Une nouvelle étude s'étalant sur plusieurs années vient d'éclairer la vie sociale des gorilles de l'ouest. Jusqu'à présent peu documentée, ces données racontent l'histoire d'êtres sociaux, parfois agressifs, mais plus tolérants et joueurs qu'il n'y paraît. 


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    Les gorilles sont des êtres sociaux. Organisés autour d'un mâle dominant, appelé « dos argenté », ils interagissent également avec d'autres groupes. Des chercheurs ont passé 2.797 jours à observer les rencontres entre des groupes de gorilles des plaines de l'Ouest (Gorilla gorilla gorilla), en République du Congo. Leurs résultats, publiés dans l'International Journal of Primatology, témoignent d'une diversité inattendue d'interactions.

    Bien qu'une partie de ces rencontres soient agressives, certaines sont étonnamment tolérantes. « Des comportements d'affiliationaffiliation tels que des périodes de jeu prolongées ont été observées entre individus de groupes distincts » relate Kristena Cooksey, coautrice de l'étude. Une vie sociale qui présente de multiples avantages, notamment « en termes d'identification de partenaires potentiels et de maintien de compétences socialement acquises telles que les traditions ou les comportements culturels » s'enthousiasme Crickette Sanz, également coautrice de l'étude. Avec un bémol toutefois : un risque accru de transmission de maladies infectieuses. À l'instar d'Ebola, qui avait décimé jusqu'à 90% des gorilles d'Afrique occidentale aux alentours des années 2000.

    Dans un groupe de gorilles, le mâle dominant est surnommé « dos argenté » en raison d'une zone de poils blancs sur son dos. Au cœur de certains grands groupes, deux mâles peuvent être dominants. © Raquel Pedrosa, Adobe Stock
    Dans un groupe de gorilles, le mâle dominant est surnommé « dos argenté » en raison d'une zone de poils blancs sur son dos. Au cœur de certains grands groupes, deux mâles peuvent être dominants. © Raquel Pedrosa, Adobe Stock

    Les femmes avant les fruits

    Les chercheurs ont aussi observé que le nombre de mâles au sein d'un groupe est corrélé négativement avec la probabilité de rencontres intergroupes. Plus de mâles, moins de vie sociale. D'ailleurs, et ce peu importe la composition des groupes, les interactions se transforment davantage en altercations devant des mâles solitaires. En particulier si des opportunités d'accouplement sont en jeu.

    Kristena Cooksey semble l'expliquer. Ces rencontres sont un « moyen d'obtenir des informations sur le pouvoir des mâles dominants dans les autres groupes et sur leur système de soutien [dont le nombre de mâles, ndlr] ainsi que sur les possibilités de reproduction », puisque « les femelles nées au sein d'un groupe finissent par rejoindre un autre groupe pour éviter la consanguinitéconsanguinité et doivent être sélectives quant au groupe de mâles qu'elles choisissent ». Ces contacts les guident dans leur prise de décision.

    Dès lors, la défense des partenaires apparaît comme le principal moteur de concurrence entre les groupes ! Contrairement à la disponibilité en fruits, qui a un impact majeur sur la vie sociale des gorilles de l'Est, mais ne paraît pas être un facteur important chez les cousins de l'Ouest. Bien que d'autres études soient nécessaires pour confirmer ou infirmer l'ensemble des résultats.

    Dans le communiqué de l'étude, les auteurs ont exprimé leurs craintes. « Alors que les humains empiètent sur les habitats des gorilles, leurs unités sociales sont plus susceptibles de se déplacer dans le vital d'autres groupes, ce qui pourrait déclencher une cascade de résultats sociaux et sanitaires potentiellement préjudiciables » prévient David Morgan, l'un des auteurs. Dont une transmission plus élevée des maladies infectieuses.