Est-il possible de prévoir une éruption ? Si c’est le cas à moyen terme, il n’est pas encore possible d’estimer la date précise. Le nombre de paramètres à considérer est en effet énorme. Mais la recherche progresse, notamment grâce à l’étude des failles induites par l’injection de magma.


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    Près de 800 millions de personnes vivent à proximité et sous la menace d'un volcan. Pouvoir prévoir, à plus ou moins brève échéance, la survenue d'une prochaine éruption est donc d'un intérêt public capital. Mais les phénomènes naturels sont complexes, et nous sommes encore loin de les comprendre de bout en bout. De plus, chaque système volcanique est unique et la survenue d'une éruption va dépendre d'un nombre incroyable de paramètres qui nous sont pour la plupart inaccessibles. Si l'anticipation exacte, au jour près, restera certainement à jamais une illusion, certains indices peuvent cependant permettre d'estimer si une éruption se dessine à court terme.

    Petit rappel : comment fonctionne un volcan ?

    Pour essayer de prédire la survenue d'une éruption, il faut tout d'abord comprendre comment fonctionne un système magmatique. Tout est une histoire de pressionpression, et d'équilibre. Tout commence par la génération d'un magma, issu de la fusion partielle des roches du manteaumanteau. L'origine de cette fusion peut être diverse, mais elle est généralement liée à une anomalieanomalie thermique, à une décompression, ou à une modification des paramètres physiquesphysiques (comme l'hydratationhydratation des roches), qui vont abaisser le point de fusion des minérauxminéraux. Lorsque le magma se forme, sa densité plus faible que le milieu encaissant va le faire remonter à travers la croûtecroûte à travers un réseau de porositésporosités ou de fractures. Souvent, il va rester coincé à une certaine profondeur, où il va commencer à cristalliser. On appelle cela le réservoir magmatique, qui n'a rien d'une cavité. Il s'agit plutôt d'un milieu où le liquideliquide magmatique est présent de façon interstitielle, entre des grains solidessolides.

    Schéma présentant les différentes étapes du magma avant l'éruption. © Woudloper, Wikimedia Commons, CC by-sa 3.0
    Schéma présentant les différentes étapes du magma avant l'éruption. © Woudloper, Wikimedia Commons, CC by-sa 3.0

    Sous hautes pressions, le magma contient une certaine part de gazgaz dissous. La diminution de pression fait que les gaz vont former des bulles au sein du réservoir magmatique. Or, l'augmentation progressive de magma et de gaz à ce système clos va faire doucement augmenter la pression dans le réservoir, jusqu'au point de rupture. C'est alors qu'interviennent les propriétés intrinsèques du milieu, qui font que chaque éruption est unique et extrêmement difficile à prévoir. Le point de déséquilibre va en effet dépendre des propriétés chimiques et physiques des magmas (composition, viscositéviscosité, pourcentage de gaz...), mais également de la structure et de la composition des roches encaissantes. Ce sont ces paramètres, très difficiles à déterminer, qui vont définir où, quand et comment l’éruption va avoir lieu.

    Les géologues à la recherche de petits indices

    Cette augmentation de pression au sein du réservoir magmatique génère cependant de subtils indices en surface, que les géologuesgéologues tentent de déceler. Il s'agit principalement d'une déformation du sol au-dessus du système volcanique. Même si le magma se trouve à plusieurs kilomètres de profondeur, la pression qu'il exerce est considérable et va entraîner un bombement de la zone en surface, mais également la génération de failles. Ces déformations peuvent être observées grâce aux mesures de l’élévation de la surface par satellite, ou grâce aux sismomètres, qui enregistrent les séismesséismes associés à la fracturation du sous-sol. Ces données fournissent des informations sur l'activité d'un volcan, mais ne permettent pas d'estimer précisément la survenue d'une éruption.

    Dykes (roche sombre) recoupant une série encaissante (roche claire). © Jonathan.s.kt, Wikimedia Commons, domaine public
    Dykes (roche sombre) recoupant une série encaissante (roche claire). © Jonathan.s.kt, Wikimedia Commons, domaine public

    Certains géologues tentent donc de trouver des indices précis permettant de suivre l'évolution du système magmatique. C'est le cas de Craig Magee, de l’université de Leeds, en Angleterre. Son attention se porteporte sur les dykesdykes. Les dykes représentent des sortes de filonsfilons remplis de magma cristallisé, orientés verticalement. Les dykes sont créés lors du cheminement du magma à travers la croûte. Ils peuvent faire plusieurs dizaines de mètres de large et s'étendre sur plusieurs kilomètres en profondeur.

    Lors de l'injection de magma dans la croûte au sein d'un dyke, la pression va engendrer la formation de deux failles conjuguées, qui vont se propager jusqu'en surface en formant les deux bras d'un V. Ces failles bien particulières donnent donc des indications sur ce qui se passe en profondeur. L'espacement entre ces deux failles conjuguées ainsi que leur extension en profondeur donnent aux scientifiques une idée de la profondeur et de l'épaisseur du dyke. Les chercheurs savent ainsi si le magma est proche de la surface et quelle est sa quantité. Ces informations peuvent alors servir à construire des modèles numériques ou analogiques de l’évolution du système magmatique. Les recherches actuelles portent sur la méthodologie à appliquer pour augmenter la précision des estimations en fonction des propriétés du sous-sol. Celles-ci affectent en effet largement la manière dont les failles se propagent.