La respiration est l’une des caractéristiques fondamentales de la vie multicellulaire. C’est du moins ce que l’on pensait jusqu’à maintenant. Sauf que Henneguya salminicola, un parasite du saumon, a, quant à lui, totalement perdu cette capacité. Un cas qui démontre que l’évolution va parfois à rebours de la complexification.


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    Encore une certitude scientifique qui tombe à l'eau ! Il était admis jusqu'ici que les organismes multicellulaires avaient besoin d'oxygène pour se développer. Toutes nos cellules contiennent ainsi des mitochondriesmitochondries, des organelles dotées de leur propre génomegénome, et qui transforment l'oxygène en ATPATP, le carburant de l'organisme. Une équipe de scientifiques vient pourtant d'identifier un animal dépourvu de génome mitochondrial, et a qui donc perdu la capacité de respiration cellulairerespiration cellulaire aérobieaérobie.

    Un parasite qui a perdu ses mitochondries

    L'animal en question, un cnidaire nommé Henneguya salminicola, est un parasite du saumon. Ce cousin des méduses provoque chez le poisson des kysteskystes blancs contenant des milliers de spores (il n'est pas cependant dangereux pour l'Homme). C'est justement sur un saumon royal que l'équipe de chercheurs a prélevé un de ces parasites, et procédé à un séquençageséquençage profond de son ADNADN ainsi qu'à son analyse par microscopie fluorescente. Ils ont d'abord cru s'être trompés tant le résultat est surprenant : « H.salminicola a perdu non seulement son génome mitochondrial mais aussi presque tous les gènesgènes nucléaires impliqués dans la transcriptiontranscription et la réplicationréplication de ce dernier », notent les auteurs dans une étude parue dans la revue PNAS le 24 février. Autrement dit, il a perdu toute capacité à exploiter l'oxygène. Pour en avoir le cœur net, les chercheurs ont comparé leurs observations avec celles d'un autre parasite proche, Myxobolus squamalis, et ont constaté que ce dernier possédait, lui, de vrais gènes respiratoires.

    Au microscope, on remarque l’ADN nucléaire normal (en bleu) du parasite <i>H.salminicola </i>mais aucune présence d’ADN mitochondrial (qui serait visible sous forme de petits points bleus à côté de l’ADN nucléaire). © Stephen Douglas Atkinson
    Au microscope, on remarque l’ADN nucléaire normal (en bleu) du parasite H.salminicola mais aucune présence d’ADN mitochondrial (qui serait visible sous forme de petits points bleus à côté de l’ADN nucléaire). © Stephen Douglas Atkinson

    Bien sûr, il existe d'autres organismes anaérobies capables de survivre sans oxygène, mais ce sont des bactériesbactéries unicellulaires. Certaines bactéries intestinales comme Fusobacterium ou Clostridium, par exemple, produisent leur énergieénergie par fermentationfermentation. On en trouve aussi dans les fosses océaniquesfosses océaniques ou les milieux extrêmes, où elles utilisent des nitrates, des sulfates ou des métaux au lieu de l'oxygène pour survivre. Mais, chez un animal complexe comme le cnidaire, c'est une grande première. « Notre découverte montre que l'adaptation à un environnement anaérobie n'est pas réservée aux eucaryoteseucaryotes unicellulaires, mais s'est aussi produite chez les animaux multicellulaires », confirment les auteurs.

    Les spores du cnidaire <i>Henneguya salminicola</i> chez un saumon. © Stephen Douglas Atkinson
    Les spores du cnidaire Henneguya salminicola chez un saumon. © Stephen Douglas Atkinson

    La perte de gènes, un avantage évolutif ?

    L'autre enseignement surprise de cette découverte, c'est qu'évolution ne rime pas forcément avec complexification. Selon les chercheurs, H.salminicola n'est pas né sans ADN mitochondrial, puisqu'il subsiste des « traces » de structures mitochondriales, mais a perdu les gènes de sa fabrication au fil du temps. « La perte de gènes superflus confère probablement un avantage évolutif, car le coût bioénergétique d'un gène est plus élevé dans les génomes de taille réduite », expliquent les chercheurs. Or, les myxozoaires comme H.salminicola ont un des génomes les plus petits du règne animal, bien plus court que celui des méduses et des anémones dont ils sont issus. En outre, cette simplification à outrance permet au parasite de se reproduire très rapidement. Par rapport à leurs ancêtres, ces parasites ont d'ailleurs également perdu leurs cellules nerveuses et leurs muscles.

    Reste la question essentielle : comment fait cet animal pour vivre sans oxygène ? Sur ce point, les chercheurs n'ont pas de certitude. Certains autres parasites possèdent des protéinesprotéines capables d'importer de l'ATP des cellules de leur hôte, ce qui pourrait être le cas de H.salminicola, suggèrent-ils. Cette découverte nous amène en tous cas à revoir encore une fois notre définition de la vie.