La quantité d’oxygène dans l’atmosphère aurait longtemps stagné à des taux particulièrement bas, impactant le développement de la biosphère. De nouveaux résultats qui pourraient entraîner une révision des stratégies de recherche de la vie sur les exoplanètes.


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    La vie terrestre est intimement liée à l'oxygène présent dans l'atmosphère et les océans. Or, si aujourd'hui notre Planète a la particularité de compter 21 % d'oxygène dans son atmosphère, ceci n'a pas toujours été le cas. Loin de là !

    Si l'on regarde l'histoire de la Terre, on se rend compte que ce fort taux d’oxygène est relativement récent, et que la grande majorité de cette histoire est dominée par des conditions plutôt anoxiques, c'est-à-dire avec très peu d'oxygène. Si la vie était déjà présente durant ces stades antérieurs, ce faible taux d'oxygène semble pourtant avoir été un facteur hautement limitant dans le développement de la biosphère, et ce durant plusieurs milliards d'années.

    Approximation de l'évolution du taux d'oxygène dans l'atmosphère terrestre au cours du temps. © Ariel Provost (adaptation de la version anglaise), Wikimedia Commons, CC by-sa 4.0
    Approximation de l'évolution du taux d'oxygène dans l'atmosphère terrestre au cours du temps. © Ariel Provost (adaptation de la version anglaise), Wikimedia Commons, CC by-sa 4.0

    À quel moment les taux d'oxygène sur Terre ont-ils donc atteint un niveau suffisant pour permettre l'expansion et la complexification des organismes vivants ? Voilà l'une des questions à laquelle des chercheurs de l'Université de McGill (Canada) ont tenté de répondre.

    Il y a 1 milliard d’années, le taux d’oxygène était à 1 % de l’actuel

    Pour contraindre ce point, les chercheurs ont analysé des échantillons de roches sédimentaires très anciennes (d'âge Protérozoïque), riches en ferfer, provenant de divers endroits autour du globe. Ces roches sont les témoins des conditions environnementales ayant régné dans un milieu marin peu profond, de type côtier, il y a 1 à 2 milliards d'années. L'analyse chimique du fer oxydé contenu dans ces roches a permis aux scientifiques d'estimer la quantité d'oxygène présente dans ce milieu lorsque ces roches se sont formées. Les résultats montrent que les taux étaient terriblement bas à cette époque et représentaient moins de 1 % des taux actuels pour le même type d'environnement.

    Roches sédimentaires riches en fer, datant du Protérozoïque, qui témoignent du faible taux d'oxygène sur Terre à cette époque. © Maxwell Lechte, <em>Mc Gill University</em>
    Roches sédimentaires riches en fer, datant du Protérozoïque, qui témoignent du faible taux d'oxygène sur Terre à cette époque. © Maxwell Lechte, Mc Gill University

    L'étude montre également que l'augmentation des taux d'oxygène dans l'atmosphère s'est faite par paliers, et que ceux-ci sont corrélés avec les différentes grandes étapes de l'évolution et de l'expansion des écosystèmesécosystèmes terrestres. Cependant, ces conditions avec peu d'oxygène auraient persisté de façon stable sur près d'un milliard d'années, avant que la quantité d'O2 ne commence à grimper rapidement, il y a 750-900 millions d'années. Cette transition corrèle étroitement avec l'apparition d'organismes beaucoup plus complexes. Si la vie était donc bel et bien présente avant l'augmentation des taux d'oxygène, ces conditions environnementales ont certainement freiné son développement et son expansion sur une longue période.

    Rechercher l’ozone plutôt que l’oxygène comme traceur biologique sur les exoplanètes

    Ces résultats, à paraître dans la revue PNAS, ont d'importantes implications pour l'exploration de la vie sur d'autres planètes. La recherche de traces d’oxygène dans les atmosphères des exoplanètesexoplanètes est actuellement l'une des façons d'envisager la présence de vie extraterrestre, passée ou présente. L'oxygène est en effet considéré comme une biosignature. Sauf que les résultats de l'étude montrent que les atmosphères des planètes telluriquesplanètes telluriques pourraient se stabiliser, à l'image de la Terre, à des taux relativement bas d'oxygène. Or, il est difficile de détecter des taux si faibles. Les auteurs proposent donc que la meilleure chance de détecter de l'oxygène dans l'atmosphère d'une exoplanète soit de rechercher son sous-produit, l’ozone.

    L'ozoneozone est en effet plus facilement détectable, même en faible quantité, grâce à sa capacité à absorber les ultravioletsultraviolets. Un procédé qui permettrait, peut-être, d'augmenter nos chances de trouver des signes de vie sur d'autres planètes, en dehors du Système solaire.


    La Terre était riche en oxygène il y a deux milliards d'années

    À cette époque, les chercheurs pensaient que les niveaux d'oxygène sur Terre diminuaient. Mais des preuves trouvées dans une carottecarotte de forage laissent croire le contraire. Il y a deux milliards d'années, notre Planète était riche en oxygène.

    Article de Nathalie MayerNathalie Mayer publié le 14 mai 2020

    Il y a deux milliards d'années, la Terre était beaucoup plus riche en oxygène que le pensaient les scientifiques. De quoi ouvrir la voie à l'évolution de formes de vie complexes. C'est la conclusion d'une étude menée par des chercheurs de l’université de l’Alberta (Canada) sur une carotte de forage russe.

    Les chercheurs ont analysé la carotte contenant de la shungite, une roche sédimentaire riche en carbonecarbone déposée à une époque où les niveaux d'oxygène sur notre Planète diminuaient rapidement. Du moins selon les modèles de cycles du carbone et de l'oxygène établis. Après ce que les paléontologuespaléontologues appellent l'événement Lomagundi-Jatuli qui s'est produit entre il y a 2.220 et 2.060 millions d'années.

    Cette shungite vieille de deux milliards d’années cache des preuves de conditions douces et riches en oxygène au début de l’histoire de la Terre. © K. Paiste, Université de l’Alberta
    Cette shungite vieille de deux milliards d’années cache des preuves de conditions douces et riches en oxygène au début de l’histoire de la Terre. © K. Paiste, Université de l’Alberta

    Des conditions favorables à la vie

    « Ce que nous avons trouvé contredit l'opinion qui prévaut », commente Kaarel Mänd, doctorant, dans le communiqué. Le matériaumatériau qu'il a analysé présente en effet des niveaux sans égal -- avec d'autres de la Terre primitive -- de molybdènemolybdène, d'uraniumuranium et de rhéniumrhénium notamment. Or ces métauxmétaux ne sont considérés comme courants dans les océans et les sédimentssédiments que lorsque l'oxygène, lui-même, est abondant dans les océans de la Terre.

    Cette découverte offre également un aperçu de l'évolution de formes de vie complexe sur notre Planète. Les eucaryoteseucaryotes, en effet -- considérés comme les précurseurs de toute vie complexe --, ont besoin d'un niveau élevé d'oxygène pour prospérer. Et cette étude renforce l'idée que des conditions favorables à leur évolution ont pu apparaître sur Terre beaucoup plus tôt que ne le pensaient les chercheurs.


    Il y a deux milliards d'années, l'oxygène atmosphérique s'écroulait !

    Non seulement il y a avait déjà de l'oxygène dans l'atmosphère de la Terre il y a 2,8 milliards d'années mais la teneur en O2 a fluctué de façon non négligeable avant l'explosion cambrienneexplosion cambrienne. Ces résultats surprenants viennent d'une équipe de géochimistes ayant étudié des isotopesisotopes du chrome piégés dans des roches déposées dans les océans pendant l'archéenarchéen.

    Article de Laurent SaccoLaurent Sacco paru le 11/09/2009

    Un affleurement dans un gisement de fer rubané (<em>banded iron formation</em>). Crédit : <em>Science</em>
    Un affleurement dans un gisement de fer rubané (banded iron formation). Crédit : Science

    La réalité est toujours plus complexe que ne l'imaginent les faibles capacités du cerveaucerveau de l'Homo SapiensHomo Sapiens. C'est une règle que l'histoire des sciences ne cesse de vérifier... On en a un nouvel exemple avec la publication dans Nature d'un article traitant des variations du taux de l'oxygène dans l'atmosphère de la planète pendant la période connue sous le nom d'archéen.

    Jusqu'à maintenant, on pensait que ce taux d'oxygène n'avait commencé à croître que pendant une période s'étendant entre -2,45 et -2,2 milliards d'années environ. Ce n'est qu'à ce moment que des organismes photosynthétiques, comme ceux à l'origine des stromatolithes, seraient devenus suffisamment nombreux pour libérer de grandes quantités d'oxygène dans les océans. On en a des preuves avec les célèbres gisementsgisements de fer rubanés (en anglais, banded iron formation, abrégé en BIF) qui se sont déposés à cette période.

    En effet, l'océan mondial contenait alors beaucoup de fer en solution et celui-ci a naturellement réagi avec l'oxygène massivement dégagé pour ensuite précipiter. A cette époque, les plages avaient donc la couleurcouleur de la rouillerouille. Les spécialistes en géosciences ont désigné cet événement par le terme de Grande OxydationOxydation, ou encore de crise de l'oxygènecrise de l'oxygène car pour beaucoup d'organismes vivants de l'époque, une telle quantité d'oxygène était toxique.

    Comme le fer n'a rapidement plus été en mesure de capturer l'oxygène dégagé, celui-ci a commencé à dégazer dans l'atmosphère à partir de l'océan saturé. Le taux d'oxygène de l'atmosphère serait ensuite resté relativement constant jusqu'à un deuxième événement survenu il y a entre -800 et -542 millions d'années. L'atmosphère s'est alors brutalement enrichie en oxygène et, étrangement, c'est vers la fin de cette période que se produit la fameuse explosion cambrienne.

    Avant la crise de l'oxygène, l'atmosphère recélait bien un peu d'O2 mais il provenait de réactions chimiquesréactions chimiques liées à la photodissociation des moléculesmolécules d'eau atmosphérique sous l'action du rayonnement solairerayonnement solaire. La quantité était infinitésimale et comme les stromatolithesstromatolithes n'étaient apparues que peu de temps avant la Grande Oxydation, il n'y avait pas de sources pour produire plus tôt de grandes quantités d'oxygène. C'est du moins ce que l'on croyait...

    Des fluctuations étonnantes

    Afin de suivre plus précisément l'évolution du taux d'oxygène dans l'atmosphère, une équipe internationale de géochimiste s'est concentrée sur les isotopes du chrome piégés dans les sédiments riches en fer. La quantité de ces isotopes dans l'eau de mer dépend du taux d'altération et d'érosion des roches continentales par les eaux de pluies, lequel à son tour est relié au taux d'oxygène dans l'atmosphère. L'étude des variations fines du taux d'isotopes piégés semble un bon indicateur des variations du taux de l'oxygène atmosphérique et, comme les chercheurs l'expliquent dans Nature, les résultats ont été de quoi étonner.

    Première surprise, le taux d'O2 a commencé à augmenter plus tôt qu'on ne l'imaginait, il y -2,8 milliards d'années. Ensuite, après la crise de l'oxygène, le taux de ce gazgaz a chuté !

    Selon Simon Poulton de l'université de Newcastle, l'un des auteurs de l'article de Nature, l'augmentation du taux de l'oxygène de l'atmosphère il y a -2,8 milliards d'années montre une situation très instable avec des fluctuations et de brefs épisodes d'apparition d'oxygène libre dans l'atmosphère avant cette chute. En revanche, les données soutiennent à nouveau fortement que l'explosion cambrienne est bien concomitante d'une brusque élévation du taux de l'oxygène dans l'atmosphère de la Terre.