'ils ont touché terre et n'ont donc plus accès à un approvisionnement en eau. Selon les chercheurs, les ouragans qui se développent sur des océans plus chauds peuvent absorber et stocker plus d'humidité, ce qui les empêche de s'affaiblir aussi rapidement. Et cette humidité stockée rend aussi les ouragans plus pluvieux.

    Mais ces résultats devront être confirmés par d'autres études. Car ils restent à ce jour en désaccord avec la théorie existante sur les mécanismes d'affaiblissement des ouragans.


    Les ouragans et les typhons deviennent de plus en plus puissants

    Le cyclone Amphan a vu le jour le week-end dernier. Il a atteint l'équivalent catégorie 5 sur l'échelle Saffir-Simpson, faisant de lui le cyclone tropicalcyclone tropical le plus intense dans le nord de l'océan Indien -- avec Gonu en 2007 -- depuis le début des relevés en 1972. Pas étonnant, commentent des chercheurs qui notent que les ouragans et les typhons sont de plus en plus puissants depuis les années 1980.

    Article de Nathalie MayerNathalie Mayer paru le 24/05/2020

    En 2017, l’ouragan Irma a atteint la catégorie 5 sur l’échelle Saffir-Simpson. Il a dévasté les Caraïbes avant de toucher la Floride. Ici, vu par le <em>Geostationary Operational Environmental Satellite</em>. © Université du Wisconsin
    En 2017, l’ouragan Irma a atteint la catégorie 5 sur l’échelle Saffir-Simpson. Il a dévasté les Caraïbes avant de toucher la Floride. Ici, vu par le Geostationary Operational Environmental Satellite. © Université du Wisconsin

    Typhon, ouragan ou encore cyclone. Ces trois termes décrivent une même réalité qui se joue simplement en des endroits différents du globe : Pacifique nord-ouest pour le premier, Atlantique nord et Pacifique nord-est pour le deuxième et océan Indien et Pacifique sud pour le troisième. Et selon des chercheurs de l’université du Wisconsin (États-Unis), dans presque toutes les régions du monde où se forment ce type de phénomènes météorologiques, ils sont devenus plus puissants ces 40 dernières années.

    « Cette étude [basée sur des images satellites, ndlr] est en accord avec ce que nous attendons dans un monde qui se réchauffe », commente le chercheur James Kossin dans un communiqué. Les modèles climatiquesmodèles climatiques prévoient en effet une augmentation de l'intensité -- mais pas nécessairement de la fréquence -- des ouragans avec le réchauffement climatique, la hausse des températures de surface de la mer et le changement des conditions atmosphériques.

    Les chercheurs remarquent que leur étude ne permet pas de distinguer réellement les possibles causes naturelles des causes humaines d’une telle augmentation d’intensité des ouragans et des typhons. La tendance est sans doute une combinaison des deux. Mais il apparaît certain que le réchauffement climatique a pour effet de rendre ce type de phénomènes plus puissants. Ici, l’ouragan Dorian, premier ouragan majeur de la saison 2019, vu de la Station spatiale internationale. © Nick Hague, Nasa
    Les chercheurs remarquent que leur étude ne permet pas de distinguer réellement les possibles causes naturelles des causes humaines d’une telle augmentation d’intensité des ouragans et des typhons. La tendance est sans doute une combinaison des deux. Mais il apparaît certain que le réchauffement climatique a pour effet de rendre ce type de phénomènes plus puissants. Ici, l’ouragan Dorian, premier ouragan majeur de la saison 2019, vu de la Station spatiale internationale. © Nick Hague, Nasa

    Des ouragans et des typhons plus dangereux

    Les chercheurs estiment que la probabilité pour qu'un ouragan évolue en ouragan majeur -- de catégorie 3 ou plus sur l'échelle Saffir-Simpson avec des vents de plus de 180 km/h -- a augmenté de 8 % à chaque décennie. Une mauvaise nouvelle lorsque l'on sait que les dégâts causés par ce type d'événement explosent avec leur intensité. Et que le réchauffement climatique semble aussi les faire évoluer plus rapidement et les accompagner de plus de pluie.

    La région du Golfe du Bengale est l'une des rares où les chercheurs de l'université du Wisconsin n'ont pas relevé d'augmentation de l'intensité de ce type de phénomènes météorologiques ces 40 dernières années. Peut-être par manque de données fiables... Pourtant, les températures de la mer y sont actuellement bien supérieures à la normale. De quoi alimenter le super cyclone Amphan dont les vents ont atteint ce lundi 18 mai 2020 les 270 km/h.


    Des ouragans de plus en plus puissants

    Un nouveau travail de modélisationmodélisation informatique, mené par Thomas Knutson de l'Université de Princeton (New jersey), fait le lien entre le réchauffement climatique et l'intensité des ouragans à venir.

    Article de France-science paru le 17/10/2004

    L'ouragan Georges, le 22 septembre 1998.
    L'ouragan Georges, le 22 septembre 1998.

    Bien entendu, cette étude n'est pas la première à prévoir ce genre de conséquence en cas d'augmentation des gaz à effet de serregaz à effet de serre dans l'atmosphèreatmosphère. Néanmoins, ces derniers résultats, publiés dans le Journal of Climate, reposent sur différents modèles d'évolution du climatclimat élaborés dans des laboratoires du monde entier. Et quelles que soient les théories adoptées, les 1300 simulations ont révélé la même tendance de fond : des ouragans de plus en plus puissants.

    En 2080, les océans devenus plus chauds généreront ainsi des phénomènes climatiques encore jamais enregistrés, avec des vents violents et des précipitationsprécipitations importantes. Si les risques de tempêtes tropicalestempêtes tropicales particulièrement destructrices sont plus élevés, les données ne peuvent cependant pas prédire si leur fréquence va croître ou diminuer, car de très nombreux paramètres interviennent.

    Il faudra encore du temps avant que les climatologuesclimatologues aboutissent à des prévisions plus précises.