Acteur incontesté de l’étude des océans depuis presque une décennie, l'équipe de Tara Expéditions est représentée à la conférence des Nations unies sur le développement durable à Rio par trois de ses membres. Romain Troublé, secrétaire général, a expliqué à Futura-Sciences les actions menées par la fondation à cette occasion et surtout ses attentes. La situation des océans aurait été trop négligée par le passé. 

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    L'initiative Tara ExpéditionsTara Expéditions, fondée en 2003 sous l'impulsion d'agnès b. et d'Étienne Bourgois, s'est fait connaître dans le monde entier grâce aux missions scientifiques et éducatives qu'elle a menées à partir de sa goélette Tara. La dernière s'est d'ailleurs achevée en mars dernier après plus de deux années et demie passées en mer. Elles ont pour objectif de mieux cerner les conséquences du changement climatiquechangement climatique sur les océans et de renforcer la conscience environnementale du grand public à ce sujet.

    À l'occasion de la conférence des Nations unies sur le développement durable « Rio+20 », trois de ses membres, dont Romain Troublé, secrétaire général, se sont rendus sur place pour suivre le débat, partager leurs expériences et organiser diverses actions de sensibilisation du public aux rôles majeurs joués par les océans. Ces manifestations ont été planifiées après une escale de la goélette Tara à Rio en 2010.

    Contacté sur place, Romain Troublé s'est confié à Futura-Sciences à propos de cet événement international majeur. Il nous fait partager son ressenti au sujet de cette conférence tout en nous présentant les attentes et actions de Tara Expéditions.

    Présentation de l'association Tara Expéditions par Romain Troublé en marge de la conférence Rio+20 au Pavillon bleu. © A. Deniaud, Tara

    Présentation de l'association Tara Expéditions par Romain Troublé en marge de la conférence Rio+20 au Pavillon bleu. © A. Deniaud, Tara

    Futura-Sciences : Quel bilan dressez-vous depuis la précédente conférence de Rio en 1992 ?

    Romain Troublé : Les promesses faites il y a 20 ans n'ont pas été tenues. Globalement, l'état de la planète s'est dégradé. Il y a quand même eu des avancées importantes et bien conceptuelles mais elles ne suffisent pas. Par exemple, à Nagoya, il avait été prévu de protéger 10 % de la surface des océans. Aujourd'hui, nous en sommes à 1 %. C'est bien loin de l'objectif, on ne peut pas s'en contenter, mais le processus est lancé.

    Qu’attendez-vous de Rio+20 ?

    Romain Troublé : Les négociations sont en cours depuis un an. Elles ont toutes été remises sur la table il y a deux jours. Nous n'avons pas fait de grosses avancées. Malheureusement, nous avons même reculé sur pas mal de thèmes dont ceux sur le droit d'accès à l’eau. Ces enjeux sont sortis du débat. Ce que nous attendons, sur la problématique des océans sur laquelle nous travaillons, c'est un engagement ferme sur un agenda de négociations, notamment sur le statut de la haute mer. Aujourd'hui la moitié de la surface de la planète est un espace maritime dépourvu de toute régulation environnementale ! Il appartient à tout le monde ou à personne. Chacun peut y faire ce qu'il souhaite. La question qui va se poser dans la prochaine décennie, c'est comment gérer et protéger cet espace ?

    Estimez-vous que les océans sont négligés dans les débats ?

    Romain Troublé : Les océans ont été traités par les Nations unies il y a 30 ans, lorsqu'elles ont créé la convention sur le droit de la mer. Cette convention a été créée à l'origine pour garantir la liberté de passage dans les détroits et les mers fermées. Depuis, les océans ont été souvent négligés dans les agendas, notamment en ce qui concerne les aspects environnementaux. Les forêts, l'agenda vert, ont pris le dessus. La communauté internationale se préoccupant des sujets océaniques espère que Rio sera un tournant qui permettra de rétablir un équilibre, de renforcer l'agenda bleu par rapport à l'agenda vert. Il faut prendre en compte les enjeux des océans, la problématique de la surpêche, de la pêche illégale, de leur acidification,... Bref, tous les problèmes globaux auxquels ils font face.

    Quel est le rôle de Tara et des autres associations à Rio+20 ?

    Romain Troublé : Les ONG comme nous font profiter les délégations de leurs expériences et proposent des arguments. Nous avons également mis en place un pavillon Océan au sein du sommet des peuples visité par 50.000 personnes par jour. Nous y organisons des conférences, projetons des films et faisons intervenir des experts en dehors du cadre officiel, afin notamment de répondre aux questions posées par le public si important dans le débat. Nous avons par ailleurs participé au développement d'Oceansinc.org, un site InternetInternet relatant tous les jours à la presse des sujets concernant les mers et les océans. Nous essayons ainsi d'amener le débat sur le terrain des médias et du public. Il faut expliquer ce que les experts font et quels sont les enjeux océaniques. La presse a une responsabilité énorme. En communiquant les sujets de débats et en informant la population, elle peut permettre à l'opinion publique de faire pressionpression sur les pays ou sur leurs délégués.

    Êtes-vous plutôt optimiste ou pessimiste par rapport aux futurs résultats de Rio+20 ?

    Romain Troublé : Nous sommes pessimistes dans le sens où nous n'attendons pas un changement général des mentalités, un changement de paradigme dont certains rêvaient, mais il faut se battre pour certaines avancées ou échéances. C'est du moins ce que nous essayons de faire sur la problématique des océans. Nous y croyons encore. [...] Il est parfois dit qu'il est trop tard pour les océans, que les récifs coralliens blanchissent, que 85 % des stocks sont surexploités, etc. Je pense personnellement que la résiliencerésilience de cet écosystème océanique est gigantesque. Les actions menées aujourd'hui auront des effets tangibles très rapidement, dans les années qui viennent. C'est le moment d'agir !