Des dolines, structures géologiques typiques de nos régions karstiques, ont été découvertes à plus de 4.000 mètres de fond, au pied de la plateforme carbonatée des Bahamas.


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    Parmi les formations géologiques typiques de nos paysages karstiques, nous pouvons citer les dolines. Ces dépressions de forme circulaire observées sur les plateaux calcaires, notamment dans les monts du Jura ou dans les Pyrénées, résultent de la dissolution des roches par les eaux de ruissellement, rendues acidesacides par la végétation. Il s'agit donc d'un processus d'érosion chimique qui ronge progressivement la roche calcaire en profondeur et entraine un effondrementeffondrement lorsque les cavités ainsi créées arrivent à proximité de la surface. Il s'ensuit la formation de trous dont le diamètre peut aller jusqu'à plusieurs centaines de mètres.

    Exemple de doline sur le plateau de Lescaumère, Bielle, Pyrénées-Atlantiques, France. © JYB Devot, <em>Wikimedia Commons</em>, CC by-sa 4.0
    Exemple de doline sur le plateau de Lescaumère, Bielle, Pyrénées-Atlantiques, France. © JYB Devot, Wikimedia Commons, CC by-sa 4.0

    Des dolines également en milieu marin

    Mais ce type de formation n'est pas spécifique au domaine émergé. Des dolines sont en effet depuis longtemps connues en mer, comme les célèbres Blue Holes des Bahamas. Situés à faible profondeur, généralement à moins de 100 mètres sous la surface, ces « trous bleus » sont cependant très profonds. Le Trou Bleu de Dean s'enfonce ainsi sur plus de 200 mètres. Ces dolines aujourd'hui sous-marines se sont pourtant formées à l'airair libre, alors que le niveau des océans était bien plus bas lors de la dernière période glaciaire.

    Le Grand Trou Bleu au Bélize est une doline formée dans une plateforme calcaire. © <em>U.S. Geological Survey</em> (USGS), <em>Wikimedia Commons</em>, domaine public
    Le Grand Trou Bleu au Bélize est une doline formée dans une plateforme calcaire. © U.S. Geological Survey (USGS), Wikimedia Commons, domaine public

    Récemment, des scientifiques ont cependant découvert des dolines géantes dans un tout autre environnement : sur le fond de la plaine abyssale. Ces structures, situées à plus de 4.500 mètres sous l'eau, ont été observées au pied de la plateforme carbonatée des Bahamas. Des données de sismique réflexion acquises entre 2016 et 2017 ont ainsi mis à jour 29 trous circulaires, faisant de 255 à 1.819 mètres de diamètre et de 30 à 185 mètres de profondeur. Ces dimensions, tout autant que la profondeur de ces dolines, ont interpellé les scientifiques de la mission océanographique Caramba-2 (Carbonate Ramp Bahamas Re-sedimentation).

    Des fluides corrosifs pourraient contribuer à la génération de tsunamis

    Dans un article publié dans la revue Geomorphology, les scientifiques de l'Université de Bordeaux pensent que ces structures ont été formées par la dissolution des carbonates du pied de la plateforme par des fluides corrosifs de type saumure. Ces fluides, qui ont une densité supérieure à celle de l'eau de mer, circuleraient le long de la base de la plateforme, piégés par l’immense escarpement de Blake Bahama qui s'élève sur plus de 4.500 mètres au-dessus de la plaine océanique de San Salvador. Les dépressions sont en effet alignées le long de l'escarpement et sont plus spécifiquement situées à l'intersection avec de grandes zones de fractures.

    Voir aussi

    Les scientifiques partent explorer l’immense Trou bleu au large de la Floride

    Les scientifiques supposent que ces failles, qui découpent la plateforme carbonatée, servent de conduit pour ces fluides issus de la dissolution des roches évaporitiquesroches évaporitiques (sels) présentes au sein de la plateforme. La forte densité de ces fluides les fait migrer vers les profondeurs jusqu'au pied de l'escarpement où ils sont ensuite piégés et vont commencer à dissoudre les carbonates, préférentiellement le long des failles qui les acheminent jusque-là. La morphologiemorphologie du pied de l'escarpement de Blake Bahama serait ainsi à associer à ce processus de dissolution, qui pourrait notamment engendrer des effondrements capables de générer des tsunamis.

    Les structures de dissolution et d'effondrement observées au pied de l'escarpement de Black Bahama, à plus de 4.500 mètres de fond. © T. Cavailhes, CNRS, Epoc
    Les structures de dissolution et d'effondrement observées au pied de l'escarpement de Black Bahama, à plus de 4.500 mètres de fond. © T. Cavailhes, CNRS, Epoc

    Cette étude révèle donc l'échelle des circulations de fluides au niveau des plateformes carbonatées et aide à comprendre leur distribution dans ce type d'environnement profond. L'étude plus poussée de ces structures de dissolution et d'effondrement à grande profondeur pourrait permettre de mieux comprendre et de prévenir les déstabilisations gravitaires potentiellement à l'origine de tsunamis. Les scientifiques supposent également que l'échappement de saumure au fond de ces dolines pourrait soutenir l'existence d'écosystèmesécosystèmes basés sur la chimiosynthèsechimiosynthèse.