Pour maintenir le réchauffement climatique sous la barre des 1,5 °C, il est indispensable de réduire les émissions de CO2. Mais il faut également trouver des moyens d’éliminer une bonne partie du carbone déjà présent dans l’atmosphère. Pour cela, les États comptent sur les forêts. Il faudra alors restaurer des forêts naturelles, préviennent les chercheurs.


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    « Les monocultures stockent beaucoup moins de carbonecarbone que les forêts naturelles. Pour lutter contre le réchauffement climatique, la restauration des forêts naturelles est clairement l'approche la plus efficace. » C'est la conclusion d'une étude menée suite aux annonces faites par de nombreux pays portant sur leur volonté de planter des arbres pour sauver la planète.

    Lancé en 2011, le Défi de Bonn, étendu par la Déclaration de New York sur les forêts, encourage les États à restaurer 150 millions d'hectares de forêts avant 2020 et 350 millions d'hectares d'ici 2030. C'est peu ou prou la superficie de l'Inde. Objectif : stocker près de deux gigatonnes d'équivalent CO2 par an. Et produire, par la même occasion, des revenus supplémentaires pour les communautés rurales notamment.

    Mais selon les calculs des chercheurs de l'University College de Londres (Royaume-Uni) fondés sur les engagements de 43 pays, seule la biodiversité de forêts naturelles est capable de capturer suffisamment de carbone atmosphérique pour maintenir le réchauffement de la planète sous la barre des 1,5 °C. Les forêts naturelles, en effet, stockent 40 fois plus de carbone que les plantations et 6 fois plus que l'agroforesterie.

    14,6 millions d’hectares. C’est la superficie de forêts naturelles que le Vietnam compte restaurer. Pour l’heure, l’engagement le plus important au monde en la matière. © sasint, Pixabay License
    14,6 millions d’hectares. C’est la superficie de forêts naturelles que le Vietnam compte restaurer. Pour l’heure, l’engagement le plus important au monde en la matière. © sasint, Pixabay License

    Des forêts oui, mais des forêts naturelles

    Ainsi la restauration sur 350 millions d'hectares de forêts naturelles pourrait permettre d'éliminer de l'atmosphère quelque 42 milliards de tonnes de carbone d'ici 2100. Ce qui reste peu au regard des 730 milliards de tonnes qui seraient nécessaires à limiter le réchauffement climatique. Une stricte applicationapplication des promesses des États - qui prévoient des plantations dans 45 % des cas, une restauration de forêt naturelle dans 34 % des cas et de l'agroforesterie dans 21 % -, toutefois, réduirait encore ce chiffre à 16 milliards de tonnes. Si des monocultures commerciales étaient plantées sur les 350 millions d'hectares, il tomberait même à un milliard de tonnes.

    Sans un programme de restauration des forêts naturelles, le réchauffement climatique ne pourra pas être contenu

    « Ces différences s'expliquent, en autres, par le fait que les plantations sont coupées tous les dix ans environ, explique Charlotte Wheeler, chercheur à l'université d'Édimbourg (Écosse).  Il faut garder à l'esprit que les forêts, aussi naturelles soient-elles, ne suffiront pas, à elles seules, à atteindre nos objectifs climatiques. Cependant aucun scénario susceptible de contenir le réchauffement climatique n'a été imaginé sans la restauration à grande échelle de forêts naturelles. »

    En conclusion, les scientifiques recommandent :

    • d'augmenter la proportion de terresterres en cours de régénération en forêts naturelles ;
    • d'accorder la priorité à la restauration en Amazonie, à Bornéo et dans le bassin du Congo, qui abritent des forêts à biomassebiomasse très élevée par rapport aux régions plus sèches ;
    • de compter sur les stocks de carbone existants en ciblant préférentiellement les forêts dégradées ;
    • et, une fois la forêt naturelle restaurée, de la protéger au mieux.

    La biodiversité des forêts limite les conséquences du changement climatique

    La diversité des espècesespèces végétales atténuerait significativement l'impact négatif du changement climatique. Lequel, en effet, entraîne des sécheressessécheresses accrues ralentissant la décomposition des litièreslitières et donc la remise à disposition au sol du carbone et de l'azoteazote.

    Article du CNRS paru le 12/07/2017

    Pour étudier la décomposition des litières dans les forêts, processus clé du fonctionnement des écosystèmesécosystèmes qui régule le recyclagerecyclage de la matièrematière organique et la remise à disposition des éléments nutritifs, une équipe de l'Institut méditerranéen de biodiversité et d'écologieécologie marine et continentale (IMBE-CNRS, université Aix-Marseille, université d'Avignon, IRDIRD) a effectué une expérience durant deux ans sur le site de l'O3HP (Oak Observatory at OHP), dans les Alpes de Haute-Provence. L'objectif était de comparer la dégradation de trois types de litières (mélange de feuilles d'une à trois espèces végétales : chêne pubescentchêne pubescent, érable de Montpellierérable de Montpellier, sumac-fustetsumac-fustet) dans deux parcelles forestières. L'une était soumise à une sécheresse accrue grâce à un système d'exclusion des pluies printanières et estivales performant, et l'autre comme parcelle témoin. Par la même occasion, ils ont suivi l'évolution des communautés d'organismes décomposeursdécomposeurs et prédateurs (abondance, diversité et interactions trophiques) colonisant ces litières.

    La sécheresse printanière et estivale accrue entraîne, dans tous les cas, un ralentissement de la décomposition de la litière et donc de la remise à disposition au sol du carbone et de l'azote. Cependant, la présence de plusieurs espèces végétales dans la litière atténue significativement l'impact négatif de la réduction des précipitationsprécipitations sur cette décomposition.

    Voir aussi

    Le sol une biodiversité étonnante

    Système d’exclusion de pluie de l’O3HP. ©Thierry Gauquelin
    Système d’exclusion de pluie de l’O3HP. ©Thierry Gauquelin

    De l’intérêt de préserver la biodiversité

    Concernant les organismes de la mésofaune (la faunefaune de taille intermédiaire entre la microfaune et la macrofaune) présents dans ces litières, ils sont favorisés par le mélange d'espèces (plus de diversité et d'abondance), ce qui explique pour partie la meilleure décomposition observée. Néanmoins, la parcelle où le stress hydriquestress hydrique a été fortement augmenté montre des diminutions importantes dans l'abondance et la diversité des organismes colonisant les litières variables en fonction du groupe considéré. On observe ainsi, en liaison avec l'augmentation de la sécheresse, une modification du rapport entre organismes décomposeurs et prédateurs entrainant une pressionpression de prédation plus importante, une modification du rapport entre collemboles et acariensacariens oribates favorable à ces derniers, un impact à des degrés divers au sein des collemboles entraînant jusqu'à la disparition du groupe des Neelipleones.

    Cette étude publiée dans la revue Journal of Ecology souligne à la fois les modifications extrêmement rapides de la biodiversité présente dans la litière suite à une sécheresse accrue et surtout l'intérêt de conserver une diversité d'espèces végétales dans les forêts méditerranéennes de manière à limiter les conséquences du changement climatique en cours. Ces recherches s'inscrivent dans une problématique générale visant à mieux comprendre les relations biodiversité-fonctionnement dans les écosystèmes et l'intérêt de conserver une biodiversité élevée face aux contraintes environnementales croissantes.