En Hongrie, se trouve un site exceptionnel, pétrifié comme Pompéi par une violente éruption volcanique. Le site d’Ipolytarnóc permet aujourd’hui d’observer un environnement datant d’il y a 17 millions d’années. Les causes exactes de sa pétrification n’avaient cependant jamais été détaillées.


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    Pompéi, célèbre pour ses vestiges romains exceptionnellement préservés n'est pas le seul site à avoir été « figé » dans le temps par une éruption volcanique. Si la cité antique nous dévoile encore aujourd'hui d'innombrables trésors archéologiques qui aident à comprendre la civilisation de la Rome antique, d'autres sites enfouis sous les cendres permettent aux scientifiques de jeter un œilœil dans le passé et d'observer une photographiephotographie de ce qu'était la vie sur Terre il y a plusieurs millions d'années.

    C'est le cas d'Ipolytarnóc. Désignée comme « l'ancienne Pompéi », ce site fossile est situé au nord de la Hongrie. Enfouie sous une épaisse couche de dépôts volcaniques, Ipolytarnóc nous montre à quoi ressemblait la faune et la flore dans cette région du monde il y a 17 millions d'années. Tout comme la ville de Pompéi et l’éruption du Vésuve en l’an 79, Ipolytarnóc a connu une soudaine catastrophe volcanique qui a littéralement pétrifié le site et son écosystème, nous permettant aujourd'hui d'observer un environnement du MiocèneMiocène, extrêmement bien conservé.

    Un environnement côtier et subtropical soumis à de violentes éruptions explosives

    La localité d'Ipolytarnóc est située dans le bassin pannonien, ou plaine de Pannonie, en Europe centrale. Cette plaine est aujourd'hui bordée au nord et à l'est par la chaîne des Carpathes, à l'ouest par les Alpes, et au sud par les Alpes dinariques. Il s'agit d'une région soumise à un contexte complexe de convergence de plaques tectoniquesplaques tectoniques, en lien avec la géodynamique de la Méditerranée. Ce genre de contexte tectonique est souvent associé à de grandes éruptions volcaniques. Au Miocène, il y a environ 17 millions d'années, le bassin pannonien était ainsi le lieu de plusieurs grandes éruptions explosiveséruptions explosives de type silicique.

    Localisation actuelle de la plaine de Paonnie en Hongrie (<em>Great Hungarian Plain</em>). © Demis Mapserver, <em>Wikimedia Commons</em>, CC by-sa 3.0
    Localisation actuelle de la plaine de Paonnie en Hongrie (Great Hungarian Plain). © Demis Mapserver, Wikimedia Commons, CC by-sa 3.0

    Ce type d'éruptions produit d'importants volumesvolumes de dépôts volcaniques (ignimbrites, pyroclastes) qui viennent recouvrir le paysage sur des dizaines de milliers de kilomètres carrés, impactant invariablement les écosystèmes.

    Au Miocène, le site d'Ipolytarnóc se trouvait au niveau d'un archipelarchipel entouré par la mer épicontinentale Paratethys, qui occupait alors une bonne partie de l'Europe. Le climatclimat était de type subtropical, avec une riche et dense végétation. C'est dans ce contexte qu'a eu lieu une violente éruption volcanique qui n'a cependant jamais été correctement caractérisée.    

    Extension de la mer épicontinentale Paratéthys au Miocène. © Woudloper, <em>Wikimedia Commons</em>, domaine public
    Extension de la mer épicontinentale Paratéthys au Miocène. © Woudloper, Wikimedia Commons, domaine public

    Dans une étude publiée dans la revue Scientific Reports, des scientifiques de l'université Eötvös de Budapest ont ainsi cherché à détailler le déroulement des événements et les caractéristiques de l'explosion qui a mené à la pétrificationpétrification du site d'Ipolytarnóc.

    Une très violente explosion associée à une coulée pyroclastique froide

    Le site a été découvert au début du XIXe siècle. Il est exceptionnellement riche en fossiles de plantes et de troncs d'arbresarbres (conifères, palmiers...) avec notamment un tronc pétrifié dont la hauteur d'origine a été estimé à plus de 100 mètres de haut. Les unités sédimentaires les plus anciennes renferment les traces d'un environnement côtier avec de nombreux fossiles de mollusquesmollusques, de dents de requin et de coraux.

    De très nombreuses empreintes d'animaux sont également visibles : grands prédateurs, oiseaux, rhinocérosrhinocéros... faisant du site une référence mondiale en la matièrematière. Ces traces et ces fossiles sont cependant bien antérieurs à la catastrophe qui a dévasté la région. Ils lui doivent néanmoins leur excellente conservation.

    Tronc fossile datant de 17 millions d'années découvert à Ipolytarnóc. © Takkk, <em>Wikimedia Commons</em>, CC by-sa 3.0
    Tronc fossile datant de 17 millions d'années découvert à Ipolytarnóc. © Takkk, Wikimedia Commons, CC by-sa 3.0

    D'après les chercheurs qui ont étudié le site, l'éruption responsable de ce désastre aurait eu lieu il y a environ 17,2 millions d'années. Le volcanvolcan à l'origine de cette éruption serait situé à 80 km d'Ipolytarnóc. Les calculs basés sur les épaisseurs de sédimentssédiments volcaniques observés permettent d'estimer l'indice d'explosivité volcanique (VEI). Elle serait supérieure à 7, qui est la valeur définie pour l’éruption du Santorin durant l'Âge de BronzeBronze et qui aurait entraîné la chute de la civilisation Minoenne.

    La violence de cette explosion serait liée à la présence d'eau dans les conduits volcaniques, produisant une première phase éruptiveéruptive de type phreato-magmatique s'accompagnant d'une puissante coulée pyroclastiquecoulée pyroclastique qui a dévasté l'ensemble de la région en quelques minutes seulement. Cependant, contrairement à la véritable Pompéi italienne, cette coulée pyroclastique aurait été plutôt froide, abattantabattant les arbres mais permettant la fuite des animaux, dont aucun reste daté de l'éruption n'a été retrouvé sur le site fossile.

    Détail de la lithologie, des fossiles et des événements volcaniques survenus sur le site d'Ipolytarnóc. © Karátson et <em>al.</em>, 2022, <em>Scientific Reports</em>, CC by 4.0
    Détail de la lithologie, des fossiles et des événements volcaniques survenus sur le site d'Ipolytarnóc. © Karátson et al., 2022, Scientific Reports, CC by 4.0

    Après un temps de pause de duréedurée indéterminée, une seconde phase éruptive est venue recouvrir le site par d'importants volumes de cendres (jusqu'à 40 mètres d'épaisseur), le scellant pour plusieurs millions d'années.