Spécificité terrestre, la présence de continents à la surface du globe est le résultat de la tectonique des plaques. Celle-ci représente en effet le moteur du mouvement des blocs continentaux, mais c’est également grâce aux processus tectoniques que les continents se forment et sont recyclés, et ceci depuis près de 4 milliards d’années. Mais de nombreuses questions entourent encore l’origine des continents et leur évolution au cours du temps. Une nouvelle étude fait ainsi la lumière sur deux points jusqu’à présent fortement débattus : la composition des continents serait restée stable au cours des ères géologiques et la croissance continentale se serait faite par pulses et non de manière continue.


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    Si l’histoire récente des continents est intensément étudiée et de mieux en mieux comprise, leur évolution au cours de l'histoire de la Terre est encore largement peu documentée.

    Les continents : ces vieux géants encore mal compris

    Alors que l'âge de la plus vieille croûte océanique ne dépasse pas 200 millions d'années, à cause du processus continu de recyclage au niveau des zones de subductionzones de subduction, les plus anciennes roches continentales datent d'environ 4 milliards d'années. Les vestiges de cette croûte primitive sont cependant extrêmement rares du fait du remaniement constant des roches continentales par le jeu de l'érosion et des forces tectoniques.

    Les continents ont donc été formés très tôt dans l’histoire de la Terre, mais nous en savons encore peu sur les conditions de leur formation et sur leur composition d'origine. La façon dont la tectonique des plaques a permis la croissance continentale au début de l'histoire de la Terre est d'ailleurs très controversée. Deux questions majeures cristallisent les débats : la croissance de la croûte continentale s'est-elle faite par pulses ou de manière continue ? La composition de la croûte continentale a-t-elle évoluée au cours du temps et en particulier à la fin de l'ArchéenArchéen, il y a 2,5 milliards d'années ?

     Schéma d’une subduction. © Zyzzy2, <em>Wikimedia Commons</em>, CC by-sa 3.0
     Schéma d’une subduction. © Zyzzy2, Wikimedia Commons, CC by-sa 3.0

    Actuellement, la croûte continentale se forme par le biais des zones de subduction, où une plaque lithosphériqueplaque lithosphérique plonge sous une autre plaque. L'échappement de l'eau contenue dans la plaque entrant en subduction modifie les conditions de fusionfusion du manteaumanteau, qui se met à fondre. Le magmamagma produit va alors s'échapper et cristalliser en surface ou en profondeur. Il s'agit du mécanisme principal menant à la croissance des continents. À l'heure actuelle, les continents sont ainsi principalement composés de roches felsiques, c'est-à-dire des roches riches en siliciumsilicium et aluminiumaluminium, comme les granitesgranites. Cependant, le volumevolume continental n'aurait pas évolué de façon significative sur les derniers 200 à 300 millions d'années. Actuellement, on considère que la croissance continentale est nulle : le volume de nouvelle croûte formée est égal au volume de croûte détruite.

    Granite riche en quartz © Piotr Sosnowski, <em>Wikimedia Commons</em>, CC by-sa 4.0
    Granite riche en quartz © Piotr Sosnowski, Wikimedia Commons, CC by-sa 4.0

    La composition de la croûte continentale est restée stable au cours du temps

    Dans une étude parue récemment dans la revue Science Advances, Marion Garçon, du Laboratoire Magmas et VolcansVolcans de Clermont-Ferrand, révèle que la composition des continents était similaire à celle d'aujourd'hui il y a 3,7 milliards d'années et que leur croissance n'a pas été continue, mais épisodique. Son approche se base sur l'étude de la composition isotopique en samariumsamarium et neodynium des roches sédimentairesroches sédimentaires détritiques. La composition isotopique en Sm-Nd des roches sédimentaires détritiques permet en effet d'estimer la quantité de silicesilice présente dans la croûte continentale et donc de déduire l'évolution de la composition de la partie superficielle de la croûte continentale.

    Erosion et tectonique sont les processus remaniant les roches de la croûte continentale. © Morgane Gillard
    Erosion et tectonique sont les processus remaniant les roches de la croûte continentale. © Morgane Gillard

    Les résultats montrent que la quantité moyenne de silice dans la croûte continentale n'a pas significativement variée au cours des 3,7 derniers milliards d'années, suggérant que la composition de la croûte continentale est restée felsique au cours du temps. Cependant, l'incertitude domine les périodes au-delà de 3 milliards d'années, à cause de la rareté des roches sédimentaires de cet âge encore observables aujourd'hui.

    L'idée d'une composition stable implique que les mécanismes de formation de la croûte continentale n'ont pas changé de façon significative et que le processus de subduction ainsi qu'une forme primaire de tectonique des plaques ont dû opérer très tôt dans l'histoire de la Terre.

    La croûte continentale s’est formée par pulses et non de manière continue

    Les résultats de Marion Garçon montrent également que le volume de la nouvelle croûte formée n'a pas été constant au cours du temps. Au contraire, il décrit une série de pics qui peuvent notamment être expliqués par une production épisodique de croûte de nature felsique. Au moins six pulses de croissance peuvent ainsi être identifiés, avec une récurrence de 500 à 700 millions d'années. Le volume de croûte produit lors de chaque épisode de croissance est cependant différent : la production de croûte continentale aurait été la plus importante au début de l'Archéen (il y a plus de 3,5 milliards d'années). Par contre, les périodes géologiques qui ont suivi sont caractérisées par une plus faible production, suggérant que le remaniement de roches déjà formées représente le processus dominant dans l'histoire géologique des continents.

    Ces pulses de production de croûte continentale pourraient être liés aux cycles de formation des supercontinentssupercontinents. Les modèles numériquesmodèles numériques et les données paléomagnétiques montrent que les phases d'agrégation et de fragmentation des supercontinents s'accompagnent par des changements de vitessevitesse des plaques lithosphériques, induisant des alternances de périodes rapides et lentes. La survenue régulière de périodes de subductions rapides pourrait alors expliquer la récurrence des pulses, puisque ce processus mène à la production de nouvelle croûte continentale et au recyclage d'une partie de la croûte ancienne.

    Marion Garçon conclut que la façon dont le volume total de croûte continentale varie au cours du temps dépend dans tous les cas de la balance entre ces deux grands processus géologiques.

    Supercontinent Gondwana © Benoit Rochon, <em>Wikimedia Commons</em>, CC by-sa 3.0
    Supercontinent Gondwana © Benoit Rochon, Wikimedia Commons, CC by-sa 3.0