La découverte d'un nouveau continent au XXIe siècle, baptisé Zealandia et grand comme les deux tiers de l'Australie, peut laisser sceptique mais son existence est bien réelle. Il y a trois ans des explications à ce sujet avaient été données à Futura-Sciences par le géophysicien français Julien Collot, qui avait pris une part active à la mise en évidence de ce continent à 94 % sous la surface de l'océan Pacifique. On en sait un peu plus aujourd'hui sur les mystères de l'origine de Zealandia avec la publication des résultats des analyses d'une campagne de forages et un documentaire.


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    Il y a presque trois ans, un groupe de spécialistes en géosciences néo-zélandais, français et australiens annonçait rien de moins que la découverte d'un septième continent baptisé Zealandia. Des indices de son existence existaient déjà depuis les années 1970 mais l'idée n'était considérée et débattue sérieusement par la communauté scientifique que depuis une vingtaine d'années. Malheureusement les preuves manquaient pour aller plus loin.

    Il faut dire que le continent suspecté, bien que censé s'étendre sur quasiment l'équivalent des deux tiers de la surface de l'Australie est à 94 % sous la surface de l'océan Pacifique, parfois sous des milliers de mètres d'eau et surtout recouvert par une épaisse couche de sédiments. Il n'émerge essentiellement que sous la forme des terres de la Nouvelle-Zélande et de la Nouvelle-Calédonie, comme l'expliquait Futura-Sciences dans le précédent article ci-dessous.

    On sait aussi qu'il est nettement sous le niveau de l'océan depuis des dizaines de millions d'années et on ne peut donc aucunement le rattacher aux mythes de l'Atlantide ou du continent Mu car aucun représentant du genre Homo n'existait alors.


    La bande-annonce d'un documentaire sur la campagne de forage océanique qui a exploré le continent perdu de Zealandia en 2017. La version complète est en bas de l'article. Pour obtenir une traduction en français assez fidèle, cliquez sur le rectangle blanc en bas à droite. Les sous-titres en anglais devraient alors apparaître. Cliquez ensuite sur l'écrou à droite du rectangle, puis sur « Sous-titres » et enfin sur « Traduire automatiquement ». Choisissez « Français ». © Media 77

    L'expédition 371, une campagne de forages océaniques

    À cette occasion, nous avions pu bénéficier de longues explications du géophysicien marin Julien Collot, l'un des membres de l'équipe, révélant officiellement au grand public l'existence de Zealandia. Le chercheur terminait son interview en nous annonçant que d'août à septembre 2017, une campagne de forages océaniques (International Ocean Discovery Program Expedition 371) allait être conduite avec le fameux JOIDES Resolution (de l'anglais Joint Oceanographic Institutions for Deep Earth SamplingSampling), un bateau de recherche scientifique. L'un de ses buts était de rapporter des informations pour comprendre comment un tel bloc continental avait pu passer sous la surface de l'océan Pacifique, parfois sous plusieurs milliers de mètres d'eau, et d'explorer la mémoire, notamment climatique, des sédiments recouvrant largement ce continent. Les carottes de roches doivent certainement intéresser des membres de l'Infrastructure pour les sciences du climat et de l'environnement (ICE).

    Aujourd'hui plusieurs vidéos en ligne racontent l'aventure de l'International Ocean Discovery Program Expedition 371, son exploration de Zealandia et surtout un bilan des connaissances acquises ont été publiés dans un article du célèbre journal Geology.

    Il est le fruit d'une équipe internationale de chercheurs qui comprenait plus de 30 scientifiques de Nouvelle-Zélande, des États-Unis, d'Italie, d'Espagne, de Nouvelle-Calédonie, de Chine, des Pays-Bas, d'Allemagne, du Brésil, du Japon, du Royaume-Uni et de Corée du Sud. Elle était dirigée conjointement par le professeur Rupert Sutherland de la Victoria University of Wellington (Nouvelle-Zélande) et le professeur Gerald Dickens de la Rice University au Texas (États-Unis). Les deux hommes ont de plus écrit un article de vulgarisation à ce sujet dans The Conversation et on peut les voir donner des explications dans la vidéo, ci-dessous, extraite d'un documentaire complet sur l'expédition 371 tout en bas du présent article.


      Des extraits du documentaire sur la campagne de forage océanique qui a exploré le continent perdu de Zealandia en 2017. Pour obtenir une traduction en français assez fidèle, cliquez sur le rectangle blanc en bas à droite. Les sous-titres en anglais devraient alors apparaître. Cliquez ensuite sur l'écrou à droite du rectangle, puis sur « Sous-titres » et enfin sur « Traduire automatiquement ». Choisissez « Français ». © The JOIDES Resolution

    En première approximation, les continents sont formés de roches moins denses que le basalte des plaques océaniques et c'est pour cette raison que l'on dit souvent que les continents sont insubmersibles. Ils flottent sur les roches du manteaumanteau, peuvent être déchirés puis recollés par les mouvementsmouvements des plaques tectoniquesplaques tectoniques, voire s'enfoncer un peu dans ce manteau sous l'effet d'une couverture glaciaire importante, un inlandsisinlandsis, mais jamais vraiment couler ou disparaître. C'est pour cette raison que l'on peut trouver sur les continents des roches datant de plusieurs milliards d'années.

    Il n'en est pas de même avec les plaques océaniques qui au bout de quelques centaines de millions d'années tout au plus finissent par subducter, comme disent les géologuesgéologues, soit en plongeant sous un continent, soit en plongeant sous une autre plaque océanique. La fameuse ceinture de feu du Pacifiqueceinture de feu du Pacifique, un spectaculaire alignement de volcansvolcans et de régions sismiquement très actives, qui borde l'océan Pacifique sur la majorité de son pourtour sur environ 40.000 kilomètres de long, est en grande partie la manifestation de la subductionsubduction de la plaque océanique pacifique. C'est sur cette ceinture que l'on trouve des volcans aussi célèbres que l’Anak Krakatau ou l'Agung et bien sûr le Mont St Helens. C'est à ce niveau aussi que peuvent naître des tsunamis comme celui de Sumatra en 2004.

    Un processus tectonique inédit avec la formation de la ceinture de feu ?

    D'après les chercheurs, ce serait l'occurrence de processus tectoniques jusqu'ici inconnus, et qui ont accompagné la formation de la ceinture de feu, lors de sa naissance toujours mal comprise il y a 50 millions d'années environ, qui aurait fortement contribué à l'enfoncement de Zealandia sous la surface de l'océan Pacifique. Ces processus se seraient ajoutés aux forces qui auraient étiré donc aminci la croûte continentalecroûte continentale de Zealandia lorsque la dérive des continents a commencé à l'arracher à l'ancien supercontinentsupercontinent du GondwanaGondwana (qui comprenait l'Australie et l'AntarctiqueAntarctique) il y a environ 85 millions d'années. Julien Collot dans son interview nous avait expliqué à cet égard que « la croûte continentale de Zealandia est plus fine que dans le cas des autres continents. En l'occurrence, son épaisseur est généralement comprise entre 10 et 25 kilomètres, ce qui fait que la majeure partie de ce continent se trouve entre 1.000 et 3.000 mètres sous la surface du Pacifique. C'est parce qu'il flotte sur les roches du manteau plus dense que cette plus faible épaisseur l'a conduit à s'enfoncer par rapport aux autres continents ».

    Les professeurs Rupert Sutherland et Gerald Dickens précisent ce qu'eux et leurs collègues ont en tête pour ce qui se serait produit il y a 50 millions d'années dans la déclaration suivante extraite de l'article de The Conversation : « Nous proposons qu'un événement de "rupture de subduction" se soit propagé dans l'ensemble du Pacifique occidental à cette époque. Nous suggérons que le processus était similaire à un énorme tremblement de terretremblement de terre ultra lent qui a ressuscité d'anciennes faillesfailles de subduction qui étaient restées en sommeilsommeil pendant plusieurs millions d'années. Ce concept de "résurrection de subduction" est une idée nouvelle et peut aider à expliquer une gamme d'observations géologiques différentes. »

    Les chercheurs sont arrivés à émettre cette hypothèse à partir des analyses des carottes prélevées sur six lieux de forages profonds. Il y avait parfois plus de 900 mètres d'épaisseur de sédiments accumulés depuis 50 millions d'années à traverser avant d'atteindre le continent proprement dit.

    Selon le professeur Sutherland, en ce qui concerne aussi bien le continent caché que la formation de la ceinture de feu : « les archives sédimentaires préservées sur Zealandia nous aideront à comprendre plus en détail comment et pourquoi cela s'est produit, et quelles ont été les conséquences pour les plantes, les animaux et le climatclimat régional ».


    Un documentaire sur la campagne de forage océanique qui a exploré le continent perdu de Zealandia en 2017. On peut voir Julien Collot en 14:40. Pour obtenir une traduction en français assez fidèle, cliquez sur le rectangle blanc en bas à droite. Les sous-titres en anglais devraient alors apparaître. Cliquez ensuite sur l'écrou à droite du rectangle, puis sur « Sous-titres » et enfin sur « Traduire automatiquement ». Choisissez « Français ». © Media 77

     


    Zealandia, le continent caché : sa découverte expliquée par le géophysicien Julien Collot

    Article de Laurent SaccoLaurent Sacco publié le 07/03/2017

    L'annonce de la découverte d'un nouveau continent au XXIe siècle peut laisser sceptique mais son existence est bien réelle. Comme l'a expliqué à Futura-Sciences le géophysicien français Julien Collot, qui a pris une part active à la mise en évidence de ce continent perdu à 94 % sous la surface de l'océan Pacifique, cette découverte est soutenue par de nombreuses données géophysiques et géologiques solidessolides.

    Récemment, une petite bombe a explosé dans les médias qui ont relayé un article publié par un groupe de spécialistes en géosciences néo-zélandais, français et australiens dans GSA Today. Les chercheurs n'y annonçaient rien de moins que la découverte d'un septième continent à 94 % sous la surface de l'océan Pacifique, émergeant essentiellement sous la forme des terres de la Nouvelle-Zélande et de la Nouvelle-Calédonie. Baptisé Zealandia, son existence était suspectée par la communauté scientifique mais les preuves manquaient. Cette découverte est bien sûr étonnante car presque 50 ans après l'établissement de la théorie de la tectonique des plaques et les progrès des géosciences marines qui l'ont permis, on a un peu de mal à croire qu'il ait fallu attendre le premier quart du XXIe siècle, ou presque, pour repérer au fond de l'océan un morceau de bloc continental qui est censé s'étendre sur quasiment l'équivalent des deux tiers de la surface de l'Australie.

    Pour mieux comprendre comment cette découverte a été réalisée et faire connaissance d'un peu plus près avec Zealandia, Futura-Sciences s'est tourné vers un des découvreurs de ce continent perdu. Il s'agit de Julien Collot, un géophysicien marin en poste au Service de la géologiegéologie de Nouvelle-Calédonie.

    Mais d'abord, avant de découvrir ses réponses à nos questions, voici quelques petits rappels de géologie et de géophysique.


    Des chercheurs à l’origine de la découverte de Zealandia s’expriment dans cette vidéo. © Euronews

    Des plaques tectoniques avec des compositions bien distinctes

    Il faut se souvenir tout d'abord que la composition et l'épaisseur de la croûte au niveau des plaques continentales et océaniques ne sont pas les mêmes. La croûte continentale a une épaisseur de 35 km en moyenne, mais elle peut atteindre 100 km sous certaines montagnes. Elle est constituée essentiellement de roches granitiques et métamorphiques avec des roches sédimentairesroches sédimentaires. La croûte océaniquecroûte océanique est épaisse de 7 km en moyenne et elle est composée de basalte et de gabbrosgabbros. Une plaque océanique est plus dense qu'une plaque continentale si bien que du fait des mouvements de la tectonique des plaquestectonique des plaques, elle peut s'enfoncer par subduction dans le manteau sur lequel elle flotte. Par exemple, à l'occasion d'une collision avec un continent comme on peut le voir au niveau de la cordillère des Andes. Une partie de cette plaque peut aussi glisser au-dessus d'un continent, ce qui conduit à la formation de complexes ophiolitiques comme ceux d'Oman et de la Nouvelle-Calédonie (voir à ce sujet l'ouvrage Les montagnes sous la mer d'Adolphe Nicolas). Les continents sont trop légers et trop épais pour plonger dans le manteau et y disparaitre de sorte qu'ils gardent la mémoire de l'histoire de la Terre jusqu'à un certain point, avec des roches dont l'âge peut atteindre au moins 4 milliards d'années alors que celles des plaques océaniques ne sont âgées que de 200 millions d'années tout au plus.

    Par contre, lorsqu'un supercontinent se fragmente avec la création d'un rift océanique, comme ce fut le cas notamment avec l'ouverture de l'océan Atlantique, une petite partie de la croûte continentale en bordure s'affine sur parfois quelques centaines de kilomètres comme le ferait un métalmétal chaud étiré. Elle finit par passer alors sous le niveau de l'océan lorsque son épaisseur est sous les 30 km en devenant ce que l'on appelle un plateau continentalplateau continental que recouvrent des sédiments.

    Une partie de la topographie et de la géologie de Zealandia. © Sémhur, Wikimedia Commons
    Une partie de la topographie et de la géologie de Zealandia. © Sémhur, Wikimedia Commons

    Sismologie et gravimétrie, les yeux pénétrants des géophysiciens

    Depuis les travaux de chercheurs comme Francis Birch et Alfred Ringwood, on peut relier la vitessevitesse de certaines ondes sismiquesondes sismiques aux caractéristiques des milieux qu'elles traversent. Ce qui permet notamment d'en connaître la composition. La sismologiesismologie permet donc de déterminer dans une certaine mesure de quoi sont faites les plaques tectoniques et si l'on est en présence de basaltes, de granitesgranites ou d'autres roches encore. Les sismologuessismologues sont alors confrontés à ce qui s'appelle en géophysique, la résolutionrésolution d'un problème inverse, c'est-à-dire déterminer à partir des caractéristiques d'un signal celles de sa source. Dit autrement, on peut savoir par exemple comment et de quoi est fait un instrument de musique à partir du son qu'il émet.

    Parmi les autres problèmes inverses que les géophysiciens ont à résoudre, il y a celui lié à l'étude du champ de gravitégravité. Celui-ci est sensible à la répartition et à la nature des massesmasses sur Terre comme l'a montré au XVIIIe siècle le mathématicien et géophysicien Pierre Bouguer. Ainsi au voisinage du Chimborazo au Pérou, l'attraction de ce volcan est notable et elle dévie légèrement de la verticale un pendule. Comme la Terre n'est pas une sphère homogène parfaite, les mouvements des satellites sont perturbés et ils sont complexes, ce qui permet d'en déduire la répartition des masses à l'intérieur de notre planète. Le champ de gravité modifie aussi la topographie de la surface des océans, laquelle se met alors à refléter celle sous leurs surfaces. Ainsi, en effectuant des mesures d'altimétrie laser à partir des satellites, il est possible d'en déduire la topographie du fond des océans et de faire par exemple la découverte de provinces magmatiques océaniques, appelée aussi province ignée. Il s'agit de vastes épanchements de roches ignéesroches ignées analogues à ceux des Trapps du Deccan. L'Islande est la partie émergée de l'une d'entre elles.

    Nous voici maintenant en possession des informations nécessaires pour comprendre comment s'est faite la découverte de Zealandia et ainsi mieux appréhender sa nature de continent englouti, comme va nous l'expliquer Julien Collot.

    Julien Collot devant une carte de Zealandia. © Gouvernement de la Nouvelle-Calédonie
    Julien Collot devant une carte de Zealandia. © Gouvernement de la Nouvelle-Calédonie

    Futura-Sciences : L'annonce de la découverte de Zealandia la fait apparaître comme soudaine et inattendue, mais est-ce vraiment le cas ?

    Julien Collot : Pas vraiment. En fait l'idée était plus ou moins en l'airair depuis une vingtaine d'années lorsque le terme de Zealandia a été proposé par le géophysicien Bruce Luyendyk en 1995 pour décrire collectivement des lambeaux de croûte continentale dont la Nouvelle-Zélande et le plateau de Campbell font partie par exemple. Mes collègues néozélandais, australiens et moi-même, nous avons travaillé ensemble sur le sujet depuis une décennie, au fur et à mesure que de nouvelles données arrivaient et qui nous aidaient à préciser l'étendue réelle de la croûte continentale dans cette région.

    Il y a ainsi eu des campagnes de dragages pour échantillonner les roches ainsi que des mesures de vitesses des ondes sismiques avec des bateaux océanographiques comme l'Atalante, un des navires affrétés par l'Ifremer. À cela se sont ajoutées des mesures plus précises de la topographie des fonds marins en utilisant le champ de gravitationgravitation de la Terre via l'altimétriealtimétrie laserlaser permise par les satellites. Toutes les données géophysiques se sont trouvées en accord avec les roches que nous avons ramenées en surface et qui nous ont confirmé que nous étions bien en présence d'une large portion de croûte continentale et pas de simples lanières continentales, ou de vastes plateaux analogues aux grandes provinces ignées que l'on connaît déjà.

    Nous avons donc décidé que nous pouvions annoncer la découverte d'un nouveau continent, ce que nous avons fait avec l'article publié dans la revue de la Société de géologie américaine, GSA Today. Notre objectif est aussi d'attirer l'attention sur cette région du globe qui finalement n'a pas encore bénéficié de toutes les études en géosciences qu'elle mériterait alors qu'elle occupe une surface égale à environ les deux tiers de l'Australie.


      La topographie des fonds marins autour de la Nouvelle-Zélande déduite notamment par altimétrie laser. © Land Information New Zealand

    Mais comment une telle surface a-t-elle pu passer sous celle de l'océan Pacifique ?

    Julien Collot : La première raison que l'on peut donner, mais qui n'explique pas tout, est que la croûte continentale de Zealandia est plus fine que dans le cas des autres continents. En l'occurrence, son épaisseur est généralement comprise entre 25 et 10 km, ce qui fait que la majeure partie de ce continent se trouve entre 1.000 et 3.000 m sous la surface du Pacifique. C'est parce qu'il flotte sur les roches du manteau plus dense que cette plus faible épaisseur l'a conduit à s'enfoncer par rapport aux autres continents.

    Pour quelle raison est-il moins épais ?

    Julien Collot : Nous n'avons pas vraiment d'explication mais nous avons des idées et pensons que c'est en rapport avec la tectonique des plaques. Il y a environ 100 millions d'années, un processus de rifting aurait débuté au sein du supercontinent Gondwana qui aurait finalement conduit à la séparationséparation de Zealandia de l'Australie, il y a 83 millions d'années. Zealandia aurait ensuite dérivé pour se stabiliser dans sa position actuelle, il y a 52 millions d'années.

    Or, il faut savoir que lorsqu'un processus de rifting se met en place et que deux plaques continentales se mettent à dériver, cela conduit à un amincissement plus ou moins symétrique des bordures des deux plaques. C'est ce qui s'est produit par exemple sur les bords de l'océan Atlantique et c'est pourquoi le plateau continental s'est retrouvé sous la surface de cet océan. Dans le cas de Zealandia, bien que nous ne comprenions pas encore pourquoi, il y aurait eu un rifting très asymétriqueasymétrique qui aurait étiré et aminci le continent pendant environ 30 millions d'années.

    Ceci pourrait être une explication. Nous pensons aussi qu'un autre événement tectonique plus tardif vers 50 millions d'années, très mal compris et caractérisé aujourd'hui, aurait pu amincir ou contribuer à amincir la croûte de Zealandia.


    Une vidéo sur la fragmentation du supercontinent Gondwana à l’origine de la formation de l’Australie et de Zealandia. Pour obtenir une traduction en français assez fidèle, cliquez sur le rectangle blanc en bas à droite. Les sous-titres en anglais devraient alors apparaître. Cliquez ensuite sur l’écrou à droite du rectangle, puis sur « Sous-titres » et enfin sur « Traduire automatiquement ». Choisissez « Français ». © ParksAustralia

    Sait-on exactement quand Zealandia est passé sous la surface de l'océan Pacifique ?

    Julien Collot : Nous pensons que Zealandia est passé sous l'eau à la fin du rifting, il y a environ 80 millions d'années mais peut-être pas dans sa totalité et peut-être que d'autres événements plus tardifs l'ont réémergé puis resubmergé. Tout ce que l'on peut dire d'assuré c'est que l'Homme n'a jamais vu ce continent au-dessus des flots, à l'exception bien sûr de l'archipelarchipel de la Nouvelle-Calédonie et des îles de la Nouvelle-Zélande.

    Zealandia est à 94 % sous la surface de l'océan Pacifique, existe-t-il des raisons particulières au fait que la Nouvelle-Zélande et la Nouvelle-Calédonie en sont les parties émergées ?

    Julien Collot : La Grande Terre, qui est l'île principale de la Nouvelle-Calédonie, est largement le produit d'une obduction d'une plaque océanique sur la croûte continentale de Zealandia, il y a de 40 à 30 millions d'années environ. Ceci a conduit localement à un épaississement de la croûte ce qui a engendré l'émersion de la Nouvelle-Calédonie. Quant à la Nouvelle-Zélande, elle est le produit d'une collision similaire à celle en cours entre la plaque océanique du Pacifique et celle, continentale, de l'Amérique du Sud. Il y a donc subduction d'une portion de croûte océanique sous une croûte continentale, ce qui donne naissance à des montagnes par plissement et volcanismevolcanisme. C'est d'ailleurs de cette façon que les Andes ont pris naissance.


    Une vidéo sur la collision des plaques à l’origine de la Nouvelle-Zélande. Pour obtenir une traduction en français assez fidèle, cliquez sur le rectangle blanc en bas à droite. Les sous-titres en anglais devraient alors apparaître. Cliquez ensuite sur l’écrou à droite du rectangle, puis sur « Sous-titres » et enfin sur « Traduire automatiquement ». Choisissez « Français ». © GNS Science

    Où en sont les recherches sur Zealandia ?

    Julien Collot : On va continuer à faire des dragages pour remonter des roches en surface et à étudier les couches rocheuses par la méthode de la sismique-réfractionréfraction. Il faut savoir que cette région est très largement sous-étudiée et que nous possédons très peu de données pour la comprendre. D'août à septembre 2017, nous allons mener une campagne de forages océaniques (International Ocean Discovery Program Expedition 371) qui sera conduite avec le fameux JOIDES Resolution (de l'anglais Joint Oceanographic Institutions for Deep Earth Sampling), un bateau de recherche scientifique. Mais les forages se limiteront aux couches de sédiments recouvrant certaines régions de Zealandia, par exemple la ride de l'île de Norfolk qui porteporte la Nouvelle-Calédonie et située approximativement à environ 1.300 km au large de la côte orientale de l'Australie. Cela devrait nous permettre de mieux comprendre l'histoire de Zealandia pendant une partie du PaléogènePaléogène, c'est-à-dire sur une période de temps s'étendant environ d'il y a 50 à 30 millions d'années, et en particulier les détails de l'événement tectonique qui l'a affecté pendant cette période et qui a permis de faire sortir des eaux la Nouvelle-Calédonie et la Nouvelle-Zélande.