Estimer le taux d’extinction des espèces dû au réchauffement climatique est un exercice délicat. Aujourd’hui, des chercheurs se sont attaqués au problème d’une manière inédite. Selon eux, même si l’accord de Paris était respecté, nous perdrions deux espèces animales et végétales sur dix. Dans un scénario moins optimiste, il faudrait dire adieu au tiers, voire à la moitié, de nos compagnons d’aventure sur cette Terre.


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    Sur le plan de la biodiversité, les nouvelles ne sont décidément pas très bonnes ces jours-ci. Il y a quelques jours, ces chercheurs nous alertaient sur le demi-million d’espèces d’insectes en danger de disparition. Aujourd'hui, une équipe de chercheurs de l'université de l'Arizona (États-Unis) estime que, si rien n'est fait pour limiter le réchauffement climatique, un tiers des espèces animales et végétales pourrait disparaître dans les 50 années à venir.

    Les chercheurs ont étudié des extinctions récentes dues au réchauffement climatique, les taux de déplacement des espèces et différentes projections du climat futur. Une première. Avec des données portant sur pas loin de 600 espèces végétales et animales dans près de 600 sites répartis sur l'ensemble du globe. Les espèces auxquelles ils se sont intéressés sont celles qui ont été étudiées au moins deux fois à moins de dix années d'intervalle. Le constat est inquiétant : 44 % de ces espèces ont déjà disparu dans un ou plusieurs sites.

    Les travaux des chercheurs de l’université de l’Arizona (États-Unis) montrent que les températures annuelles maximales constituent une variable clé en matière de disparition d’espèce. Ainsi, une hausse de 0,5 °C peut entraîner la perte de 50 % d’une population. À +2,9 °C, c’est 95 % des individus qui disparaissent. Ici, un genévrier à écorce d’alligator mort. Il n’a pas pu faire face à l’augmentation des températures extrêmes. Des relevés montrent toutefois que son espèce est poussée sur les pentes de montagnes sous l’impact du réchauffement climatique. © Ramona Walls, Université de l’Arizona
    Les travaux des chercheurs de l’université de l’Arizona (États-Unis) montrent que les températures annuelles maximales constituent une variable clé en matière de disparition d’espèce. Ainsi, une hausse de 0,5 °C peut entraîner la perte de 50 % d’une population. À +2,9 °C, c’est 95 % des individus qui disparaissent. Ici, un genévrier à écorce d’alligator mort. Il n’a pas pu faire face à l’augmentation des températures extrêmes. Des relevés montrent toutefois que son espèce est poussée sur les pentes de montagnes sous l’impact du réchauffement climatique. © Ramona Walls, Université de l’Arizona

    La température moyenne, pas si significative que ça

    Les chercheurs de l'université de l'Arizona ont analysé 19 variables climatiques pour déterminer lesquelles entraînent le plus d'extinctions. Et combien de changements une population donnée peut tolérer. À quelle vitessevitesse elle est capable de se déplacer pour échapper au réchauffement climatique aussi. De quoi, pensent-ils, estimer de manière détaillée les taux d’extinction mondiaux pour des centaines d'espèces.

    Les chercheurs indiquent que les températures annuelles moyennes, souvent utilisées pour caractériser le réchauffement climatique, ne sont finalement pas très significatives en matièrematière d'extinction d'espèces. Par ailleurs, contrairement à ce qui avait été avancé par de précédents travaux, les espèces ne devraient pas être en mesure de se disperser suffisamment vite pour éviter leur perte.


    Alerte sur la biodiversité : une espèce sur 8 est menacée d'extinction !

    On pourrait les qualifier de Giec de la biodiversité. Les scientifiques de la plateforme intergouvernementale sur la biodiversité et les services écosystémiques (IPBES) mettent en garde contre un dangereux déclin de la nature. Un taux d'extinction des espècesextinction des espèces sans précédent et qui s'accélère. Ils appellent à des changements transformateurstransformateurs.

    Article de Futura avec l'AFP-Relaxnews paru le 06/05/2019

    Genouille des fraises, <em>Dendrobates pumilio</em>, dans son milieu naturel au Costa Rica. © ondrejprosicky, fotolia
    Genouille des fraises, Dendrobates pumilio, dans son milieu naturel au Costa Rica. © ondrejprosicky, fotolia

    Déjà un million d'espèces menacées d'extinction et le rythme s'accélère : la nature qui permet à l'humanité de vivre est condamnée à poursuivre son déclin à moins d'« un changement profond » des modèles de production et de consommation des Hommes. Dans un rapport sans précédent publié ce lundi 6 mai, le groupe d'experts de l'ONU sur la biodiversité (IPBES) peint un tableau sombre de l'avenir de l'être humain qui dépend de la nature pour boire, respirer, manger, se chauffer ou se soigner. « Nous sommes en train d'éroder les fondements mêmes de nos économies, nos moyens de subsistance, la sécurité alimentaire, la santé et la qualité de vie dans le monde entier », décrit Robert Watson, président de l'IPBES.

    DéforestationDéforestation, agricultureagriculture intensive, surpêchesurpêche, urbanisation galopante, mines : 75 % de l'environnement terrestre a été « gravement altéré » par les activités humaines et 66 % de l'environnement marin est également touché. Résultat : environ un million d'espèces animales et végétales sur les quelque 8 millions estimées sur TerreTerre (et on ne les a pas toutes découvertes) sont menacées d'extinction, dont « beaucoup dans les prochaines décennies ».

    La première extinction qui pourrait être stoppée.

    Un constat en accord avec ce que de nombreux scientifiques décrivent depuis des années : le début de la sixième « extinction de masseextinction de masse » -- non mentionnée dans le rapport -- et la première dont l'Homme est responsable. Mais aussi « la première qui pourrait être stoppée si nous agissons de manière décisive maintenant », note Mark Tercek, président de l'ONG Nature Conservancy.

    Déforestation, agriculture intensive, surpêche, urbanisation galopante, mines : 75 % de l'environnement terrestre a été « gravement altéré » par les activités humaines. © DjiggiBodgi.com, fotolia
    Déforestation, agriculture intensive, surpêche, urbanisation galopante, mines : 75 % de l'environnement terrestre a été « gravement altéré » par les activités humaines. © DjiggiBodgi.com, fotolia

    Passer à l’action

    « Il n'est pas trop tard pour agir, mais seulement si nous commençons à le faire maintenant » et via un « changement transformateur » de notre société pour ralentir les « moteurs » de la perte de biodiversité qui menace l'Homme au moins autant que le changement climatique, estime également Robert Watson.

    Les cinq principaux coupables sont clairement identifiés : dans l'ordre, l'utilisation des terres (agriculture, déforestation), l'exploitation directe des ressources (pêchepêche, chasse), le changement climatique, les pollutions et les espèces invasivesespèces invasives. Mais même si l'accord de Paris sur le climat qui vise à limiter le réchauffement à maximum +2 °C est respecté, le changement climatique pourrait grimper au classement, tout en aggravant les autres facteurs.

    Heureusement, certaines actions pour réduire les émissions de gaz à effet de serre pourraient entraîner des effets bénéfiques directs sur la nature, permettant peut-être de sortir de ce cercle vicieux. Première cible : le système agroalimentaire. Nourrir 10 milliards de personnes en 2050 de façon « durable » implique une transformation de la production agricole (agroécologieagroécologie, meilleure gestion de l'eau), mais aussi des habitudes de consommation (régime alimentaire, gaspillage alimentaire), souligne le rapport.

    Même si les scientifiques disent sans détour que la viande a plus d'impacts que d'autres produits alimentaires, la synthèse adoptée par les délégations samedi n'appelle pas directement à manger moins de viande. La formulation a été affaiblie depuis la version préliminaire obtenue par l'AFP. « Des changements profonds peuvent entraîner une opposition de la part de ceux qui ont des intérêts directs au statu quo, mais une telle opposition peut être surmontée pour l'intérêt général », commente Robert Watson.

    Le tonnage de bois coupé annuellement a augmenté de 45 % depuis 1970. © Eloneo, Pixabay License
    Le tonnage de bois coupé annuellement a augmenté de 45 % depuis 1970. © Eloneo, Pixabay License

    Privilégier la qualité de vie

    Mais alors que ce rapport évoque des pistes, sans être prescriptif, reste à savoir si les États membres de la Convention de l'ONU sur la diversité biologique (COP15) se fixeront lors de leur réunion en Chine l'an prochain les objectifs ambitieux espérés par les défenseurs de l'environnement pour une planète durable en 2050. Et tandis qu'un G7 Environnement axé sur la biodiversité est en cours en France, le président français Emmanuel Macron doit recevoir aujourd'hui des scientifiques de l'IPBES.

    Les gouvernements du monde doivent arrêter « les financements qui détruisent la nature », « mettre un terme à la déforestation », protéger les océans, « encourager la transition vers des pratiques agricoles durables », plaident ainsi dans un appel baptisé #Call4Nature des centaines de personnalités comme Jane GoodallJane Goodall et Marion Cotillard. Le rapport de l'IPBES évoque d'autres outils à disposition des gouvernements comme une réforme de la fiscalité et la fin des aides publiques « perverses ». Il évoque même la nécessité de s'éloigner du dogme de la croissance.

    « Il s'agit de considérer la qualité de vie et non la croissance économique comme objectif », indique à l'AFP l'un des principaux auteurs, Eduardo Brundizio. Alors que l'Homme dépend de la nature pour vivre, est-il pour autant condamné à l'extinction ? « Probablement pas », et certainement pas à court terme, répond un autre auteur, Josef Settele. Mais « nous ne voulons pas seulement survivre. C'est tout l'enjeu de ce rapport », tempère Eduardo Brundizio, insistant à nouveau sur la « qualité de vie »

    Qualité qui risque de se dégrader encore plus pour les plus pauvres de la planète, note le rapport. Et pour les régions abritant les peuples autochtones, qui sont parvenus jusqu'ici, par leurs savoirs, à limiter ce déclin, mais qui sont « sous une pressionpression de plus en plus importante ».


    Biodiversité : jusqu’à un million d’espèces sont menacées d’extinction d'après l'ONU

    De nombreux scientifiques estiment que la Terre est au début d'une 6e extinction de masse. Une idée que semble vouloir confirmer un rapport de l'ONU sur la biodiversité qui sera débattu par les responsables politiques réunis à Paris d'ici quelques jours. Selon les experts qui y ont travaillé, entre un demi-million et un million d'espèces pourraient être menacées d'extinction. 

    Article de Futura avec l'AFP-Relaxnews paru le 24/04/2019

    Du 29 avril au 4 mai prochain, la plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques (IPBES) va se réunir à Paris pour adopter la première évaluation mondiale des écosystèmes depuis près de 15 ans. L'état des lieux de la biodiversité -- basé sur un rapport de 1.800 pages sur lequel travaillent 150 experts de 50 pays depuis 3 ans -- devrait être aussi inquiétant que les prévisions sur le changement climatique.

    Selon l'AFP, le résumé de ce rapport, destiné aux décideurs, révèle diverses « preuves indépendantes signalant une accélération rapide imminente du taux d'extinction des espèces (...) même si les facteurs (de cette extinction) ne s'intensifient pas ». Sur les 8 millions d'espèces estimées (dont 5,5 millions d'espèces d'insectesinsectes) sur la planète, « un demi-million à un million d'espèces devraient être menacées d'extinction, dont beaucoup dans les prochaines décennies », poursuit le texte.

    Ces projections correspondent aux mises en garde de nombreux scientifiques qui estiment que la Terre est au début de la 6e« extinction de masse », la première attribuée à l'Homme qui a déjà fait disparaître au moins 680 espèces de vertébrésvertébrés depuis 500 ans.

    Le rapport de l’ONU estime également que trois quarts des surfaces terrestres, 40 % de l’environnement marin et la moitié des cours d’eau sont « gravement altérés ». © tkremmel, Pixabay License
    Le rapport de l’ONU estime également que trois quarts des surfaces terrestres, 40 % de l’environnement marin et la moitié des cours d’eau sont « gravement altérés ». © tkremmel, Pixabay License

    Qui sont les responsables ?

    Le rapport est en partie basé sur l'analyse d'espèces bien étudiées, notamment les vertébrés, mais met en avant les « incertitudes » concernant nombre d'autres moins connues, en particulier les insectes. La disparition de cette biodiversité a un impact direct sur l'Homme. Nourriture, énergieénergie, médicaments : « Les apports que les gens tirent de la nature sont fondamentaux pour l'existence et la richesse de la vie humaine sur Terre et la plupart d'entre eux ne sont pas totalement remplaçables », met en garde le texte. Par exemple, plus de deux milliards de personnes dépendent du boisbois pour l'énergie, quatre milliards utilisent une médecine naturelle et 75 % des cultures ont besoin d'être pollinisées par des insectes.

    Premiers responsables de cette sombre situation : l'utilisation des terres (agriculture, exploitation forestière, mines) et l'exploitation directe des ressources (pêche, chasse). Viennent ensuite les pollutions et les espèces invasives, dont l'impact est « à ce jour relativement moins important », mais « s'accélère ». Le texte met aussi en avant les liens entre cette perte de biodiversité et le changement climatique, parfois encouragés par les mêmes facteurs, en particulier le modèle agricole dans un monde de plus en plus peuplé.

    Nous devons changer de trajectoire dans les dix prochaines années.

    « Nous devons reconnaître que le changement climatique et la perte de la nature sont tout aussi importants, pas seulement pour l'environnement, mais pour des questions économiques et de développement », avait indiqué récemment à l'AFP le patron de l'IPBES, Robert Watson, appelant à une « transformation » de la production alimentaire et énergétique. « Si nous voulons une planète durable qui fournit des services aux communautés autour du monde, nous devons changer de trajectoire dans les dix prochaines années, comme nous devons le faire pour le climat », a souligné de son côté Rebecca Shaw, scientifique en chef de WWFWWF.