La canicule en cours est la plus précoce jamais enregistrée, et le niveau des températures qui sera atteint en fin de semaine est exceptionnel. Quel lien avec le réchauffement climatique ? Décryptage.


au sommaire


    Quasiment toutes les régions de France connaîtront des températures supérieures à 30 °C cette semaine, avec des pics à 35 °C au nord, et 40 °C, voire plus, au sud. La France semble de plus en plus touchée par des vagues de chaleurschaleurs précoces : juin 2017, juin 2019, puis juin 2022.

    Pour Alain Mazaud, chercheur émérite au Laboratoire des Sciences du Climat et de l'Environnement (LSCE), « ces événements deviennent effectivement plus précoces et surtout plus intenses. Comme avec le réchauffement climatique, la saison estivale s'étale davantage dans l'année, on peut considérer qu'il y a plus de vagues de chaleur, car les conditions favorables à la chaleur sont présentes plus longtemps ».

    Les saisons météorologiques ne sont pas décalées, elles sont en fait allongées, et il arrive certaines années que la période estivale dure bien plus longtemps que 3 mois : « Le printemps météorologique démarre plus tôt, puis l'été aussi car, avec le réchauffement, les masses d'air chaud arrivent plus tôt. L'automneautomne dure également plus longtemps et l'hiverhiver est plus réduit, avec moins de gelées et des coups de froid moins intenses. »

    Le réchauffement donne l'énergie à l'air chaud tropical pour remonter

    Si le mécanisme météométéo de la pompe à chaleurpompe à chaleur est bien connu, avec la présence d'une dépression qui fait remonter de l'air chaud du Maghreb vers la France, le mécanisme climatique qui provoque cela semble aussi de plus en plus clair : « Avec le réchauffement global, l'air qui remonte est déjà plus chaud à la base et arrive en plus grande quantité. Cet air sec est issu de la cellule de Hadley. Globalement, à l'équateuréquateur, l'air chaud monte. Il y a alors condensationcondensation et précipitationsprécipitations, ce qui dégage de la chaleur supplémentaire qui renforce cette ascension. Cet air devenu sec redescend au niveau des tropiquestropiques et c'est celui qui nous arrive. Comme la colonne montante au niveau de l'équateur est plus chaude, il contient plus d'humidité et donc plus d'énergieénergie de condensation, donc le moteur est plus puissant. Au final, la cellule de Hadleycellule de Hadley a tendance à grossir et davantage d'air chaud peut atteindre nos latitudeslatitudes".

    Un schéma de la circulation atmosphérique sur le globe, avec la cellule de Hadley. © pinpin, Wikipedia
    Un schéma de la circulation atmosphérique sur le globe, avec la cellule de Hadley. © pinpin, Wikipedia

    Un processus de désertification dans le sud-est

    Le système climatique remonte en latitude et les conséquences concrètes sur la végétation sont déjà visibles, comme le précise le chercheur : « La végétation typique du sud remonte de quelques kilomètres par an. On fait pousser des vignes à de plus hautes latitudes qu'avant ». La situation est particulièrement inquiétante pour le sud-est de la France, en proie à une sécheressesécheresse durable : « Les modèles de prévision climatique sont presque tous d'accord pour dire que le sud-est sera de plus en plus chaud et sec. En Espagne et sur le pourtour méditerranéen, c'est donc un vrai processus de désertificationdésertification qui risque de se mettre en place, avec les problèmes que cela va poser pour les ressources en eau. »

    Le sud-est de la France est dans un processus qui s'apparente à de la désertification. © Dusan Kostic, Adobe Stock
    Le sud-est de la France est dans un processus qui s'apparente à de la désertification. © Dusan Kostic, Adobe Stock

    Si rien n'est fait, les 50 °C seront envisageables en France dans le futur

    Alors que le record absolu de chaleur en France a été battu lors de la caniculecanicule précoce de 2019 (46 °C à Verargues dans l'Hérault le 28 juin 2019), peut-on imaginer un jour atteindre la valeur extrême de 50 °C qui a été enregistrée en Californie et au Pakistan cette année ?

    « La question des 50 °C lors d'un événement de chaleur vraiment extrême en France est possible, sans doute pas tout de suite car c'est quand même 4 °C au-dessus du record actuel, mais ce sera envisageable dans le futur. Le réchauffement est bien plus rapide que ce que l'on pensait il y a 10 ou 15 ans, on va atteindre le seuil des 1,5 °C de réchauffement par rapport aux niveaux pré-industriels bien plus vite que ce que l'on croyait, dans les prochaines années. Mais il ne faut pas être trop pessimiste, il y a encore beaucoup d'actions à mener pour limiter le réchauffement ».