En ce début 2018, la France est sous l'eau. Et les inondations causent des dégâts. Dans les médias, les conseils pour y échapper se multiplient. L'occasion de revenir sur la stratégie adoptée par les fourmis. Lors d’une inondation en effet, ces petites bêtes s'associent pour former un « radeau de survie ». Des chercheurs suisses les ont observées en pleine action en laboratoire : les ouvrières placent à la base les larves et les pupes, qui flottent mieux, et au centre la reine, la mieux protégée.

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    Article paru le 26/02/2014

    D'après une étude réalisée par des chercheurs de l'université de Lausanne, les fourmis s'associent pour créer des radeaux afin d'échapper aux inondations. La formation de cet édifice où les individus sont liés les uns aux autres est progressive et bien coordonnée, et permet d'obtenir une structure collective à géométrie précise. Ces résultats sont parus en ligne dans la revue Plos One en date du 19 février 2014.

    Les animaux sociaux sont capables de s'organiser pour favoriser la survie et le bien-être du groupe lorsqu'il est menacé. C'est le cas des fourmis qui vivent dans les plaines inondables et qui savent créer des radeaux lors d'inondations. Pour mieux comprendre la structure de ces assemblages, des chercheurs ont récupéré des fourmis Formica selysi dans une plaine inondable du Rhône, en Suisse. Après les avoir ramenées dans leur laboratoire, ils ont recréé les conditions d'une inondation pour observer en direct la formation d'un radeau.

    Dans ce radeau de fourmis, les individus sont associés pour favoriser la survie du groupe entier, aussi bien les pupes et les larves que les ouvrières et la reine. © D. Galvez, Purcell<em style="text-align: justify;">et al.</em>,<em style="text-align: justify;"> Plos One</em>, 2014, cc by sa 4.0

    Dans ce radeau de fourmis, les individus sont associés pour favoriser la survie du groupe entier, aussi bien les pupes et les larves que les ouvrières et la reine. © D. Galvez, Purcell et al., Plos One, 2014, cc by sa 4.0

    Pour simuler une inondation au laboratoire, les chercheurs ont placé une colonie de fourmis sur une plateforme, puis élevé lentement le niveau d'eau. Ils ont alors observé les positions des ouvrières, des couvées (larveslarves et pupespupes) et de la reine. Ils ont ainsi vu que les ouvrières plaçaient les larves et les pupes à la base afin de s'en servir de plateforme flottante. Les radeaux pouvaient comporter trois à quatre couches d'ouvrières. Celles-ci protégeaient la reine en la plaçant au centre du radeau, de sorte qu'elle ne touche pas l'eau.

    Les plus jeunes à la base du radeau de fourmis, car ils flottent mieux

    Pour Jessica Purcell, principale auteure de l'article, « nous nous attendions à ce que les individus immergés à la base du radeau subissent le plus de pertes, c'est pourquoi nous avons été surpris de voir que les fourmis plaçaient systématiquement les plus jeunes membres de la colonie à ces positions. » Mais il y a une explication : les larves et les pupes flottent le mieux et survivent bien à l'immersion. Les ouvrières étaient elles aussi particulièrement résistantes à l'immersion : après avoir passé huit heures sous l'eau, 79 % des fourmis ouvrières se rétablissaient.

    Les chercheurs ont aussi modifié la composition du groupe de fourmis pour voir comment évoluait le radeau : s'il n'y avait que des ouvrières, certaines se plaçaient à la base. En l'absence de jeunes, 25 à 50 % des ouvrières étaient en contact avec de l'eau. En revanche, dès qu'il y avait des larves et des pupes, très peu d'ouvrières se plaçaient à la base.

    Par conséquent, la configuration du radeau bénéficie à tout le groupe, puisque l'édifice épargne relativement bien la vie des ouvrières, des larves et des pupes, tout en permettant la survie de la reine. Contrairement à ce que l'on aurait pu penser, il n'y a pas de véritable dilemme lors de la formation du radeau ; si certaines positions semblent risquées, voire relever du sacrifice, ce n'est pas vraiment le cas étant donné la résistancerésistance des individus.