Une nouvelle étude révèle que la diversité des dinosaures était relativement importante en Afrique du Nord juste avant la chute de l’astéroïde, il y a 66 millions d’années. Cela suggère que, dans cette région du monde du moins, les dinosaures n’étaient pas sur le déclin.


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    S'il est clair que la chute d'un astéroïdeastéroïde il y a 66 millions d'années a été l'un des éléments déclencheurs d'une sévère crise biologique ayant débouché sur l’extinction des dinosaures non aviaires, une question demeure irrésolue à l'heure actuelle : les dinosaures étaient-ils déjà sur le déclin avant cette catastrophe majeure ?

    Si certaines observations, réalisées notamment en Amérique du Nord, montrent en effet une perte de biodiversité avant la chute de l'astéroïde, d'autres études présentent des résultats opposés. C'est le cas de l'article présenté ci-dessous, mais également d'une nouvelle publication qui fait suite à la découverte de nouveaux fossiles de dinosaures au Maroc.

    Deux nouvelles espèces de dinosaures découvertes au Maroc

    Deux nouvelles espèces de dinosaures de la famille des Abelisaurus, cousins du célèbre TyrannosaureTyrannosaure, ont en effet été excavées à proximité de la ville de Casablanca. Ces restes ne sont d'ailleurs pas les seuls à avoir été retrouvés dans ces séries sédimentaires datant de la fin du Crétacé, juste avant la chute de l’astéroïde il y a 66 millions d'années. Les découvertes paléontologiques sur le site révèlent qu'il s'agissait d'une mer tropicale peu profonde, remplie de plésiosaures, de mosasaures, de requins, et d'une multitude de petits animaux, comme des ammonitesammonites. C'est donc une faunefaune extrêmement riche et diversifiée qui semble avoir occupé le nord de l'Afrique à cette époque.

     La découverte de nouvelles espèces de dinosaures au Maroc montre qu'à la fin du Crétacé, la diversité de dinosaures était plutôt importante dans cette région. © Andrey Atuchin
     La découverte de nouvelles espèces de dinosaures au Maroc montre qu'à la fin du Crétacé, la diversité de dinosaures était plutôt importante dans cette région. © Andrey Atuchin

    Diversité des dinosaures : une considération locale qui ne peut être généralisée

    Des données publiées dans la revue Cretaceous Research qui viennent contrebalancer les observations réalisées en Amérique du Nord, où la diversité des dinosaures semble s'être progressivement appauvrie avant la crise biologique. Mais pour les auteurs, ces deux observations ne sont pas incompatibles. Elles montrent juste que la population de dinosaures a évolué de différentes manières en différents endroits du globe, et qu'il est impossible de généraliser une observation réalisée en un lieu précis. Les conditions environnementales à la fin du Crétacé semblent ainsi avoir été plus propices au maintien d'une forte diversité en Afrique du Nord, alors que les hautes latitudeslatitudes semblent avoir présenté des conditions plus rudes, avec notamment un début de refroidissement, réduisant localement le nombre d'espèces.


    Les dinosaures étaient sur le déclin avant la chute de l'astéroïde…, pas si sûr !

    Les dinosaures déclinaient-ils déjà lorsque l'astéroïde du ChicxulubChicxulub s'est écrasé sur la TerreTerre il y a 66 millions d'années ? Le débat fait ragerage dans la communauté scientifique. Si de nombreuses études penchent pour le oui, une nouvelle contredit cette idée, en se basant sur la modélisationmodélisation des réseaux trophiques de la fin du Crétacé.

    Article de Léa FournassonLéa Fournasson publié le 3 janvier 2023

    Il y a 66 millions d'années, un astéroïde d'environ 10 kilomètres de diamètre s'écrasait dans l'actuelle péninsulepéninsule du Yucatán, provoquant la chute des dinosaures non-aviensaviens et de nombreuses autres espèces, ce que l'on appelle l'extinction massive du Crétacé. Aujourd'hui, les scientifiques tentent de reconstituer petit à petit les événements survenus avant et après la météoritemétéorite. En particulier concernant les dinosaures : étaient-ils déjà sur le déclin lorsque la météorite est tombée ?

    Selon de nombreuses études, oui. Elles se basent notamment sur le taux d'apparition de nouvelles espèces, qui a commencé à diminuer des millions d'années avant la grande extinction. Un déclin qui s'expliquerait par diverses causes, comme une modification du climatclimat, une fragmentation continentale, ou une montée des eaux. Mais aujourd'hui, une nouvelle étude parue dans Science Advances remet cette hypothèse de longue date en question.

    L'impact de l'astéroïde a provoqué la cinquième extinction massive de l'Histoire. Aucun dinosaure non-avien n'y a survécu. © Derrick Neill, Adobe Stock
    L'impact de l'astéroïde a provoqué la cinquième extinction massive de l'Histoire. Aucun dinosaure non-avien n'y a survécu. © Derrick Neill, Adobe Stock

    Des changements majeurs dans les réseaux trophiques

    Pour leur étude, les chercheurs de l'université d'Edimbourg ont reconstruit une partie des réseaux trophiques de plusieurs périodes, avant et après l'impact de l'astéroïde. Ils permettent d'étudier les interactions entre espèces, donc la diversité écologique de certains lieux. En l'occurrence, la nouvelle étude cible le continent nord-américain. L'équipe a ainsi passé en revue plus de 1 600 spécimens sur 22 millions d'années : 18 millions d'années avant le bolidebolide, et 4 Ma après, permettant d'englober le Campanien, le Maastrichtien et le Danien.

    Les fossilesfossiles appartenaient à tous les types d'espèces de la chaîne alimentairechaîne alimentaire de l'époque, allant des grenouilles aux grands dinosaures, en passant par de nombreux reptilesreptiles et mammifèresmammifères ! Et si les chercheurs ont bien noté la même diminution de la diversité des espèces chez les dinosaures, pour eux, cette diminution ne s'interprète pas comme un déclin. « Nous constatons un changement dans les dernières faunes de dinosaures du Crétacé, car les espèces de taille moyenne ont contrebalancé une perte de mégaherbivores, mais les niches de dinosaures étaient par ailleurs stables et statiques, contribuant potentiellement à leur disparition », écrivent-ils.

    Les nœuds représentent les groupes qui constituent les réseaux trophiques du Crétacé supérieur : (A) Campanien et (B) Maastrichtien, et du Paléogène inférieur : (C) Danien. © <em>Science Advances,</em> 2023 
    Les nœuds représentent les groupes qui constituent les réseaux trophiques du Crétacé supérieur : (A) Campanien et (B) Maastrichtien, et du Paléogène inférieur : (C) Danien. © Science Advances, 2023 

    Seule une guilde écologique (contenant plusieurs espèces différentes), celle des « dinosaures ornithischiensornithischiens herbivoresherbivores de grande taille », semble avoir décliné en Amérique du Nord avant l'arrivée de l'astéroïde. Selon les chercheurs, si l'impact de certains dinosaures a bien diminué dans le réseau trophique, le fait que leur position ne change pas signifie une position stable, étayée de plus par « leurs anatomiesanatomies et leurs capacités fonctionnelles très diverses jusqu'à la fin du Crétacé », décrit l'étude.

    « C'est une sorte de compromis », déclare Jorge García-Girón, premier auteur de l'étude et écologiste à l'université finlandaise d'Oulu et à l'université espagnole de León. « Les dinosaures étaient beaucoup plus stables dans leurs environnements écologiques. Ils étaient, bien sûr, maîtres de leur écosystèmeécosystème. Les mammifères, de l'autre côté, se diversifiaient et commençaient à coloniser différents habitats et différents environnements. »

    Une aubaine pour les mammifères

    Car l'extinction du Crétacé-PaléogènePaléogène, si elle a causé la disparition de 75 % des espèces, a permis l'essor des mammifères ! En effet, seules les espèces capables d'aller sous terre, ou encore d'adapter leur alimentation, ont survécu. Ce qui n'était pas le cas des dinosaures, selon l'étude : « La stabilité de la niche aurait pu désavantager les guildes dominées par les dinosaures en cas d'arrêt brutal du réseau trophique, comme celui rencontré à l'extinction du Crétacé-Paléogène. » Mais ce serait alors cette flexibilité qui aurait été le salut des mammifères !

    En effet, les chercheurs ont dénombré de plus en plus d'espèces dans les trois périodes ciblées, montrant bien une augmentation de leur impact écologique« Les petits vertébrésvertébrés, y compris les mammifères, ont suivi une trajectoire cohérente d'augmentation de l'impact trophique et de relâchement des limites de niche commençant au dernier Crétacé et se poursuivant après l'extinction massive », décrit l'étude.

    Les chercheurs concluent sur l'utilité de ces recherches pour les prévisions de notre futur. « Les espèces d'eau douceeau douce, par exemple, disparaissent déjà rapidement, alarme Jorge García-Girón. Si nous sommes en mesure de discerner le type de facteurs qui a déterminé la survie de la faune d'eau douce dans le passé, nous pourrons peut-être utiliser ces informations pour prédire les conséquences de la perte de biodiversité d'eau douce qui se produit à notre époque. »


    Les dinosaures étaient déjà sur le déclin avant la chute de l'astéroïde

    Si la crise biologique marquant la fin du Crétacé est souvent représentée comme un événement brutal, associé à la chute de l'astéroïde du Chicxulub, l'extinction des dinosaures ne serait en réalité que le résultat d'un long déclin, entamé plusieurs millions d'années auparavant.

    Article de Morgane GillardMorgane Gillard publié le 24 septembre 2022

    Il y a environ 66 millions d'années, les dinosaures s'éteignaient, ne laissant derrière eux qu'une maigre descendance. Seuls les oiseaux sont en effet aujourd'hui les héritiers de ces géants qui ont régné sur les continents et océans du globe durant plus de 180 millions d'années.

    Cette extinction de masseextinction de masse est connue comme la crise biologique de la fin du Crétacé, ou crise Crétacé-Tertiaire. Ses causes exactes sont encore mal contraintes, même si on la présente généralement comme le résultat de la chute d'un important astéroïde, ou d’éruptions volcaniques massives au niveau de ce que l'on nomme aujourd'hui les Trapps du DeccanTrapps du Deccan.

    Illustration de la dévastation sur Terre causée par l'impact de l'astéroïde. © serpeblu, Adobe Stock
    Illustration de la dévastation sur Terre causée par l'impact de l'astéroïde. © serpeblu, Adobe Stock

    Deux catastrophes naturellescatastrophes naturelles qui se seraient donc combinées pour mettre à bas l'ensemble des espèces de dinosaures. Mais cette extinction s'est-elle produite brutalement, comme le laissent souvent penser les images de dévastation de l’astéroïde, ou s'est-elle étagée bien plus longuement dans le temps ?

    Des dinosaures déjà mal en point bien avant la chute de l’astéroïde

    Pour les chercheurs de l'Académie chinoise des Sciences, cela ne fait désormais plus de doute. C'est bien la deuxième option qui serait la plus réaliste. Les dinosaures auraient en effet subi un long déclin avant de s'éteindre définitivement.

    Si les données paléontologiques montrent que, sur les derniers millions d'années marquant la fin du Crétacé, les dinosaures étaient encore bien présents sur l'ensemble du globe, on ne peut cependant pas dire qu'ils étaient en très bonne forme ! Il semblerait en effet que leur population n'était déjà plus très diversifiée, et cela bien avant la chute de l'astéroïde du Chicxulub.

    C'est ce que rapportent les chercheurs chinois dans un article publié dans la revue PNAS. Pour arriver à cette conclusion, ils ont étudié dans le détail plus de 1.000 fossiles d'œufs de dinosaures retrouvés dans le centre de la Chine, et datant des deux derniers millions d'années avant l'extinction totale des dinosaures. Alors que la région est bien connue pour son abondance en fossiles et le grand nombre d'espèces représentées, les chercheurs montrent que cette période (-68,2 à -66,4 millions d'années) a été marquée par un net déclin de la diversité des populations de dinosaures.

    Pauvreté anormale des espèces bien avant l’extinction

    Les œufs retrouvés ne sont en effet issus que de trois espèces différentes : Macroolithus yaotunensis, Elongatoolithus elongatus, et Stromatoolithus pinglingensis. Deux de ces espèces sont des oviraptors, des petits dinosaures sans dents et munis d'un becbec servant certainement à casser des coquillescoquilles d'œufs pour les manger. La troisième espèce est un herbivore de la famille des Hadrosaures, affublé d'un bec de canard. À côté de ça, quelques rares ossements de tyrannosaures et de sauropodessauropodes ont été retrouvés dans la région. Cette pauvreté anormale de la biodiversité des dinosaures durant les derniers millions d'années avant l'extinction totale a également été observée en Amérique du Nord et suggère que les dinosaures étaient déjà en voie d'extinction de manière globale durant la fin du Crétacé supérieur.

    La diversité des espèces de dinosaures apparait relativement faible sur les derniers millions d'années avant l'extinction définitive de la fin du Crétacé. En Chine centrale, ont été retrouvées pour cette période seulement deux espèces d'oviraptors, une espèce d'hadrosaure, et quelques tyrannosaures. © <em>Institute of Vertebrate Paleontology and Paleoanthropology</em> (IVPP) <em>of the Chinese Academy of Sciences</em>
    La diversité des espèces de dinosaures apparait relativement faible sur les derniers millions d'années avant l'extinction définitive de la fin du Crétacé. En Chine centrale, ont été retrouvées pour cette période seulement deux espèces d'oviraptors, une espèce d'hadrosaure, et quelques tyrannosaures. © Institute of Vertebrate Paleontology and Paleoanthropology (IVPP) of the Chinese Academy of Sciences

    Les causes de ce long déclin sont encore mal connues. Parmi elles, une modification du climat, peut-être en lien avec l'intense fragmentation continentale qui se joue à cette époque, une modification de la chaîne alimentaire avec le début de la domination des plantes à fleurs sur les conifères, ou simplement les conséquences d'une trop forte diversification des espèces. Il ne faut pas oublier le rôle certainement majeur des éruptions volcaniqueséruptions volcaniques des Trapps du Deccan durant cette période. Cet épisode volcanique d'ampleur phénoménale, actif dès -68 millions d'années, aurait entraîné des changements climatiqueschangements climatiques et environnementaux importants, déstabilisant les populations de dinosaures les plus adaptées à leur environnement et les plus sensibles aux modifications des écosystèmes.

    L'astéroïde du Chicxulub, dont la chute est datée à 66 millions d'années, n'aurait été que la cerisecerise sur le gâteau, finissant de ravager une population déjà à l'agonie depuis plusieurs millions d'années.


    Les dinosaures étaient sur le déclin avant la chute de l'astéroïde

    Les dinosaures. Dans l'imaginaire collectif, ils ont été les maîtres incontestés de notre Terre. Jusqu'à ce qu'une météorite vienne mettre un terme brutal à leur règne. Mais des chercheurs proposent aujourd'hui une nouvelle lecture du registre fossile. Ils présentent des dinosaures déjà sur le déclin avant la catastrophe. Mettant en cause, notamment, un changement climatique soudain. Fabien Condamine, chercheur CNRS à l'Institut des Sciences de l'Évolution de Montpellier, nous explique comment son équipe est arrivée à ces conclusions qui relancent le débat.

    Article de Nathalie MayerNathalie Mayer publié le 4 juillet 2021

    Il y a 66 millions d'années, une météorite de plus de dix kilomètres de diamètre illuminait le ciel de notre Terre. Elle finissait sa course du côté de la péninsule du Yucatan, au Mexique. Mettant un terme au règne des dinosaures. « Mauvais timing », commente pour nous Fabien Condamine, chercheur CNRS à l'Institut des Sciences de l'Évolution de Montpellier. « Car la collision se produit dans un monde sous pressionpression. Un monde qui connait des changements globaux de sa végétation, de son climat et du niveau de ses mers. Un monde dans lequel les dinosaures ne se portaient déjà pas au mieux. »

    Extinction des dinosaures : l’identité du coupable a été établie formellement par les scientifiques

    C'est en tout cas la conclusion de travaux qu'il vient de mener avec une équipe franco-anglo-canadienne. Une conclusion basée sur des faits. Des preuves directes tirées du registre fossile. Des preuves de la présence de certaines espèces à un moment donné, à un endroit donné. À partir desquelles les chercheurs ont ensuite procédé à des estimations du taux de formation ou du taux d'extinction des espèces. Grâce à une méthode sophistiquée de modélisation statistique qui a permis de limiter les biais liés aux lacunes du registre. Cependant, « avec les connaissances qui continuent de s'accumuler, nous ne sommes pas à l'abri que des conclusions différentes tombent d'ici quelques années. C'est aussi ça, la science », nous fait remarquer Fabien Condamine.

    Mais, en attendant, revenons à cette fameuse conclusion. Parce qu'elle a tout de même de quoi surprendre. Car jusqu'alors, il était assez communément admis que, vers la fin du Crétacé, les groupes de dinosaures étaient plutôt prospères. Qu'ils se diversifiaient et trouvaient des solutions pour remplir des niches différentes. Or, c'est tout l'inverse que les chercheurs suggèrent aujourd'hui.

    Quelque 10 millions d’années avant la chute de la météorite qui a provoqué l’extinction des dinosaures, le taux d’apparition de nouvelles espèces (courbe bleue) a diminué et celui des extinctions (courbe rouge) a fortement augmenté. De quoi mener à une diminution rapide du nombre d’espèces de dinosaures (courbe noire) au cours de cette période. © Fabien Condamine, Isem, CNRS

     

    « Nous avons identifié un pic de diversité chez les dinosaures -- ou du moins, chez les six grandes familles visées par l'étude -- au moins 10 millions d'années avant leur extinction. Entre ce pic et la chute de la météorite dans la péninsule du Yucatan, nous avons observé un déclin marqué de la diversité spécifique -- comprenez, du nombre d'espèces, nous explique Fabien Condamine. Nous cherchions à éclairer la dynamique de diversification des dinosaures avant de comprendre quels facteurs ont pu l'influencer sur le long terme. Nous ne pensions pas à un déclin. Il nous est simplement apparu dans les données. »

    Un phénomène d’extinction en cascade

    Une fois donc ce déclin pris pour acquis -- si tant est que la science puisse prendre quelque chose pour acquis à un tel stade... --, les chercheurs ont choisi d'adopter une approche intégrative incluant une dizaine de causes possibles. Parmi elles, des causes dites abiotiquesabiotiques, liées à l'environnement physiquephysique dans lequel évoluaient les dinosaures comme la température, le niveau des mers ou encore la fragmentation continentale. « Parce qu'à cette époque, notre Terre connaissait beaucoup de changements tectoniques. » Les chercheurs ont aussi exploré des causes dites biotiques. Ainsi, les changements observés au niveau de la végétation.

    « C'est le moment où les plantes à fleurs ont pris le dessus sur les conifères », nous situe Fabien Condamine. Autre cause biotique possible, peut-être plus étonnante, la diversité intrinsèque des dinosaures. « La diversité propre à un groupe influe sur la diversification des espèces. On parle de diversité dépendance. Au fur et à mesure que le groupe se diversifie, il y a moins d'opportunités pour former une espèce parce que les principales niches sont remplies. Le groupe trouve moins de solutions pour remplir de nouvelles niches. Une sorte de compétition pour les ressources s'installe jusqu'à, pourquoi pas, mener à un déclin. »

     Lorsque les plantes à fleurs ont pris le dessus sur les conifères, les dinosaures n’ont pas réussi à s’y adapter. Les chercheurs trouvent des corrélations négatives qui montrent que le changement a nui aux dinosaures sans pour autant l’être de manière significative. © Elenarts, fotolia

     

    Finalement, les chercheurs ressortent de leurs travaux, deux causes qui influencent fortement le processus d'extinction des espècesextinction des espèces. Il y a d'abord la température globale qui décroît fortement sur la période. D'environ 7 °C. On aurait pu penser que les dinosaures, en animaux mésothermes qu'ils étaient, ne seraient que peu affectés. Mais, « nous observons que les dinosaures semblent finalement avoir dépendu substantiellement de la température de leur environnement », remarque Fabien Condamine.

    Le saviez-vous ?

    Les dinosaures étaient des animaux dits mésothermes. Comprenez, à mi-chemin entre les lézards, les tortues et les crocodiles qui dépendent des températures de l’environnement pour réaliser leurs activités biologiques, et nous, les mammifères et les oiseaux qui créons notre propre température corporelle.

    Autre cause identifiée du déclin des dinosaures quelque 10 millions d'années avant leur extinction : un déclin de la diversité des dinosaures herbivores. « Ça a du sens écologiquement parlant. Les espèces de grands herbivores sont des espèces structurantes dont dépend l'équilibre d'un écosystème. Les Ankylausaures ou les Triceratops jouaient probablement un rôle énorme dans l'écosystème du Crétacé. Lorsque ces espèces ont commencé à décliner, peut-être à cause d'une sensibilité plus grande aux changements de températures, les autres herbivores ont suivi, puis les carnivorescarnivores. C'est un phénomène d'extinction en cascade qui semble apparaître dans les données. »

    Extinction : les grands animaux herbivores sont plus menacés que les carnivores

    Le chercheur reste malgré tout prudent dans ces conclusions. Car lorsque l'on sépare herbivores et carnivores, « les données perdent de leur puissance statistique ». Pour confirmer tout cela, il faudra donc élargir les études à plus de dinosaures. « Nous n'avons travaillé que sur six familles. Les plus connues. Il faudrait intégrer des groupes de l'hémisphère Sudhémisphère Sud, mais les registres sont moins fournis. Il faudrait aussi s'intéresser aux Titanosaures -- qui sont parmi les animaux les plus lourds ayant jamais foulé notre Terre. Ils pourraient bien nous raconter une histoire un peu différente. » Quoi qu'il en soit, le débat semble relancé...


    Les dinosaures étaient-ils destinés à disparaître ?

    Une estimation plus précise des taux d'apparition et de disparition des espèces de dinosaures des dizaines de millions d'années avant la crise Crétacé-Tertiaire révèle que ces fascinants animaux étaient en déclin. On peut spéculer sur le fait que, tôt ou tard, ils allaient fatalement laisser la place aux mammifères.

    Article de Laurent SaccoLaurent Sacco paru le 20/04/2016

    Un squelette de T-Rex visible au Field Museum of Natural History, à Chicago, aux États-Unis. Le nombre d'espèces de dinosaures carnivores a diminué moins vite que celui des sauropodes pendant le Crétacé. © Terence Faircloth, Flickr, CC by-nc-nd 2.0

     

    Pendant des décennies, les hypothèses allaient bon train à propos de la disparition d'un des groupes d'animaux ayant rencontré le plus de succès au cours de l'évolution du vivant : les dinosaures. Des plantes devenues toxiques aux mammifères dévorant leurs œufs en passant par des changements climatiques provoqués par des régressions marines, tout y est passé ou presque. Ce sont finalement les hypothèses des éruptions à l'origine des trapps du Deccan et l'impact d'un corps céleste à l'origine de l'astroblèmeastroblème de Chicxulub qui se sont s'imposées sur le devant de la scène au début des années quatre-vingt-dix.

    Cependant, un article publié dans Pnas par un groupe de paléontologuespaléontologues vient de compliquer le tableau. Ils ont profité de l'accumulation des données découvertes dans les archives géologiques de la Terre et, grâce à des techniques sophistiquées d'analyse statistique, ils ont pu estimer le taux d'apparition de nouvelles espèces et celui de leur disparition pendant les 50 millions d'années précédant la fameuse crise Crétacé-Tertiaire, survenue il y a environ 66 millions d'années.

    De façon surprenante, des signes de sénescencesénescence sont apparus car le bilan total montre une diminution constante de la diversité des espèces de dinosaures, plus marquée dans le cas des herbivores à long cou. Quelque chose était donc déjà en train de fragiliser ces animaux et de les détrôner de la biosphèrebiosphère, même si l'on ne sait pas encore quoi. Les éruptions basaltiquesbasaltiques et l'impact d'un corps céleste n'ont peut-être pu leur être fatal que parce qu'ils étaient déjà en déclin depuis des dizaines de millions d'années.