Alors que les néonicotinoïdes seront bientôt interdits en agriculture, les remplaçants potentiels tardent à apparaître. Une étude pointe les dangers du sulfoxaflor sur les bourdons, mettant en évidence des effets non létaux, donc difficiles à évaluer. Les auteurs plaident pour une révision des processus d'autorisation de mise sur le marché.

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    Le sulfoxaflor, tout comme les néonicotinoïdes, a un impact négatif sur la santé des colonies de bourdons, selon une étude publiée dans la revue Nature qui met en garde contre le remplacement des pesticides controversés par cette nouvelle substance. Les néonicotinoïdes, utilisés en pulvérisation ou pour enrober les semences, s'attaquent au système nerveux des insectesinsectes, désorientent et affaiblissent les pollinisateurs. Face à la multiplication des études scientifiques soulignant leur nocivité pour les abeilles, un certain nombre de pays ont revu leur politique. Ainsi, l'utilisation de trois d'entre eux sera interdite à partir de fin 2018 dans l'UE pour toutes les cultures. En France, cinq d'entre eux seront interdits pour toute utilisation phytosanitaire à partir du premier septembre.

    Dans cette situation qui crée une demande pour des produits alternatifs, les insecticidesinsecticides à base de sulfoximine comme le sulfoxaflor, autorisés ou en passe de l'être dans plusieurs pays, « sont les plus probables successeurs » des néonicotinoïdes, avec qui ils partagent « le même mode d'action biologique », note l'étude. Il y a donc une urgence à tester les effets non mortels de cette substance, rarement détectés lors des évaluations standard.

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    Les bourdons, actifs pollinisateurs, seraient affectés par la sulfoximine, censée pouvoir remplacer les néonicotinoïdes. © Yuri Kadodobnov, AFP

    Les bourdons, actifs pollinisateurs, seraient affectés par la sulfoximine, censée pouvoir remplacer les néonicotinoïdes. © Yuri Kadodobnov, AFP

    Le sulfoxaflor réduit la fécondité des bourdons

    Les chercheurs de l'université Royal Holloway de Londres ont exposé 25 ruches de bourdons terrestres (Bombus terrestris) à des doses de sulfoxaflor comparables à une exposition dans un champ pulvérisé, et comparé leur évolution avec 26 ruches témoins. Entre deux et trois semaines après le début de l'expérience sur ces toutes nouvelles ruches, « les impacts négatifs sur l'efficacité de la reproduction des colonies traitées sont apparus », notent-ils, soulignant la similarité avec de précédents tests sur l'exposition aux néonicotinoïdes. Dans un premier temps, les ruches exposées ont produit moins de bourdons ouvriers. Ensuite, elles ont donné naissance à 54 % de moins de bourdons capables de se reproduire que dans les colonies témoins, « suggérant que dans un contexte de pollinisateurs sauvages, l'exposition au sulfoxaflor pourrait conduire à des conséquences environnementales similaires aux néonicotinoïdes s'il était utilisé sur des cultures » attirant abeilles ou bourdons.

    Au-delà de ce produit spécifique, les chercheurs plaident pour une modification des processus d'évaluation des pesticides. « Pour éviter des situations dans lesquelles des pesticides comme les néonicotinoïdes sont remplacés par des produits également controversés », les structures décidant des autorisations de mise sur le marchéautorisations de mise sur le marché « devraient évoluer vers une approche basée sur les preuves qui évalue à la fois les impacts létaux et non létaux d'un nouvel insecticide comme le sulfoxaflor sur les organismes qu'il ne vise pas », insistent-ils. Apiculteurs et associations de défense de l'environnement s'inquiètent du possible remplacement des néonicotinoïdes par ce qu'ils appellent parfois « néonicotinoïdes de nouvelle génération », comme le sulfoxaflor ou le flupyradifurone qu'ils accusent d'être tout aussi néfastes pour les abeilles.