En sillonnant une nappe de pétrole, le Spillglop peut littéralement l'aspirer, et ce même par gros temps. Au sein d'une gamme de navires dépollueurs réalisés par l'entreprise Ecocéane, ce nouveau bateau affiche des performances inédites.

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    Le modèle 250 du Spillglop est un navire dépollueur opérant par tous les temps. Il est présenté ici avec son label Paris 2015 - COP21/CMP 11, témoignant de la reconnaissance de son utilité. Pourtant, ce navire n'a pas pu être agréé en France ni en Europe. © Ecocéane

    Le modèle 250 du Spillglop est un navire dépollueur opérant par tous les temps. Il est présenté ici avec son label Paris 2015 - COP21/CMP 11, témoignant de la reconnaissance de son utilité. Pourtant, ce navire n'a pas pu être agréé en France ni en Europe. © Ecocéane

    La société bretonne Ecocéane, basée à Paimpol (Côtes d'Armor), a mis au point le Spillglop-250, un bateau capable d'aspirer une nappe de pétrole flottant à la surface de l'océan, en haute mer et par gros temps. « Le Spillglop est un faux monocoque de 25 m de long et de 7 m de large, détaille Robert Gastaldi, fondateur, bailleur de fonds et président du conseil de surveillance de la SAS Ecocéane. Il s'agit en fait d'un catamaran dont les deux coques sont reliées au-dessus et au-dessous. La proue s'ouvre pour laisser entrer l'eau à l'intérieur et, pour en capter davantage, deux mâchoires flottantes s'abaissent à l'avant ». Ainsi le Spillglop ratisse plus large et améliore ses capacités de nettoyage : jusqu'à 50.000 m2 par heure. La récupération peut aller jusqu'à 100 % des hydrocarbureshydrocarbures flottants et ce même par vent de force 6 à 7.

    « Le Spillglop-250 est l'unique bateau au monde à pouvoir travailler par ces conditions météorologiques, appuie Eric Vial, directeur d'Ecocéane. Les autres ne peuvent évoluer que par temps calme. C'est d'ailleurs la raison d'être de cette PME, savoir ramasser le pétrole en mer, alors que des catastrophes comme l'échouage de l'Amoco Cadiz ont démontré notre incapacité ». À l'intérieur du bateau, l'eau passe dans une sorte de canal entre les coques. Le pétrolepétrole étant plus léger que l'eau, celui-ci se retrouve en surface où il est aspiré par une pompe et stocké à bord, dans une limite de 120 m3, ou directement envoyé via une conduite dans un cargo à proximité pour travailler en continu. Même lorsque les hydrocarbures et l'eau se sont mélangés en une émulsionémulsion, le Spillglop peut encore œuvrer : « Lorsque cette "mayonnaise" se développe, le bateau s'arrête pendant environ une heure, le temps de chauffer l'eau à bord à 35 °C pour séparer les éléments et pouvoir aspirer le pétrole », explique Eric Vial.

    Quand une nappe de pétrole touche la côte, les dégâts sur la flore et la faune deviennent importants. Il est donc préférable de récupérer les hydrocarbures en pleine mer mais l'opération est toujours difficile. Un navire adapté peut cependant s'avérer très utile. © Igor Golubenkov, Saving Taman, Marinephotobank, CC by 2.0

    Quand une nappe de pétrole touche la côte, les dégâts sur la flore et la faune deviennent importants. Il est donc préférable de récupérer les hydrocarbures en pleine mer mais l'opération est toujours difficile. Un navire adapté peut cependant s'avérer très utile. © Igor Golubenkov, Saving Taman, Marinephotobank, CC by 2.0

    Ces navires dépolluent dans plusieurs pays du monde mais pas en Europe

    Ecocéane a ainsi créé toute une gamme de « bateaux-aspirateursaspirateurs » : le Cataglop, destiné au nettoyage portuaire des déchets solidessolides et liquidesliquides, le Workglop, bateau de travail et de récupération des mêmes matériaux aux abords des plateformes pétrolières et dans les grands ports commerciaux et, enfin, le Spillglop, pour les marées noires en haute mer. Chacun de ces navires existe en plusieurs gabarits. Ecocéane a déjà vendu plus d'une centaine de bateaux du type Cataglop et deux du type Workglop. Le tout premier Spillglop-250 est parti à destination de Taïwan. Il a été lancé le 30 avril 2015 à La Rochelle en présence de plusieurs délégations internationales : Taïwan, Nigéria, Égypte, Angola, Qatar et Russie. À noter que ni la France ni aucun autre pays européen n'étaient présents à l'événement, ce qui a fait... tache.

    « Nous sommes confrontés à un paradoxe administratif français, se désole Robert Gastaldi. Depuis 2009 et le tout premier prototype de Spillglop, nous sommes invités à des voyages avec le président de la République. Laurent Fabius, ministre des Affaires étrangères, nous a présentés au président de l'Angola. Le ministère de l'Écologie nous parraine mais nous ne sommes pas reconnus en France par les organismes chargés de la lutte contre les pollutions, le Cedre (Centre de documentation, de recherche et d'expérimentations sur les pollutions accidentelles des eaux) et le Ceppol (Centre d'expertises pratiques de lutte antipollution) ». Le Cedre a pourtant validé le Cataglop mais il n'en a pas fait autant pour le Spillglop et n'a donc rien transmis à l'Union européenne, en l'occurrence à l'European Maritime Safety Agency (EMSA), parce que son bassin d'essai serait trop petit pour l'accueillir, alors qu'il est basé sur la même technologie.

    Le Cedre aurait toutefois conseillé à la société bretonne d'aller se présenter à l'Ohmsett, son homologue américain. Ce dernier a reconnu le concept comme unique au monde, ce qui a permis à Ecocéane de survivre. Aujourd'hui, l'entreprise emploie 25 personnes et a développé un chiffre d'affaires de cinq millions d'euros. « En 2016, nous tablons sur 25 à 30 millions et en 2019 sur 150 millions d'euros de chiffre d'affaires. D'ici là, nous aurons créé environ 1.200 emplois dont 800 en France », souligne Robert Gastaldi.