À 660 km sous la surface, se trouvent des plaques solides formant de véritables chaînes de montagnes semblables à celles que l’on trouve sur Terre. Mais comment ont-elles résisté dans une zone où la convection thermique est censée tout transformer en masse visqueuse à peu près homogène ?


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    L'intérieur de la Terre n'est peut-être pas peuplé de dinosaures et de forêts de champignons géants comme le décrit Jules VerneJules Verne dans Voyage au centre de la Terre, mais il abrite de véritables chaînes de montagnes aussi hautes que les Alpes ou que la Cordillère des Andes. C'est la découverte étonnante d'une étude publiée le 15 février dans le magazine Science.

    En collaboration avec Sidao Ni, de l'Institut de géodésie et de géophysique de Chine, les géophysiciens de l'université de Princeton, Jessica Irving et Wenbo Wu ont utilisé les données d'un énorme séisme survenu en 1994 en Bolivie pour déterminer la topographie de la base de la zone de transition, une couche qui s'étend sur entre 410 km et 660 km de profondeur et sépare le manteau supérieur du manteau inférieur.

    Des séismes profonds qui font trembler tout l’intérieur de la planète

    « Lors des grands séismes, l'énergieénergie n'est pas dissipée dans la croûte terrestre mais affecte tout le manteau. Les tremblements de terretremblements de terre de magnitudemagnitude 7 ou plus peuvent ainsi voyager à travers le noyau jusqu'à l'autre côté de la planète », explique Jessica Irving. Le séisme de 1994 était à cet égard particulièrement instructif, puisqu'il a atteint une magnitude de 8,2 sur l'échelle de Richteréchelle de Richter et son épicentreépicentre était très profond, situé à 650 km sous la surface.

    « Les tremblements de terre d'une telle ampleur sont extrêmement rares et cela ne fait qu'une vingtaine d'années que nous disposons de sismomètressismomètres suffisamment précis », relate Jessica Irving. Les chercheurs ont aussi fait appel à un supercalculateursupercalculateur pour modéliser le manteau.

    Les montagnes se situent à la limite entre la zone de transition et le manteau inférieur, vers 660 km de profondeur. © Kyle McKernan
    Les montagnes se situent à la limite entre la zone de transition et le manteau inférieur, vers 660 km de profondeur. © Kyle McKernan

    Des montagnes aussi dures et massives que celles de la surface terrestre

    Tout comme les ultrasons d'une échographieéchographie révèlent les différences de densité des tissus d'un organisme, les scientifiques utilisent les ondes générées par les tremblements de terre pour déterminer la rigiditérigidité des couches profondes du manteau terrestremanteau terrestre. L'analyse de la diffusiondiffusion des ondes entre les couches a révélé ici une étonnante topographie souterraine.

    À la frontière de la zone de transition, vers 660 km de profondeur, le manteau forme une alternance de zones visqueuses et de plaques rigides, ces dernières constituant de véritables chaînes de montagnes allant jusqu'à 3,2 km de hauteur. « Notre modèle statistique ne permet pas de déterminer l'altitude avec précision, mais il est possible que ces montagnes soient plus grandes que tout ce qui se trouve à la surface de la Terre », souligne Jessica Irving. Curieusement, ces reliefs ne se retrouvent à aucun autre endroit du manteau.

    Des morceaux de plaque terrestre qui perturbent l’activité du manteau

    Comment ont pu se former et persister ces montagnes solidessolides à une telle profondeur, où les températures atteignent 1.600 °C ? S'agit-il d'anciens morceaux de dalles océaniques qui se sont enfoncées dans le manteau par des zones de subductionzones de subduction ou bien se sont-elles constituées in situ ? Les deux hypothèses sont peut-être compatibles, avancent les chercheurs.

    Des roches appartenant à la croûte terrestre ont parfaitement pu résister à la fusionfusion, là où le mélange thermique entre le manteau supérieur et le manteau inférieur ne se fait pas aussi bien. Mais ces montagnes solides pourraient aussi être apparues à cet endroit même, en raison d'anomaliesanomalies chimiques dans le manteau, causées par des morceaux de roches terrestres qui auraient fondu en descendant dans le manteau.

    Quoiqu'il en soit, ces recherches donnent une nouvelle vision de la nature du manteau terrestre et de sa formation, notamment sur la composition des plaques tectoniquesplaques tectoniques telles qu'elles étaient il y a plusieurs milliards d’années. Sachant que le trou le plus profond jamais creusé ne dépasse pas les 12 km de profondeur, ces montagnes risquent toutefois de garder leurs mystères encore bien longtemps.