« Quand les Européens consomment, les forêts se consument », tout est résumé dans le titre du dernier rapport que le WWF vient de publier. Il pointe l’Union européenne, comme deuxième importateur mondial de déforestation tropicale derrière la Chine et devant les États-Unis. La France, importateur de soja et d'huile de palme, est l'un des principaux pays de l'UE responsables de l’importation de matières premières liées à cette déforestation.


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    Huile de palme, sojasoja, viande de bœuf... Les importations de l'Union européenne représentent 16 % de la déforestation liée au commerce mondial, ce qui en fait le deuxième destructeur mondial de forêts tropicales derrière la Chine et devant les États-Unis. C'est le résultat de la nouvelle étude du WWF, qui vient démontrer le rôle joué par l'Union européenne dans la destruction des forêts et des écosystèmes, alors que la Commission européenne s'apprête à présenter une proposition de législation pour lutter contre la déforestation. 

    En 2017, l'Union européenne est le deuxième plus grand importateur de matièresmatières premières liées à la déforestation et à l'origine de 16 % de la déforestation associée au commerce international. Elle se place ainsi après la Chine (24 %) mais devant l'Inde (9 %), les États-Unis (7 %) et le Japon (5 %). Au total, entre 2005 et 2017, les importations de l'Union européenne ont provoqué la déforestation de 3,5 millions d'hectares, soit la superficie de 5 millions de terrains de football. Ces importations ont représenté 1.807 millions de tonnes de CO2, ce qui équivaut à 40 % des émissionsémissions annuelles globales de l'Union européenne.

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    Les huit plus grandes économies européennes à cette date sont responsables de 80 % de cette déforestation importée (dans l'ordre de leur contribution : l'Allemagne, l'Italie, l'Espagne, le Royaume-Uni, les Pays-Bas, la France, la Belgique et la Pologne). La France se classe 6e dans ce classement. Entre 2005 et 2017, le soja (31 % de la déforestation importée de l'UE), l'huile de palme (24 %) et la viande de bœuf (10 %) étaient les matières premières impliquant la plus grande déforestation tropicale importée par l'Union européenne, suivies des produits dérivés du bois, du cacaocacao et du café. La majeure partie de notre déforestation importée provenait du Brésil (30 %), d'Indonésie (22 %), d'Argentine (10 %) et du Paraguay (8 %).

    Vue aérienne d'une zone de déforestation de la forêt amazonienne, le 23 août 2019, près de Porto Velho, dans le nord du Brésil. © Carl De Souza, AFP, Archives
    Vue aérienne d'une zone de déforestation de la forêt amazonienne, le 23 août 2019, près de Porto Velho, dans le nord du Brésil. © Carl De Souza, AFP, Archives

    La protection doit s'élargir à l'ensemble des écosystèmes naturels 

    Ce nouveau rapport établit des liens clairs entre la consommation de l'Union européenne et plusieurs des fronts de déforestation déjà mis en avant dans un récent rapport du WWFWWF, notamment au Brésil et en Indonésie. Il révèle également que certains des impacts les plus significatifs de la consommation de l'Union européenne concernent des habitats qui n'appartiennent pas à la catégorie des forêts, comme dans certaines parties du Cerrado et du Chaco. Ce constat justifie le besoin que les réglementations ne se concentrent pas uniquement sur la protection des forêts mais prennent en compte l'ensemble des écosystèmes naturels présentant le risque d'être convertis pour produire des matières premières.

    « Nous sommes confrontés à des images terribles de l’Amazonie qui perd des milliers d'hectares de forêts ou d'orangs-outans menacés par la destruction de leurs habitats naturels en Indonésie, déclare Véronique Andrieux, directrice générale du WWF France. Ce nouveau rapport nous met face à notre responsabilité : quand les Européens consomment, les forêts se consument. En effet, l'Union européenne détient le triste record de deuxième importateur après la Chine de produits associés à la déforestation tropicale et est responsable de la perte de 3,5 millions d'hectares de forêts entre 2005 et 2017, l'équivalent de la ville de Lyon rasée chaque semaine. Les décideurs publics doivent agir pour mettre un terme à cette situation : la Commission européenne s'apprête à proposer une législation pour lutter contre la déforestation. Pour être efficace, cette loi devra intégrer des mesures contraignantes pour les entreprises visant à garantir que les produits qu'elles mettent sur le marché n'ont pas participé à la destruction des forêts ou à la conversion d'écosystèmes naturels. » 

    La conversion des forêts tropicales en palmeraies dédiées à la production industrielle d'huile de palme est un désastre écologique. © Iarygin Andrii, Adobe Stock
    La conversion des forêts tropicales en palmeraies dédiées à la production industrielle d'huile de palme est un désastre écologique. © Iarygin Andrii, Adobe Stock

    Les engagements volontaires varient en fonction des matières premières 

    Les États européens s'étaient engagés dans le cadre des objectifs de développement durabledéveloppement durable à mettre un terme à la déforestation d'ici 2020 : force est de constater que l'objectif n'est toujours pas atteint. De même, de nombreuses initiatives du secteur privé s'étaient fixées cet objectif « zéro déforestation ». Si certaines, comme le moratoiremoratoire sur le soja en Amazonie, ont eu d'excellents résultats (baisse spectaculaire de la déforestation liée au soja), grâce notamment à l'engagement de l'ensemble des acteurs de la chaîne d'approvisionnement (traderstraders, industrie, distributeurs), d'autres n'ont pas permis d'atteindre l'effet attendu (dans le Cerrado notamment).

    Au niveau global, l'étude met en évidence que les engagements sont variables et inégaux selon les matières premières et les régions et ne couvrent pas l'ensemble du marché donc n'ont pas permis d'atteindre les objectifs visés. Pour atteindre nos objectifs, il nous faut donc aller au-delà des engagements volontaires. Seule une législation ambitieuse et contraignante permettra de réellement mettre un terme à la déforestation. 

    Seule une législation ambitieuse et contraignante permettra de réellement mettre un terme à la déforestation

    La France doit soutenir une politique européenne ambitieuse 

    La France est l'un des principaux pays européens responsables de l'importation de matières premières associées à la déforestation, en particulier par ses importations de soja pour l'alimentation animale (plus de 3 millions de tonnes par an) et d’huile de palme pour le diesel. Or, elle s'est engagée, dans sa Stratégie Nationale de Lutte contre la Déforestation Importée (SNDI), à soutenir une politique européenne ambitieuse pour lutter contre la déforestation. Alors qu'elle assurera la Présidence de l'Union européenne au premier semestre 2022, le WWF France appelle le président de la République à faire de l'adoption de cette législation une priorité de son agenda.

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    Déforestation : le point de non-retour à ne pas dépasser

    Le WWF France, engagé dans la campagne #Together4Forests aux côtés de plus de 160 autres organisations, a identifié huit priorités pour garantir que la législation soit efficace, parmi lesquelles :

    • Les matières premières et produits placés sur le marché de l'UE respectent les critères de durabilitédurabilité environnementale prévus par la législation de l'Union en plus des lois des pays d'origine.
    • La législation ne se limite pas à la déforestation et à la dégradation des forêts naturelles mais intègre la conversion et la dégradation de tous les écosystèmes naturels.
    • La législation couvre l'ensemble des matières premières susceptibles d'être liés à la conversion d'écosystèmes et intègre les violations des droits humains.
    • La législation introduit un devoir de vigilance pour les entreprises, c'est-à-dire l'obligation de fournir toutes les informations nécessaires pour assurer la traçabilitétraçabilité des matières premières et la transparencetransparence des chaînes d'approvisionnement, par exemple, pour la viande : des informations sur l'emplacement des pâturages où le bétail a brouté ou l'origine des aliments utilisés, ou encore des informations sur l'état écologique des zones de production.

    La savane du Cerrado, l'autre trésor du Brésil à protéger

    Le Cerrado et ses prairies fleuriesLa savane du Cerrado et sa cascade illuminéeLes fleurs de la savane du CerradoLes lagons d'eau douce du désertLe Cerrado, le château d’eau du BrésilLa nature du Cerrado, un feu d’artifice végétalL’herbe dorée du CerradoSur les hauts plateaux du CerradoLe Cerrado, les termitières luminescentesL'apparente sérénité du CerradoLe Cerrado et son champ de diamant végétalLa rivière Prata au coucher du soleilLa mer de sable irréelle du Cerrado
    Le Cerrado et ses prairies fleuries

    Au premier plan, cette fleur est la Quaresmeira (Tibouchina granulosagranulosa), considérée comme une espèce pionnièreespèce pionnière. Cette variété est de petite taille mais on trouve l'espèce arbustive très répandue dans l'espace urbain au Brésil. Elle tire son nom de sa période de floraison pendant la période du carême. Ici, on la voit, épanouie, dans le parc national la Chapada dosdos Veadeiros, dont la flore comprend entre 350 et 400 espèces de plantes vasculairesplantes vasculaires par hectare et de nombreuses plantes endémiquesendémiques.

    À l'arrière-plan, une végétation différente du Cerrado avec une prairie, clairsemée de palmiers burutis (Mauritia flexuosa) ou palmier-bâche. C'est l'un des plus grands palmiers d'Amazonie, pouvant atteindre 35 m de haut, il se rencontre aussi bien dans les zones submergées du Pantanal. Ce palmier est représenté sur le timbre du Brésil émis en 2006 et consacré au Parc national de la Chapada dos Veadeiros.

    © Marcio CabralMarcio Cabral, tous droits réservés