Les capacités en éolien et en solaire montent en flèche dans le monde. Mais, sans moyen de stockage sûr, nous sommes condamnés à garder nos centrales thermiques pour prendre le relais. À moins que le bon vieux stockage hydraulique ne puisse palier les besoins ? C’est justement le cas, d’après des chercheurs australiens qui viennent de mettre en ligne un atlas recensant plus de 530.000 sites potentiels de stations de transfert d’énergie par pompage. 

 


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    La transition énergétique nécessite un besoin croissant en énergies renouvelables. L'Agence internationale de l'énergie (AIE) envisage ainsi une multiplication par cinq de la part du solaire et de l'éolien dans le mix électrique mondial, passant de 1.500 TWh en 2017 à 8.500 TWh en 2040. Le problème est que ces énergies sont par nature intermittentes : il faut donc les stocker pour pouvoir les restituer lors des pics de demande. Batterie géante, Power-to-gas (hydrogène), condensateurscondensateurs ou même, blocs de béton et « mini soleil artificiel », les scientifiques rivalisent d'imagination en la matièrematière.

    De l’énergie verte disponible en quelques minutes

    Il existe, cependant, une technique très ancienne, bien mieux maîtrisée et beaucoup moins coûteuse : les Step, stations de transfert d'énergie par pompagestations de transfert d'énergie par pompage. Composée de deux bassins séparés par un dénivelé, la Step actionne une pompe qui puise dans le bassin inférieur lorsqu'elle dispose d'un surplus d'énergie. Quand la demande augmente, l'eau du bassin supérieur est relâchée vers le bassin inférieur et alimente une turbine qui produit de l'électricité. De l'énergie disponible en quelques minutes, avec un très bon rendement (entre 70 % et 85 %), et dont le coût d'installation est 20 fois moins élevé que les batteries lithium-ion au kWh, d'après les calculs de Sia Partners.

    Un atlas en ligne de 530.000 sites potentiels de stockage électrique

    Des chercheurs de l'Université nationale australienne (ANU) viennent de publier un atlas en ligne de tous les sites potentiels où implanterimplanter des Step. Leurs estimations se basent sur un algorithme capable de les identifier en fonction de l'altitude, du climat, de la topographie, du volumevolume du réservoir d'eau requis, ou encore de la taille du barrage à construire. Ils ont ensuite calculé le stockage possible pour chacun. Au total, 530.000 sites ont été trouvés totalisant 22.000 TWh, soit un cinquième de la consommation énergétiqueconsommation énergétique mondiale pour une année entière.

    Plus de 530.000 sites potentiels de stockage par pompage ont été identifiés, de quoi couvrir largement une production 100 % renouvelable. © RE100 Group ANU, Aremi
    Plus de 530.000 sites potentiels de stockage par pompage ont été identifiés, de quoi couvrir largement une production 100 % renouvelable. © RE100 Group ANU, Aremi

    Leur capacité de stockage s'étend de 2 à 150 GWh mais, selon Matthew Stocks qui a dirigé le projet, « à peine 1 % des meilleurs 530.000 sites suffirait à couvrir une production à 100 % d'énergies renouvelables ». D'après leurs calculs, il faut en effet compter 20 GWh de stockage par million d'habitant pour parvenir à un scénario de 100 % d'énergie renouvelables. « L'Australie nécessite, par exemple, 500 GWh de stockage pour une capacité potentielle 300 fois plus élevée, et les États-unis ont besoin de 7.000 GWh pour un potentiel 200 fois supérieur ».

    Des besoins en eau inférieurs aux centrales thermiques

    Toutes ces installations ne pourront évidemment pas être envisagées. Les considérations de coût et de faisabilité n'ont pas été prises en compte, pas plus que les problèmes de propriété du terrain ou les questions d'environnement. Certains sites identifiés peuvent, par exemple, se trouver dans des aires urbaines ou des parc nationaux, reconnaissent les chercheurs. Il faut aussi d'importantes quantités d'eau car la densité énergétique d'une Step est relativement faible (un mètre cube d'eau chutant de 100 mètres produit 0,272 kWh). Les besoins annuels en eau restent cependant inférieurs à ceux des énergies fossiles : « Avec le solaire et l'éolien, on n'a pas besoin de refroidir une centrale », explique Andrew Blakers, un collègue de Matthew Stocks à l'ANU.

    Simulation 3D d’un site de stockage Step © RE100 Group ANU
    Simulation 3D d’un site de stockage Step © RE100 Group ANU

    97 % du stockage d’énergie dans le monde

    En 2018, 153 GW de capacité Step étaient déployés dans le monde, dont 51,7 MW en Europe, et assurent déjà 97 % du stockage d'énergie. En France, six Step sont aujourd'hui exploitées par EDF. Dans le cadre de la loi sur la transition énergétique, la Programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE) a fixé pour objectif une hausse des capacités de production des Step de 1 à 2 GW d'ici 2030, soit 24 à 48 % d'augmentation par rapport aux 4,2 GW de puissance actuellement en opération. Il faudra, pour cela, améliorer leur rentabilité : en raison du faible prix du gazgaz et de la réduction des écarts des prix de l'électricité entre les périodes de forte et de faible demande, celle-ci ne dépasse pas les 2,7 % en France, loin des 8 % qui seraient nécessaires à des investissements, regrette Sia Partners.


    100 % d'énergies renouvelables en 2050, ce serait possible dans 139 pays selon une étude

    Article de Marie-Céline RayMarie-Céline Ray publié le 28/08/2017

    Des scientifiques de Stanford affirment que 139 pays pourraient ne fonctionner qu'avec de l'énergie renouvelable (ventvent, soleilsoleil, eau) à l'horizon 2050, créant plus de 24 millions d'emplois. Ces changements pourraient aussi empêcher 4 à 7 millions de décès par la pollution de l'airair chaque année. La singularité de ce scénario est d'intègrer un effet très bénéfique du passage au tout électrique sur la consommation d'énergie et sur la santé humaine.

    C'est un scenario bien plus ambitieux que celui des accords de Paris et pourtant il serait réalisable. Voilà ce qu'affirment une vingtaine de scientifiques dans un article paru dans la revue Joule. Les chercheurs ont imaginé que tous les secteurs seraient électrifiés, à savoir le transport, le chauffage, l'industrie, les secteurs agricole, forestier, la pêchepêche...

    Pour chacun des 139 pays étudiés, ils ont évalué les énergies renouvelables disponibles et nécessaires pour obtenir 80 % de renouvelable en 2030 et 100 % en 2050 ; ils ont tenu compte de la surface nécessaire pour ces sources d'énergie et calculé l'évolution de la demande énergétique et des coûts. Les 139 pays sont des nations où de telles données étaient disponibles et qui produisaient la grande majorité du dioxyde de carbonedioxyde de carbone mondial : Europe, États-Unis, Chine...

    Les chercheurs ont fait le choix de n'utiliser que les énergies issues du vent, de l'eau (hydroélectricitéhydroélectricité, énergies marinesénergies marines) et du soleil et n'ont donc pas inclus le nucléaire et les biocarburantsbiocarburants dans leur mix énergétiquemix énergétique. Ils ont fait le choix d'exclure le nucléaire à cause de son coût et du problème des déchetsdéchets. Les biocarburants n'ont pas été retenus car ils augmentent la pollution de l'air et émettent beaucoup de carbone.

    L’énergie nucléaire a été exclue dans cette simulation, à cause des déchets et du coût notamment. © Jean-Paul Comparin, Fotolia
    L’énergie nucléaire a été exclue dans cette simulation, à cause des déchets et du coût notamment. © Jean-Paul Comparin, Fotolia

    Des bénéfices pour le climat, l’emploi, la santé et la paix dans le monde

    Grâce à la transition énergétique, de nombreux bénéfices sont attendus. Par exemple, en éliminant l'utilisation du pétrolepétrole, du gaz, de l'uraniumuranium, les dépenses énergétiques associées aux mines, au transport et au raffinageraffinage des carburants seront supprimées. La demande en énergie pourrait ainsi diminuer de 13 %. Les auteurs y ajoutent le meilleur rendement de l'utilisation de l'électricité par raport aux énergies fossiles. Selon eux, malgré l'augmentation de la demande en énergie chez les utilisateurs finaux, le besoin passerait de 12.105 TW (chiffre 2012) à 11.840 TW en 2050 au lieu de plus de 20.000 dans le scénario « BAU » (Business as usual, c'est-à-dire « on ne change rien »).

    Ces changements signifieraient aussi que les pays ne dépendraient pas autant les uns des autres pour s'approvisionner en énergies fossiles, ce qui pourrait réduire les conflits internationaux. De plus, l'accès aux ressources énergétiques serait amélioré pour certaines populations.

    Dans cette optique, en 2050, les 100 % d'énergies renouvelables comprendraient environ 58 % de solaire, 37 % d'éolien (offshoreoffshore et terrestre), 4 % d'hydroélectricité, 0,7 % d'énergies de la mer et 0,6 % de  géothermiegéothermie. Si ces 139 pays arrivaient à 80 % de renouvelable en 2030 et 100 % en 2050, les auteurs affirment qu'il serait possible d'empêcher 1,5 °C de réchauffement climatiqueréchauffement climatique.

    Le plus bel aspect est qu'une telle transition créera également plus de 20 millions d'emplois permanents à temps plein

    Et les bénéfices ne s'arrêteraient pas là : le 100 % renouvelable éviterait des millions de décès liés à la pollution chaque année dans le monde et créerait de nombreux emplois. Comme l'explique Mark Jacobson, principal auteur de ces travaux, dans un communiqué« Le plus bel aspect est qu'une telle transition créera également plus de 20 millions d'emplois permanents à temps plein dna ls monde en bilan net, économisera de l'argentargent des consommateurs et évitera que plus de 3 % du PIBPIB de chaque pays aille uniquement dans les coûts dus à la pollution de l'air. »


    À El Hierro, les 100 % d’énergies renouvelables deviennent réalité

    Article de Jean-Luc GoudetJean-Luc Goudet paru le 11 août 2015

    Sur l'île El Hierro, dans les Canaries, l'autonomieautonomie énergétique n'est plus une utopie. La production électrique est assurée par une triple installation, thermique, hydraulique et éolienneéolienne. Brièvement, il y a quelques jours, le taux d'énergies renouvelables est passé à 100 %.

    Samedi 9 août 2015, entre 12 h 30 et 14 h 30, l'île El Hierro, la plus à l'ouest de l'archipelarchipel des Canaries, n'était alimentée en électricité que par des éoliennes et par une centrale hydraulique. L'exploit est loin d'être anecdotique et nous est expliqué sur Climat’O (cliquez sur ce lien), le blogblog d'Alain GiodaAlain Gioda sur Futura-Sciences.

    Sur l'île El Hierro, le vent souffle fort et souvent. Le parc d'éoliennes produit beaucoup d'électricité et, pour gérer la production, il est couplé à une « STEP » hydraulique et à une centrale thermique classique. Opérationnelle depuis un an, l'installation commence à donner de très bons résultats. © Alain Gioda/IRD
    Sur l'île El Hierro, le vent souffle fort et souvent. Le parc d'éoliennes produit beaucoup d'électricité et, pour gérer la production, il est couplé à une « STEP » hydraulique et à une centrale thermique classique. Opérationnelle depuis un an, l'installation commence à donner de très bons résultats. © Alain Gioda/IRD

    Depuis juin 2014, une centrale hydro-éolienne est en activité sur El Hierro. Constituée d'u parc éolien et d'une usine hydroélectrique, elle vient compléter une centrale thermique à fioulfioul. Chacune de ces trois unités peut fournir jusqu'à environ 11 MW, leurs parts respectives dans le courant électriquecourant électrique destiné aux 8.000 habitants, plus les touristes, étant ajusté en permanence. Pour l'île espagnole, ce projet, complété par une usine de dessalementusine de dessalement d'eau de mer, est un grand enjeu d'indépendance énergétique, alors que, jusque-là, toute la production d'électricité dépendait des navires qui apportent le fioul.

    Sur l'île El Hierro, les cinq éoliennes de 64 m fournissent une puissance totale de 11,5 MW. Le surplus d'énergie est utilisé pour une usine de dessalement mais aussi pour actionner une pompe qui monte l'eau du réservoir inférieur vers le bassin supérieur. Durant les périodes sans vent, on laisse l'eau s'écouler vers le bas et des turbines produisent de l'électricité. Le complément est fourni par une centrale thermique. La proportion de ces trois sources est ajustée en permanence. © Idé
    Sur l'île El Hierro, les cinq éoliennes de 64 m fournissent une puissance totale de 11,5 MW. Le surplus d'énergie est utilisé pour une usine de dessalement mais aussi pour actionner une pompe qui monte l'eau du réservoir inférieur vers le bassin supérieur. Durant les périodes sans vent, on laisse l'eau s'écouler vers le bas et des turbines produisent de l'électricité. Le complément est fourni par une centrale thermique. La proportion de ces trois sources est ajustée en permanence. © Idé

    L'eau sert à stocker temporairement l'énergie

    Ce samedi, donc, durant deux heures, la production de la centrale thermique était de 0. Pourquoi n'est-ce pas arrivé plus tôt ? « Parce que ce n'est pas facile, nous explique Alain Gioda. Il faut savoir prendre son temps. Si on court, on n'y arrive pas. À El Hierro, on prend son temps... et on y arrive. » Les techniques employées sont éprouvées, souligne ce spécialiste du climat et des énergies renouvelables. Les éoliennes sont d'une marque honorablement connue, de la gamme des 2 MW, et l'usine hydraulique est « prévue pour un siècle ».

    C'est en fait une station de transfert d'énergie par pompage (STEP), qui utilise deux bassins installés en montagne à deux altitudes différentes. Lorsque la production d'électricité est supérieure à la demande, l'eau du bassin inférieur est pompée et envoyée plus haut. Elle peut ensuite être relâchée et actionner des turbines. C'est donc un système de stockage d’énergie et de lissage de la production. En France, la première a été créée dans les Vosges autour de 1930 entre le lac Noir et le lac Blanc, et a fonctionné jusqu'en 2002.

    La production d'énergie le 9 août 2015 sur l'île d'El Hierro. En haut à droite, le camembert indique que la production le 10 août (à l'endroit de la courbe où apparaît l'encadré) était assurée par l'éolien (en vert) et l'hydraulique (en bleu). Ce suivi est librement accessible sur le Web. © REE
    La production d'énergie le 9 août 2015 sur l'île d'El Hierro. En haut à droite, le camembert indique que la production le 10 août (à l'endroit de la courbe où apparaît l'encadré) était assurée par l'éolien (en vert) et l'hydraulique (en bleu). Ce suivi est librement accessible sur le Web. © REE

    Une installation emblématique pour les communautés isolées

    La difficulté est celle du pilotage, pour mélanger habilement ces trois sources, vent, eau et fioul. L'un des intérêts de l'installation d'El Hierro est que cette opération est visible par tous. Un site Web de la REE (le réseau espagnol d'électricité) permet en effet de suivre la production en temps réel. Les esprits curieux pourront voir de près comment varie la production d'un champ d'éoliennes. « J'aimerais autant de transparencetransparence en France... ne manque pas de remarquer Alain Gioda. Grâce à cette diffusiondiffusion de l'information, on voit vraiment la réalité de la production. »

    L'île veut aller plus loin et réfléchit depuis des années à s'appuyer sur des véhicules électriques pour les transports. En quelques années, cette petite île est devenue exemplaire de l'exploitation des énergies renouvelables pour les petites communautés isolées, les ZNI, ou zones non interconnectées en langage administratif. Le cas est même emblématique depuis la déclaration d’El Hierro, sous l'égide de l'Unesco.