Un rapport de grande ampleur témoigne de l’état préoccupant de nombreuses espèces du bassin méditerranéen, dû notamment à la pression démographique et touristique. La mer Méditerranée abrite pourtant une faune endémique parfois méconnue.


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    L'Institut de recherche pour la conservation des zones humides méditerranéennes, La Tour du Valat, vient de dévoiler une vaste étude sur l’état de la biodiversité en Méditerranée, qui rassemble les données d'abondance de plus de 80.000 populations animales présentes dans cette région. Et le constat n'est guère réjouissant : « L'abondance des populations de vertébrés du bassin méditerranéen a baissé de 20 % entre 1993 et 2016 ; et même de 52 % dans les écosystèmes marins (pélagiquespélagiques et côtiers) et de 28 % dans les écosystèmes d'eau douce, zones humides et rivières », alerte La Tour du Valat.

    52 % de poissons en moins, 30 % oiseaux en plus

    La situation est cependant très contrastée selon les espèces : alors que les populations de poissonspoissons ont dégringolé de 52 %, celles des oiseaux ont augmenté de 30 %, les mammifèresmammifères et reptilesreptiles ayant aussi connu une progression sur la période. Sur les 775 espèces étudiées, 300 sont en déclin. Parmi les premières victimes de l’effondrement de la biodiversité figure le thon rougethon rouge, qui, décimé par la surpêchesurpêche, a vu ses effectifs chuter de 90 %. Depuis 2006, heureusement, des quotas stricts ont été imposés et leur nombre remonte peu à peu, note le rapport. Autre poisson victime de la surexploitation : l'angeange de mer (Squatina squatina), fréquemment piégé par les filets de pêchepêche et qui est désormais en danger critique d'extinction.

    Évolution des espèces d’eau douce (bleu), des espèces marines (bleu marine), des espèces terrestres (vert) et des espèces endémiques (jaune) entre 1993 et 2016. © La Tour du Valat
    Évolution des espèces d’eau douce (bleu), des espèces marines (bleu marine), des espèces terrestres (vert) et des espèces endémiques (jaune) entre 1993 et 2016. © La Tour du Valat

    Mais la surpêche n'est pas, et de loin, la seule menace pesant sur la faunefaune méditerranéenne. L'urbanisation, l'agricultureagriculture intensive, les barrages, l'artificialisation des cours d'eau et le changement climatiquechangement climatique ont des conséquences tout aussi désastreuses sur la biodiversitébiodiversité. Le phoque moine de Méditerranéephoque moine de Méditerranée, l'espèce de phoque la plus rare au monde, a ainsi quasiment disparu en raison du bétonnage et du développement touristique des côtes. Seules quelques populations isolées survivent aujourd'hui dans la mer Égéemer Égée, au large de l'île de Madère et au Cap Blanc en Mauritanie.

    Des programmes de conservation couronnés de succès

    Le rapport ne dépeint pourtant pas tout en noir. Car les actions de conservations, ça marche ! « L'interdiction des pesticidespesticides organochlorés (le DDTDDT notamment) a permis de faire remonter, en France, les effectifs de Faucons pèlerinsFaucons pèlerins de 122 couples dans les années 1970 à plus de 1.600 aujourd'hui », se félicite le rapport. De même, le bouquetinbouquetin des Alpes, dont il ne restait que 416 individus au sortir de la Seconde Guerre mondiale, ne figure désormais plus sur la liste des espèces menacées grâce aux zones de protection et à des programmes de réintroduction.

    Le bouquetin des Alpes a vu sa population remonter de 416 individus après la Seconde Guerre mondiale à plus de 50.000 aujourd’hui. © frederic.jacobs, Flickr
    Le bouquetin des Alpes a vu sa population remonter de 416 individus après la Seconde Guerre mondiale à plus de 50.000 aujourd’hui. © frederic.jacobs, Flickr

    360 millions de touristes par an

    On s'imagine souvent que les espèces rares se trouvent dans les zones tropicales. Or on le sait peu mais la Méditerranée abrite de nombreuses espèces endémiquesendémiques : sur les 7.300 espèces inscrites sur la liste rouge de l'UICNUICN du bassin méditerranéen, près de 2.700 (37 %) sont endémiques, souligne La Tour du Valat.

    Seule mer au monde entourée de trois continents, berceau de nombreuses civilisations, la Méditerranée est bordée de régions très urbanisées qui concentrent plus de 500 millions d'habitants et qui accueille 360 millions de touristes par an (soit 27 % du tourisme mondial). Des activités humaines qui ont forcément un impact sur la biodiversité. Pourtant, « protéger ces écosystèmes, c'est aussi faire face aux défis actuels et futurs liés au changement climatique », assène Thomas Galewski, le coordinateur de l'étude. Les zones humides, par exemple, jouent un rôle « d'amortisseur climatique », en absorbant de grands volumesvolumes d'eau lors des crues et en les restituant en période de sécheressesécheresse. « Elles sont aussi de remarquables tampons sur les littoraux confrontés à l’élévation du niveau de la mer, qui atteint désormais 3 mm par an en moyenne ».

    La population bordant la Méditerranée devrait encore augmenter de 182 millions d'ici 2050. Si les pratiques d'aménagement ne changent pas, il est fort probable que le prochain rapport n'apporte  encore une fois pas de très bonnes nouvelles.

    Voir aussi

    Méditerranée : découverte d’un mécanisme de circulation souterraine des flux chimiques