Je ressens depuis toujours une profonde attirance pour l'inconnu, l'exploration. Avec la plongée en apnée dans les lacs glaciaires, je découvre des paysages de toute beauté.


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    Après avoir commencé la plongée dans le lac d'Annecy, j'ai rapidement pris conscience de l'extraordinaire richesse des Alpes en milieux d'eau douce et suis parti à la découverte d'endroits plus sauvages comme les torrentstorrents, les étangs et bien sûr les lacs de montagne. La photo est mon outil très précieux pour témoigner de la beauté de nos eaux douces et des paysages surprenants qui s'y cachent.

    Image saisie d'un monde caché. © Rémi Masson, tous droits réservés
    Image saisie d'un monde caché. © Rémi Masson, tous droits réservés

    Il existe plus d'un millier de lacs dans les Alpes, ce qui constitue pour moi un terrain de jeu illimité, l'aventure à portée de main. Parmi ceux-ci, très peu ont été plongés du fait de leur difficulté d'accès et de la logistique que demande le transport sur place du matériel de plongée.

    L'apnée, une fabuleuse approche pour des milieux extrêmes

    Mon approche par la plongée en apnéeapnée est en ce sens un atout puisqu'en réduisant le matériel nécessaire, elle me permet d'accéder à des lacs très isolés au sein des massifs montagneux. C'est aussi une approche très douce et naturelle du milieu qui permet une plus grande liberté de mouvementsmouvements. Mon matériel se compose d'une combinaison néoprènenéoprène de sept millimètres d'épaisseur, d'une ceinture de plombplomb, de gants et chaussons de plongée, de palmes, masque et tuba. Avec le caisson photo et le reste du matériel de randonnée, mon sac accuse tout de même un peu plus de 30 kilos.

    Pas de plongée sans équipement ! © Rémi Masson, tous droits réservés 
    Pas de plongée sans équipement ! © Rémi Masson, tous droits réservés 

    J'ai commencé à plonger tout d'abord dans des lacs situés aux alentours de 2.000 mètres d'altitude à la recherche de la petite faune lacustrelacustre : tritons alpestres, truites, vairons, omble chevalier ou omble de fontaine dont j'ai fait le sujet de mes images, je m'intéresse aujourd'hui davantage aux lacs les plus hauts, au-delà de 2.500 mètres.

    Des ouvertures naturelles où se glisser et évoluer. © Rémi Masson, tous droits réservés 
    Des ouvertures naturelles où se glisser et évoluer. © Rémi Masson, tous droits réservés 

    À cette altitude le minéral est roi et la vie se limite le plus souvent à quelques filaments d'algues sur le fond. Les conditions qui y règnent sont extrêmes : l'eau reste prisonnière de plusieurs mètres d'épaisseur de glace jusqu'au milieu de l'été. Certaines années, il arrive même qu'ils ne dégèlent pas du tout. J'aime particulièrement le moment qui précède la débâcle, lorsque des poches d'eau turquoise font leur apparition sur le manteaumanteau neigeux qui recouvre encore le lac. Les variations dans l'épaisseur de la glace font que des ouvertures naturelles se créent ensuite. Le lac m'ouvre sa porteporte ! Ce sont ces fractures dans la carapace gelée du plan d'eau que j'utilise pour me glisser sous la surface. 

    La photo comme témoignage 

    Sous l'eau commence un monde tout en contrastecontraste où les sens sont mis à rude épreuve. À la beauté indescriptible des jeux de lumièrelumière et des bulles sous la glace, qui prend des teintes bleutées, répond le choc d'une eau à 0 °C qui mord la peau malgré la combinaison et enserre la tête comme dans un étau. 

    Variations autour de la couleur bleue. © Rémi Masson, tous droits réservés 
    Variations autour de la couleur bleue. © Rémi Masson, tous droits réservés 

    Le décor semble aussi figé par le froid, atemporel, immobile. Chaque immersion est cependant très limitée dans le temps, à peine plus d'une minute, de quoi saisir quelques clichés tout en gardant une marge d'airair raisonnable en cas de problème pour retrouver la sortie. Car la glace est traître et le trou sombre par lequel je suis entré se transforme en une tache de lumière pas toujours très visible vue par en dessous. 

    Savoir regarder sans se laisser enivrer par la beauté des lieux. © Rémi Masson, tous droits réservés 
    Savoir regarder sans se laisser enivrer par la beauté des lieux. © Rémi Masson, tous droits réservés 

    Je n'utilise pas de fil d'ariane comme cela se fait en plongée spéléo car je suis seul et que dérouler un fil pour ensuite faire demi-tour ne manquerait pas de faire des sacs de nœudsnœuds dangereux où je risquerai de m'emmêler. Je dois donc rester très vigilant, concentré sur mes sensations et toujours savoir exactement où je me trouve par rapport au trou de sortie. Avant toute expédition je m'astreins à un entraînement à l'apnée, afin d'augmenter ma marge de sécurité, et habituer mon corps au froid par des douches glaciales.

    Saisir des images du véritable visage de lacs polaires, un privilège ! © Rémi Masson, tous droits réservés 
    Saisir des images du véritable visage de lacs polaires, un privilège ! © Rémi Masson, tous droits réservés 

    Ces plongées sont certes quelque peu engagées mais me permettent de saisir des images du véritable visage de ces lacs polaires, celui qu'ils ont l'essentiel de l'année, recouverts de plusieurs mètres d'épaisseur de glace. Un privilège rare qui suffit à mon bonheur.

     

    Plongée en apnée : que se cache-t-il sous l'eau des lacs ?

    Rassemblement de siluresDanse avec les nymphéasQuand le brochet est à l'affûtLes yeux de braise d'un couple de crapaudsUn bras mort du Rhône plein de vieL'écrevisse signal, une beauté fataleLes algues filamenteuses ou Halloween lacustrePaysage sans vie dans un bras mort du RhôneCastor d'Europe, l'infatigable bâtisseurPlongée sous la glaceEn route pour l’exploration d’un lac de montagneL'indispensable herbier subaquatique
    Rassemblement de silures

    « Silure curieux, venant me rendre visite tandis que l'on distingue derrière lui un rassemblement de silures dans le fleuve Rhône. Ce phénomène spectaculaire qui peut réunir pas loin d'une centaine de poissonspoissons constitue la plus importante massemasse de poissons d'eau douceeau douce rassemblés jamais décrite au monde. » 

    Ce phénomène de rassemblement de silures a été filmé et a donné lieu à la première étude scientifique au CNRS. Ce silure glane est le plus gros poisson d’eau douce d'Eurasie, il appartient à la famille des Siluridae qui en compte 16 espècesespèces. Il est considéré comme une des espèces invasives, provenant des eaux du Danube, et introduite dans les années 1980, pour la pêchepêche de loisirs, dite sportive : un spécimen de 2,75 mètres a été recensé en 2017, dans le Tarn. Le silure n'a pas un physiquephysique facile. Malgré son caractère plutôt placide, ce mastodonte d'eau douce, dont le poids pour les plus gros peut dépasser les 100 kilos, est surtout un super prédateur qui vit en groupe, au fond des eaux, se cachant sous des branchages ou dans des herbes, en attendant sa proie à la tombée du jour.

    Son énorme tête plate, représentant un tiers de son poids, porteporte six barbillonsbarbillons, dont deux très longes et mobilesmobiles, qui agissent comme des antennes lui servant à localiser une éventuelle proie, même enfouie sous la vase, ou tout mouvementmouvement à 10 mètres. Ce poisson carnassier peut vivre jusqu'à 40 ans et intrigue les scientifiques en raison de sa formidable capacité d'adaptation aux différents milieux qu'il colonise et des évolutions de son espèce : dernièrement, les silures glanes ont été observés guettant des pigeons sur le bord des berges d'une rivière et sortant de son milieu, l'eau, pour les attraper... Un prédateur très opportuniste !

    © Rémi MassonRémi Masson, tous droits réservés, Futura