Chaque jour qui passe semble vouloir mettre la forêt amazonienne de plus en plus en danger. Selon un nouveau rapport, avec 26 % de surface détruite ou fortement dégradée, elle aurait même désormais franchi son point de non-retour.


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    Des milliards d'arbres. Des millions d'insectes différents. Des oiseaux et des reptiles. Des mammifères aussi. L'Amazonie se pose comme un véritable trésor de biodiversité. Un trésor qu'il apparaît plus que jamais important de préserver dans le contexte du réchauffement climatique. Mais un rapport publié début septembre 2022 par des leaders indigènesindigènes suggère que la forêt amazonienne a d'ores et déjà atteint son point de basculement.

    Rappelons que, selon le Giec, le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climatGroupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (Giec), un point de basculement correspond à un « seuil critique au-delà duquel un système se réorganise, souvent brutalement et/ou de manière irréversible ». Un peu à l'image du moment où vous retirez la mauvaise brique d'une tour de Jenga et qu'elle s'effondre !

    Dans le cas de la forêt amazonienne, les scientifiques s'inquiètent depuis longtemps déjà des effets conjugués de la déforestationdéforestation et du réchauffement climatique. Un jour viendrait où elle ne serait plus capable d'entretenir son climat. Elle se transformerait alors en savane. Avec des arbres moins imposants, une biodiversitébiodiversité plus pauvre et des capacités de stockage du carbonecarbone moindre.

    De forêt tropicale à la savane

    Un jour viendrait, disaient encore les chercheurs en 2021. Et même au début de cette année 2022. Mais à en croire le rapport publié il y a quelques jours, ce jour est venu. Notamment parce que les données sur l'état de la couverture forestière recueillies entre 1985 et 2020 montrent que 26 % de la forêt amazonienne a soit été perdue (20 %) soit connait désormais un état de dégradation avancé (6 %). Or en 2018, des experts avaient annoncé que le point de basculement de l'Amazonie se situait... entre 20 et 25 % de surface détruite !

    L'analyse d'autres données montre quant à elle les effets de la déforestation. Des précipitationsprécipitations qui ont déjà diminuées de 17 % sur les 20 dernières années du côté de la Bolivie. Avec une température en hausse de +1,1 °C. Et une région qui évolue effectivement d'ores et déjà en savane. Dans le sud de l'Amazonie, la saisonsaison sèche dure désormais quatre à cinq mois. C'est cinq semaines de plus qu'en 1999. À partir de cinq à six mois, la forêt ne survivrait pas.

    Les experts appellent ainsi à restaurer rapidement au moins 6 % de forêt amazonienne -- soit 54 millions d'hectares --, l'équivalent de la surface aujourd'hui fortement dégradée. Parmi les pistes, l'industrie pétrolière et l'industrie minière qui dégradent la forêt. Des projets de constructionconstruction de routes qui menacent son intégritéintégrité. Mais selon une très récente étude, ce sont surtout les projets agricoles qui sont à revoir. Entre 90 et 99 % de toute la déforestation dans les tropiquestropiques serait en effet due directement ou indirectement à l'agricultureagriculture. Alors même que « seulement » la moitié à deux tiers se traduit par une expansion de la production.

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    Dans le même temps, entre le 1er et le 4 septembre dernier, l'Institut national de recherches spatiales (INPE) brésilien a recensé pas moins de 12.133 foyers d’incendie en Amazonie. C'est plus des deux tiers du total de septembre 2021. Et cela arrive après le pire mois d'août en la matièrematière depuis douze ans. Il faut dire que depuis l'arrivée au pouvoir de Jair Bolsonaro en 2019, la déforestation de la forêt amazonienne dans le pays a augmenté de 75 % par rapport à la décennie précédente.


    La forêt amazonienne est au bord de la rupture

    La forêt amazonienne est menacée. Par un réchauffement climatique et par des opérations de déforestation qui la fragilisent. Des chercheurs le confirment aujourd'hui. Ils apportent des preuves empiriques directes que la forêt amazonienne perd de sa résiliencerésilience. Et s'approche ainsi dangereusement de son point de basculement.

    Article de Nathalie MayerNathalie Mayer paru le 13/03/2022

    Au mois de janvier dernier, les chiffres de l'Institut national de recherche spatiale du Brésil (Inpe) nous alertaient une fois de plus. L'Amazonie brésilienne venait de perdre, au cours de ce seul mois, 430 kilomètres carrés de forêt. Pour vous faire une idée, sachez que cela représente environ quatre fois la surface de la ville de Paris. Mais surtout, c'est pas moins de... cinq fois plus qu'en janvier de l'année dernière. Alors même que le gouvernement promettait, récemment, de maîtriser la déforestation de l'Amazonie.

    Rappelons que la forêt amazonienne, c'est la plus grande forêt tropicale au monde. À elle seule, elle compte même pour plus de la moitié des forêts tropicalesforêts tropicales. Elle abrite une biodiversité inestimable. Tout en jouant un rôle majeur dans le système climatique terrestre. Par son influence sur les précipitations de tout un continent et par les quantités colossales de carbone qu'elle stocke.

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    Aujourd'hui, une équipe internationale de chercheurs publie -- dans le cadre du projet Tipping Points in the Earth System (TiPES), un projet dédié à l'étude des points de basculement -- une étude qui conclut que, depuis le début des années 2000, plus des trois quarts de la forêt amazonienne ont perdu leur résilience. Comprenez, de leur capacité à se relever d'une perturbation quelconque. Qu'il s'agisse d'une opération de déforestation, d'une tempêtetempête ou d'un feu de forêt.

    Réchauffement climatique et déforestation

    Ce résultat, les chercheurs le tirent non pas de prévisions de modèles climatiques, mais d'une analyse statistique approfondie de 30 années de données satellitaires de la région. Les chercheurs ont travaillé notamment sur ce qu'ils appellent l'épaisseur optique de la végétation -- ou VOC pour végétation optical depth -- qui leur donne une idée assez précise de la quantité de biomassebiomasse et de la teneur en eau dans les plantes. Un indicateur qui trahit l'efficacité avec laquelle la végétation se relève d'une perturbation. Et ils ont ainsi observé des pertes de résilience plus prononcées dans les zones les plus sèches. Mais aussi dans les régions situées dans un rayon de quelque 200 kilomètres d'installations humaines.

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    L'étude révèle que cette perte de résilience rapproche la forêt amazonienne de son point de basculement. Le point auquel l'écosystèmeécosystème subirait un changement brutal. Elle note en effet ce que les chercheurs qualifient de ralentissement critique de la dynamique de l'écosystème. Un ralentissement observé toujours dans les données caractérisant la biomasse et la verdeur de la forêt. Un ralentissement qui signe un affaiblissement des forces de rappel capables de ramener la forêt à son équilibre après des perturbations.

    Si la forêt tout entière -- ou même quelques régions -- venait à basculer, elle se transformerait en un habitat bien plus sec, de type savane. Et si les chercheurs restent incapables de prévoir à quel moment ce basculement pourrait se produire, ils estiment toutefois que le point de non-retour n'a probablement pas encore été franchi. Qu'il est donc toujours possible d'éviter le pire.

    Le saviez-vous ?

    La « savanification » de la forêt amazonienne pourrait mener à l’émission de 90 gigatonnes de CO2. L'équivalent de plus de deux fois les émissions mondiales d’une année. Avec les conséquences de l’on imagine sur le réchauffement climatique.

    Comment ? En agissant sur les zones que ces travaux identifient comme les plus menacées. Les zones les plus sèches et les zones les plus marquées par la présence humaine. Puisque les modèles climatiquesmodèles climatiques montrent que le réchauffement va assécher la région, il y a, sur ce front aussi, urgence à limiter nos émissionsémissions de gaz à effet de serre pour contenir ce changement climatique. Et puisque notre empreinte blesse la forêt amazonienne, il apparaît tout aussi indispensable de réduire, de manière drastique, l'exploitation forestière dans la région.