Au cours de la dernière décennie, la demande en huile de palme a explosé. Une demande responsable de la déforestation des principaux pays producteurs. Y compris dans les zones certifiées durables, nous apprend aujourd’hui une étude.


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    De la pâte à tartiner chocolatée aux produits cosmétiques en passant par les détergents et les biocarburants, l'huile de palme est aujourd'hui partout. La demande est ainsi passée de moins de 40 à près de 65 millions de tonnes ces dix dernières années. Elle est appréciée des industriels, car elle est bon marché. Et certaines de ses caractéristiques la rendent encore plus attrayante : du moelleux et du croustillant à la cuisson ainsi qu'une bonne résistancerésistance à la chaleurchaleur et à l'oxydationoxydation.

    Des propriétés qu'elle tire notamment du fait qu'elle renferme une quantité importante d'acides gras saturés. Des acides gras saturésacides gras saturés à longues chaînes, qui plus est. Ceux-là mêmes qui sont soupçonnés de favoriser le risque cardiovasculaire. Il est donc recommandé de ne consommer de l'huile de palme qu'en faible quantité. Et d'autant plus, parce qu'on la trouve essentiellement dans les produits ultratransformés.

    D'un point de vue environnemental, il est désormais de notoriété publique que la production d'huile de palme est à l'origine d'une déforestation massive dans les régions tropicales. « Les palmiers à huile sont cultivés dans certaines des forêts les plus sensibles et les plus importantes du monde sur le plan écologique », signale Roberto Cazzolla Gatti, chercheur à l'université de Purdue (États-Unis) qui vient de publier une étude à ce sujet.

    L’huile de palme est bon marché et demande moins de terre pour être produite que de nombreuses autres alternatives. Cependant, les inconvénients de sa production ne doivent pas être ignorés. Ici, une île indonésienne montrant des signes significatifs de déforestation. © Roberto Cazzolla Gatti, université de Purdue
    L’huile de palme est bon marché et demande moins de terre pour être produite que de nombreuses autres alternatives. Cependant, les inconvénients de sa production ne doivent pas être ignorés. Ici, une île indonésienne montrant des signes significatifs de déforestation. © Roberto Cazzolla Gatti, université de Purdue

    Les productions « durables » encore plus destructrices

    Cette situation a poussé certains à adopter des modes de production durables. Dès 2004, des organisations se sont mises en place pour en poser les bases. « Mais nous avons constaté que même lorsque les opérations sont certifiées, il y a toujours une perte de forêt importante. Il semble qu'il n'existe aucun moyen de produire de manière durable de l'huile de palme pour répondre à la demande mondiale actuelle », constate Roberto Cazzolla Gatti.

    Pour produire de l'huile de palme, il faut supprimer de la forêt.

    Depuis 2007, ce sont ainsi plus de 40.000 hectares de forêt qui disparaissent chaque année au profit des palmiers à huile. Et dans les zones « durables », près de 40 % des terres ont été déboisées contre... moins de 35 % dans les zones « non durables » ! « Pour produire de l'huile de palme, il faut supprimer de la forêt. C'est incontournable », conclut Roberto Cazzolla Gatti.

    Cette déforestation massive nuit à l'environnement, car les arbres coupés sont souvent brûlés. C'est autant d'émissions de CO2 superflues. Mais cette déforestation menace aussi les habitats de nombreux végétaux et animaux parmi lesquels les trois dernières espèces d'orangs-outans de la planète.


    Huile de palme : une catastrophe écologique planétaire

    En Indonésie, en Malaisie et dans d'autres pays, la production intensive d'huile de palme conduit à des déforestations massives et à la destruction complète d'écosystèmesécosystèmes forestiers. En cause : une demande mondiale qui grimpe en flèche, pour l'industrie agro-alimentaire, mais qui risque d'exploser avec la banalisation des biocarburants.

    Article de Jean-Luc GoudetJean-Luc Goudet paru le 10/12/2007

    C'est un désastre écologique qui tend à s'aggraver encore. Depuis les années 1990, la production d'huile de palme, extraite de la noixnoix d'un palmier d'origine africaine, Elaeis guineensis, ne cesse de progresser. A l'origine, cette huile sert à des besoins alimentaires, pour les mêmes usages que l'huile de table, le beurre ou la margarine. Mais ce produit s'est trouvé trois débouchés autrement plus larges. Le premier est celui de l'industrie agroalimentaire qui a découvert avec bonheur cette huile cumulant de nombreuses qualités.

    L'arbre pousse vite, en trois ou quatre ans, et la pulpe rouge des noix produit une huile facile à extraire, que l'on peut transformer en une graisse utilisable dans de nombreux produits. Pâtes à tartiner, chips, margarines, plats cuisinés, biscuits, soupes, céréalescéréales du petit-déjeuner... : au fil des années, l'huile de palme a envahi la majorité des aliments industriels. Aujourd'hui, c'est une part importante de l'alimentation des pays riches qui est devenue dépendante de l'huile de palme. Mais ce n'est pas tout. A partir de l'amandeamande de la noix, on peut extraire de l'huile de palmiste, qui sert d'ingrédient pour des peintures et des produits cosmétiques. Et voilà un juteux débouché supplémentaire.

    Avec ces deux marchés mondiaux, plusieurs pays du sud ont trouvé dans l'huile de palme un produit d'exportation très rentable. L'Indonésie et la Malaisie sont devenues les championnes de cette production. Alors que les pays africains en étaient les principaux producteurs dans les années 1960, ces deux pays asiatiques fournissent actuellement environ 85 % de la consommation mondiale d'huile de palme. Pour chacun de ces deux pays, cette production représente plus de quinze de millions de tonnes par an.

    Une plantation de palmiers à huile en Thaïlande. Sur le sol, un amendement organique.<br />© IRD / Jean-Pierre Montoroi
    Une plantation de palmiers à huile en Thaïlande. Sur le sol, un amendement organique.
    © IRD / Jean-Pierre Montoroi

    Comment les chips peuvent tuer les orangs-outans

    Pour atteindre ce niveau, les Malaisiens et les Indonésiens ont dû engager de vastes opérations de déforestations pour se lancer dans des monoculturesmonocultures intensives. L'Indonésie a déjà perdu 72 % de ses forêts. A ce rythme, selon un rapport du PNUE (Programme de Nations Unies pour l'Environnement), 98 % des forêts auront disparu en 2022. Or, cette immense zone forestière, qui s'étend sur les trois-quarts du pays, est particulièrement riche en espèces et elle est aussi une richesse pour les habitants, qui l'exploitent, en partie, depuis longtemps.

    Sa destruction est une catastrophe écologique et économique, conduisant à la destruction d'écosystèmes, dont les emblématiques orangs-outans. Elle aboutira également à des modifications climatiques et à des difficultés sociales. A l'échelle planétaire, cette déforestation n'est pas sans conséquences non plus puisque les forêts sont de gros absorbeurs de gaz carboniquegaz carbonique. Dans le monde, les déforestations sont responsables de 15 à 20 % de l'augmentation de gaz à effet de serregaz à effet de serre. C'est à la destruction des forêts, d’après Greenpeace, que l'Indonésie doit sa troisième position mondiale de producteur de gaz à effet de serre.

    D'autres pays se lancent dans l'aventure, comme la Colombie. Car le boom sur l'huile de palme ne fait que commencer puisqu'un troisième marché, encore plus important, a démarré depuis 2005 : les carburants dits « verts ». L'huile de palme est en effet un excellent produit de base pour les « biodieselsbiodiesels ».
    En Amazonie comme en Asie du sud-est, c'est donc un danger d'envergure qui pèse sur les forêts tropicalesforêts tropicales et leurs habitants, animaux, végétaux ou humains.

    En pointe dans cette action, l'association Les Amis de la Terre a mené plusieurs campagnes, dont l'une, récente, vers la grande distribution, pour pousser à une signalisation des - nombreux - produits contenant de l'huile de palme. En effet, sa présence n'est qu'exceptionnellement mentionnée et parfois cachée sous l'appellation « huile végétale ». Difficile de boycotter tous les produits contenant de l'huile de palme... mais on peut au moins essayer de limiter leur consommation.

    Cela ne sera toutefois pas suffisant si l'huile de palme est massivement utilisée pour produire du biodiesel, comme le souligne Sylvain Angerand, des Amis de la Terre, que nous avons interrogé sur le sujet. Retrouvez demain l'entretien qu'il nous a accordé (dans l'article intitulé Huile de palme : « On marche sur la tête ! »).